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La Religion est-elle l'asile de l'ignorance?

Publié le 06/02/2005

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Longtemps tenue pour la servante de la théologie, la philosophie est devenue à partir des temps modernes le principal vecteur d'un mouvement d'émancipation et de désengagement à l'égard de la religion, et le principal artisan d'une laïcisation des représentations du monde et de l'homme. Le philosophe, en effet, ne veut prendre pour guide que la seule raison. Or, le spectacle de certaines religions passées ou contemporaines, ainsi que l'observait Bergson dans Les deux sources de la morale et de la religion, est « humiliant pour l'intelligence «. Les religions apparaissent bien souvent comme des tissus d'erreurs et d'absurdités auxquelles se « cramponne « avec ténacité l'humanité. Comment ne pas évoquer par exemple l'Inquisition, cette procédure ecclésiastique instaurée contre les hérétiques, au nom de la vérité, et qui devait conduire, en 1600, à l'exécution d'un Giordano Bruno parce qu'il soutenait l'infinité de l'espace, ou à la condamnation d'un Galilée parce qu'il proclamait l'héliocentrisme ! Le progrès de la connaissance scientifique peut, dans ces conditions, être comparé à une longue marche ou à une longue lutte de la Raison et des Lumières contre l'obscurantisme religieux et les ténèbres de la superstition.  Cette vue fut partagée par Spinoza. Accusé, à son corps défendant, d'être athée, il expliqua dans son Traité théologicopolitique comment les hommes qualifient de divin ce qui dépasse leur compréhension et dont ils ignorent la cause. La religion est ainsi le fruit des prétentions de « l'humaine déraison « qui, parce qu'elle ignore les causes naturelles des choses, oppose la Nature à Dieu, et fait de ce dernier un principe d'explication universel. C'est pourquoi Dieu peut être dit « l'asile de l'ignorance «. Mais cette idée est-elle suffisante pour rendre compte du rôle de la religion ?

  • I) Il est juste de dire que "Dieu est l'asile de l'ignorance".

a) Nul ne sait qui est Dieu. b) Invoquer Dieu, c'est maintenir les esprits crédules dans l'ignorance. c) L'humilité est la mère de toute connaissance vraie.

  • II) Dieu n'est pas l'asile de l'ignorance.

a) La foi peut être rationnelle. b) La foi est une affaire de coeur. c) Ce n'est pas être ignorant que de reconnaître qu'il y a de l'inconnaissable.

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« « Et il ne faut pas oublier ici que les partisans de cette doctrine, qui ont voulu faire étalage de leur talent en assignant des finsaux choses, ont, pour prouver leur doctrine, apporté un nouveau moded'argumentation : la réduction, non à l'impossible, mais à l'ignorance ;ce qui montre qu'il n'y avait aucun autre moyen d'argumenter en faveurde cette doctrine.

Si, par exemple, une pierre est tombée d'un toit surla tête de quelqu'un et l'a tué, ils démontreront que la pierre est tombéepour tuer l'homme, de la façon suivante : si, en effet, elle n'est pastombée à cette fin par la volonté de Dieu, comment tant decirconstances ont-elles pu concourir par hasard ? Vous répondrez peut-être que c'est arrivé parce que le vent soufflait et que l'homme passaitpar là.

Mais ils insisteront : pourquoi le vent soufflait-il à ce moment-là ? Pourquoi l'homme passait-il par là à ce même moment ? Si vousrépondez de nouveau que le vent s'est levé parce que la veille, par untemps encore calme, la mer avait commencé à s'agiter, et que l'hommeavait été invité par un ami, ils insisteront de nouveau, car ils ne sontjamais à court de question : pourquoi donc la mer était-elle agitée ?Pourquoi l'homme a-t-il été invité à ce moment-là ? et ils ne cesserontainsi de vous interroger sur les causes des causes, jusqu'à ce que vousvous soyez réfugié dans la volonté de Dieu, cet asile d'ignorance.

» C'est après avoir exposé sa propre conception de Dieu que Spinoza s'attaque à la compréhension traditionnelle de Dieu comme roi ou seigneur , imposant ses volontés aux hommes.

« La volonté de Dieu , cet asile d'ignorance » écrit-il dans l'appendice au livre 1 de l' « Ethique », entendant montrer que la conception vulgaire de Dieu , non contente d'être anthropomorphique, dégénère en superstition et maintient les hommes dans une ignorance qui profite au pouvoir religieux. Pour Spinoza , Dieu n'est pas une personne, mais il se définit par la formule « Deus sive natura » : « Dieu ou la nature ».

Dieu est la force qui produit la totalité de la nature et des êtres : « il est la cause libre de toutes choses […] tout est en Dieu et dépend de lui ». Après avoir justifié son concept de Dieu , Spinoza entreprend de réfuter les préjugés des hommes au sujet de la divinité. « Tous ceux que j'entreprends de signaler ici [les fausses opinions] dépendent d'ailleurs d'un seul, consistant en ce que les hommes supposent communément que toutes les choses de la nature agissent comme eux en vued'une fin, et vont jusqu'à tenir pour certain que Dieu lui-même dirige tout vers une certaine fin. » Tous les préjugés des hommes reposent donc sur une conception anthropomorphique de la nature (« Les hommes supposent communément que toutes les choses de la nature agissent comme eux en vue d'une fin »), qui culmine dans l'idée que Dieu agit comme un être humain : il est pourvu d'une volonté et dirige tout selon ses buts et ses fins.

Dès lors tout phénomène naturel sera compris comme s'expliquant par la volonté de Dieu . Il deviendra donc impossible d'expliquer la nature par elle-même : tout phénomène (une maladie par exemple) ne sera pas compris par ses causes naturelles, mais saisi comme manifestation, comme signe de la volonté divine (lacolère de Dieu , qui pour punir les hommes leur envoie la maladie en question). Il vaut la peine de suivre la démonstration de Spinoza .

Celui-ci pose en principe un fait indéniable, celui qui veut que : « Tous les hommes naissent sans aucune connaissance des causes des choses, et que tous ont un appétit de rechercher ce qui leur est utile, et qu'ils en ont conscience. » Nous avons conscience de nos désirs, mais non de leurs causes.

Par suite les hommes croient désirer librement, croient que leurs désirs naissent d'eux-mêmes(comme un ivrogne sous l'emprise de l'alcool croit désirer librement sa bouteille).. »

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