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La politique peut-elle aider le sujet à réaliser son bien ?

Publié le 13/10/2009

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La politique peut-elle aider le sujet à réaliser son bien ?

 

Il semble aller de soi que la politique étant une activité de gouvernement d'une collectivité visant à assurer la coexistence pacifique des individus, elle permette à chacun de rechercher son bien. La déclaration d'indépendance des Etats-Unis commence ainsi par cette phrase : "Nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur." Si un gouvernement politique ne peut aider le sujet, c'est-à-dire l'individu de la communauté, à réaliser son bien, alors il doit être renversé et remplacé par un autre gouvernement qui accomplisse réellement cette tâche dont il a la charge.

  Mais si la politique vise un bien, ce n'est pas forcément celui du sujet. En effet, le sujet est celui qui est assujetti au droit, qui se doit la respecter. Or la politique s'intéresse d'abord au bien de la communauté dans son ensemble, et non de chacune des personnes privées. Ainsi, la recherche du bonheur ne désigne pas forcément, dans la déclaration d'indépendance, la recherche du bonheur personnel; le préambule de la Constitution des Etats-Unis parle ainsi de "développer le bien-être général" et non le bien-être particulier, qui ne relève pas de l'activité politique. Ce serait donc le bien commun et non le bien exclusif au sujet que la politique aurait à charge.

  Néanmoins, il n'est même pas sûr que la politique puisse aider à réaliser ce bien commun. En effet, un sujet ne peut être déclaré assujetti au droit que s'il est aussi sujet de droit, c'est-à-dire détenteur de droits inaliénables. Parmi ceux-ci se trouvent un certain nombre de libertés (liberté d'expression, liberté religieuse, liberté d'entreprendre, etc.) que le pouvoir politique, s'il cherchait à réaliser le bien de ses sujets, risquerait de violer. Ces libertés sont en effet des libertés négatives, c'est-à-dire des libertés de ne pas être entravé dans ses projets par des obstacles extérieurs. Or si l'Etat ou une autre forme de gouvernement politique intervenait dans la vie du sujet, même afin de réaliser son bien, il représenterait alors une entrave à sa liberté. Il y aurait donc une impossibilité radicale de la politique à aider les sujets, si ce n'est en préservant leurs droits fondamentaux.

  D'une part la politique semble donc instaurée uniquement en vue du bien des sujets, et d'autre part incapable d'essayer de le réaliser sans l'empêcher aussitôt. Cela nous amène à essayer de résoudre le problème qui concerne la place du sujet et de ses libertés fondamentales vis-à-vis du pouvoir politique : est-ce que ce pouvoir peut réaliser le bien de ses sujets sans être tyrannique et leur imposer une fin qui n'est pas la leur? Si non, peut-elle encore réaliser quelque chose comme un bien commun à l'ensemble de la collectivité politique ou doit-elle se contenter de faire respecter le droit et les libertés fondamentales?

 

« le bien des individus sans les opprimer? II./ Le bien n'est pas un concept politique ou juridique.

A./ Le concept de la politique comme gouvernement d'une communauté afin de pacifier les rapports entre sesmembres implique-t-il qu'elle prenne en charge le bien de ces membres ou même leur bien commun? Non, il s'agituniquement pour la politique d'édicter des lois telles qu'elles permettent l'accord extérieur des conduites entre elles,c'est-à-dire que la liberté de chacun n'empiète pas sur la liberté des autres.

Comme l'écrit Kant dans Théorie et pratique , II : "le droit est la limitation de la liberté de chacun à la condition de son accord avec la liberté de tous, dans la mesure où celle-ci est possible d'après une loi générale." Autrement dit, la politique et le droit ne se soucientabsolument pas des motifs des individus, mais uniquement de leur comportement.

En effet, les motifs de chacun nerelève que de lui, et ne peuvent être prédits a priori , avant l'expérience que chacun fait du monde : ils sont empiriques.

Ainsi le domaine de la législation relève "de la raison pure légiférant a priori , qui ne prend en considération aucune fin empirique (toutes les fins de ce genre ayant été comprises sous le nom général debonheur); car en ce qui concerne cette fin, et l'endroit où chacun entend la placer, les hommes ont des idéestotalement différentes en sorte que leur volonté ne peut pas être ramenée à un principe commun ni par conséquentà une loi extérieure en accord avec la liberté de tous."B./ Ainsi, la variabilité des fins des conduites humaines empêche celles-ci d'être saisies - et donc réalisées - par leslois.

Le bonheur, en tant que fin du comportement, n'est donc pas un concept politique ou juridique, et ni le droit nila politique - en tant qu'activité productrice du droit - ne saurait aider à réaliser ce bien.

