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La pitié, sentiment altruiste ?

Publié le 13/04/2004

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De même, il faudrait souligner que la pitié, dans la mesure où elle ne se substitue pas purement et simplement à l'amour de soi, mais s'y ajoute, n'est pas for-cément synonyme de pur altruisme : « la pitié est douce, écrit Rousseau dans l'Émile, parce qu'en se mettant à la place de celui qui souffre on sent pourtant le plaisir de ne pas souffrir comme lui «. Mais ce qui importe, c'est surtout cette hypothèse d'un sentiment naturel qui interdit l'indifférence et pousse l'être humain à se mettre à la place d'autrui. Dès lors il ne faudrait pas concevoir la conscience comme originairement close, repliée sur elle-même, mais au contraire comme ouverte à l'autre. L'ego ne serait pas nécessairement égoïste. Qu'appelle-t-on « le respect de l'autre « ?Il n'est pas certain que cette sympathie instinctive, fondée sur une commune appartenance à l'ordre du vivant, suffise à fonder la morale et à rendre possible une relation authentique à autrui. Peut-être faudrait-il considérer au contraire que la reconnaissance de l'autre dans sa dignité d'homme et de sujet moral, voire de modèle digne d'être imité, passe par la prise de conscience, non pas de notre similitude, mais de la supériorité morale d'autrui. De telle sorte que le sentiment moral pourrait découler de la perception d'une dissymétrie entre autrui et moi, à l'avantage d'autrui. Dès lors, comme le suggère Kant dans la Critique de la raison pratique, la reconnaissance de l'humanité de l'autre homme ne passerait pas par l'éveil d'un instinct naturel au vivant. Elle serait dictée par un sentiment moral produit par la seule raison : le respect, sorte de tribut irrésistiblement accordé par chacun d'entre nous à la moralité de personnages exemplaires.

   Rousseau pose la pitié, ou compassion suscitée par le malheur d'autrui, comme le sentiment caractéris­tique de la nature humaine.

   La tradition philosophique insiste en général davan­tage sur l'ambivalence de ce sentiment, qui permet d'asseoir sa domination sur autrui.

« notre tour dans la situation où notre pitié s'exerce.

D'ailleurs, qu'attendre, quand nous les assistons, du vagabond,du grand vieillard, de l'agonisant ? La pitié serait égoïste en ce sens plus profond que, communiant avec lasouffrance d'autrui, nous le soulageons pour ne plus souffrir nous-mêmes.

Mais l'égoïste est précisément celui quireste fermé à la souffrance d'autrui et peut regarder d'un oeil froid un mal qui lui demeure étranger. B) LES CONSÉQUENCES EN SERAIENT FUNESTES. La pitié met en échec la loi de sélection.

Exploitant, du point de vue social, la thèse darwinienne, Spencer juge quela Société doit laisser s'éliminer les individus mal nés, les malhabiles et les malchanceux, car le maintien artificiel desfaibles à l'existence est pour les éléments sains une charge et souvent un danger.

Mais la morale n'a pas à se réglersur la nature.

S'il est vrai qu'ici le fort tue le faible, la question reste entière de savoir quelle est, dans l'ordrehumain, la force précieuse, la supériorité proprement humaine, et que l'homme a intérêt à voir triompher.

Le saint,l'homme de génie peuvent être pauvres, faibles, malades.

L'enfant ne devient homme et ne peut un jour servir leshommes que parce qu'on l'a d'abord aidé à vivre. III.

— Griefs valables. A) DÉVIATIONS NATURELLES DE LA PITIÉ. a) La pitié comporte à la fois participation à la souffrance d'autrui et conscience de sa position propre.

Je souffre,mais je connais ma souffrance comme un effet de la souffrance d'autrui.

Disposition complexe, qui peut me faireglisser à deux attitudes opposées.

Si c'est sur la souffrance de l'autre que ma conscience met l'accent, je vais,m'oubliant relativement, assister l'autre.

Mais, si c'est à ma souffrance propre, née par contagion, que je suissurtout sensible, je m'appliquerai, pour ne plus souffrir, à ignorer le mal de l'autre, qui me fait mal ; j'irai à souhaiterla disparition d'autrui souffrant.

N'écrase-t-on pas par pitié une bestiole blessée ? b) Même dans le premier cas, un glissement dangereux est à craindre.

Je puis, dans la pitié, m'oublier au point de meconfondre avec autrui souffrant.

Mais de quel secours lui serai-je ? De quel réconfort, de quelle aide physique ouintellectuelle est capable celui qui se fond dans l'angoisse ou la détresse de l'autre ? Le chirurgien ne maniesûrement le bistouri que s'il reste lucide et froid devant son patient. c) La pitié peut encore devenir une curiosité perverse, un goût malsain pour la souffrance.

Souvent on estcompatissant pour qui souffre, froid et dur pour les mêmes personnes quand, saines et heureuses, elles n'offrentplus d'aliment à cet appétit morbide pour la souffrance.

Bien des femmes se consacrent à des oeuvres de charité quiaiment non leur prochain en général, mais leur prochain souffrant. B) LA PITIÉ PRINCIPE D'INJUSTICE. a) Elle déséquilibre les sanctions, en ce qu'elle n'est sensible qu'au mal proche, actuel, perceptible, comme l'angoissedu criminel devant ses juges ; elle est indifférente aux suites lointaines et invisibles de l'acte de faiblesse qu'elleinspire. b) Elle entretient souvent, notamment sous la forme de l'aumône, la paresse et le vice. C) LA PITIÉ NUISIBLE A SES PRÉTENDUS BÉNÉFICIAIRES. a) Elle ruine l'éducation, qui ne va pas sans contraintes.

On refuse à l'enfant qu'on a « gâté », qu'on n'a pas voulucontrarier dans sa paresse ou sa gourmandise, les fruits du travail et les habitudes qui commanderaient sesréussites : le sens de l'effort, l'aptitude à se plier sans froissements aux disciplines collectives. b) Elle entretient des plaies sociales.

La charité individuelle, courte, capricieuse, mal éclairée, permet à nombre demiséreux de vivre au jour le jour.

Elle dispense ainsi d'organiser sous la forme d'un droit une assistance qui ferait àses bénéficiaires une vie moins précaire et plus digne. Conclusion. La pitié est souvent inique, parfois malfaisante, même pour ceux qu'elle paraît servir.

Elle est pourtant précieuse, ence qu'elle est une force réelle, un mobile efficace : on ne se dévoue pas par pure raison, on peut se dévouer parpitié.

Mais cette force doit être réglée par la réflexion ; ressort de l'action, elle ne doit pas la diriger.. »

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