Si jamais l'activité politiqueprend pour fin la réalisation du bonheur, puisque celui-ci varie d'homme à homme, ce serait ni plus ni moins qu'unacte despotique niant la liberté d'un citoyen : "personne ne peut me contraindre à être heureux à sa manière(comme il se représente le bien-être d'un autre homme), mais chacun a le droit de chercher son bonheur suivant lechemin qui lui paraît personnellement être le bon, si seulement il ne nuit pas à la liberté d'un autre à poursuivre unefin semblable." Il est évident que l'Etat qui cherche à imposer à tous une forme de bonheur déjà fixe serait aussidespotique que l'appareil de Zorglub qui dans l'aventure de Spirou et Fantasio intitulée L'Ombre du Z , intime inconsciemment à l'aide d'ondes inaudibles l'envie à tous les membres d'une société d'aller acheter du dentifrice"Zugol+Br"...

Ainsi, lorsqu'un gouvernement cherche à réaliser le bien de son peuple, il se comporte au mieux commeun père à l'égard de ses enfants, qui certes subvient à la subsistance de sa famille mais n'accorde pas de liberté àses enfants.

Il représente "un gouvernement paternel dans lequel les sujets sont contraints comme des enfantsmineurs qui ne peuvent pas distinguer ce qui est pour eux véritablement utile ou pernicieux." Dès lors que le bonheurdevient l'objet de l'activité politique, alors on risque de sombrer dans le despotisme et la privation de liberté.C./ Mais maintenir la liberté, n'est-ce pas aider le sujet à réaliser un bien, celui d'être libre? Non, car la liberté n'arien de positif : elle ne naît que d'une double contrainte.

En effet, les lois exercent une contrainte sur lecomportement des individus.

Mais comme ces comportements, en l'absence de loi, se limitent violemment les uns lesautres et donc sont déjà une forme de contrainte.

La contrainte qui s'impose à une contrainte est une libération.

Ily a donc bien une activité libératrice du droit, mais celle-ci ne se fait que mécaniquement, en enlevant les entravesqui limitent les comportements des individus.

La liberté n'est pas définie positivement, comme chez Rousseau, par unacte qui suivrait une loi (cela ne concerne que la liberté morale pour Kant) : la liberté politique est négative, ellen'est qu'une absence de contraintes sur le comportement individuel.

Il est donc clair que la politique ne peut aider lesujet à réaliser son bien, puisqu'elle ne l'aide pas à réaliser sa liberté : elle ne fait que rendre cette réalisationpossible.

Sinon, elle risquerait à tout moment de tomber dans le despotisme.

Néanmoins, il semble que si la politique se contente de faire respecter le droit, elle risque de provoquer elle-mêmedes entraves à la réalisation du bien-être de chacun.

Ne doit-elle pas au moins avoir une action à ce niveau là? III./ Le droit au bien-être social.

A./ L'Etat doit donc faire régner au sein de la société civile le droit afin que l'individu puisse réaliser personnellement,et sans aide aucune de l'Etat, le bien.

Mais en réalité, pour l'individu, l'administration du droit lui assure une forme desécurité, et une forme de sécurité qui est incomplète.

Comme l'écrit Hegel au paragraphe 230 des Principes de la philosophie du droit : « le droit effectif dans la particularité contient aussi bien le fait que la sécurité non-perturbée de la personne et de la propriété soit mise en place que le fait que la sauvegarde de la subsistance et du bien-êtrede l'individu singulier, le bien-être particulier, soit traité et effectué comme droit.

» Il y aurait donc bien un droit aubien-être qui impliquerait que l'Etat, et donc la politique, aide le sujet à réaliser son bien.B./ Si l'on veut que l'Etat agisse réellement (ait un droit « effectif ») il faut qu'il se préoccupe aussi du bien-être desindividus singuliers.

Pourquoi ? Parce que la société civile, sans intervention de l'Etat, engendre des crises desurproduction et ainsi « malgré l'excès de fortune, elle n'est pas assez fortunée, c'est-à-dire ne possède passuffisamment, en la richesse qu'elle a en propre pour remédier à l'excès de pauvreté.

» (§245) Or l'individu, dans lasociété civile, est considéré par le droit que Hegel dit « abstrait » et qui correspond à la forme négative du droit quel'on a décrit ci-dessus, comme un pur particulier, un atome humain sans attaches.

C'est donc ce droit qui rendl'individu vulnérable aux soubresauts de la société civile.

Mais en même temps, il considère l'individu comme « fils dela société civile, laquelle a tout autant de revendications envers lui qu'il a de droits sur elle.

» (§238)C./ Autrement dit, le droit ne peut se contenter de reconnaître l'individu comme un pur particulier, un pur sujetrespectant la loi : s'il le considère ainsi il doit aussi le considérer comme un sujet portant des droits envers lasociété civile comme un enfant envers sa famille.

Il n'y a pas d'assujettissement dans ces droits, puisqu'ilsn'impliquent pas que l'individu se voit imposer une fin heureuse par l'activité politique, mais qu'il puisse revendiquercertaines choses de l'Etat.

Cet ensemble de choses que peut revendiquer l'individu forment la « police » :l'éducation, l'encadrement professionnel (les « corporations »), le droit à la subsistance, etc.

Il ne s'agit donc pas. »

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