La religion est-elle utile ?
Publié le 02/02/2012
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Parler de religion sans se rapporter à un dieu précis, c’est déjà se mettre suffisamment à distance pour juger le fait religieux : indépendamment de l’existence même du divin, on admet que la religion existe parce qu’elle a des effets et que de ces effets on peut débattre.
Dés lors, on peut légitimement s’interroger sur l’utilité de la religion ce qui revient à se demander de quelle utilité il s’agit. L’utilité désacralise ; cela ne revient-il pas à comparer la religion à d’autres réalités profanes ? Dés qu’il y a utilité, ne s’agit-il pas de calculer les moyens ? Or toute mise en oeuvre existe en fonction d’un projet ; pour le dire brièvement : à quelle finalité renvoie la religion ? Peut-on vraiment penser le religieux du point de vue de l’utilité ou bien cette question ne nous maintient-elle pas dans le monde humain, hors de toute dimension sacrée ? L’inutilité éventuelle de la religion célébrerait au final le règne de la technique qui instrumentalise tout y compris l’immatériel.

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Cependant l’utilité de la religion trouve son sens v éritable si on oriente la description sur l’individu : à
quel besoin fondamental la religion répond -elle ? Prenons en compte l’expérience humaine da ns ce
qu’elle a de plus universel et de plus intime, la certitude de notre propre mort et l’énigme que cela
projette sur notre vie.
Cette conscience aigüe s’accompagne d’une interrogation morale sur notre
bonheur présent et à venir : méritons -nous la vie q ue nous avons ? Serons -nous récompensés ou punis
en cas d’usurpation ? Toutes les religions a mènent à méditer sur cette angoisse ; elles fournissent des
réponses simples non pas en terme de données objectives mais comme croyance , comme espérance en
un ordr e q ue crée du sens et de la vérité, comme confiance en un ordre supérieur capable de résoudre
les conflits humains et les douloureuses contradictions. A ce titre, la religion sert à éradiquer le
pessimisme ou le doute lorsqu’ils poussent à considérer comme absurdes le réel et la vie.
Dans ces conditions, la religion est un moyen pour générer un état de bonheur durable et pour nous
stabiliser : dans sa dimension sociale, la religion est un fait culturel capable de pérennise r les valeurs et
les modes de vie grâce à la tradition.
Voir l’exemple parlant du culte des morts , des rites funéraires
dans leur globalité qui engage nt une tradition de respect des vivants envers leurs morts.
Dans sa
dimension individuelle, la religion stabilise les état s d’âme parce qu’e lle donne le sentiment d’exister
sous une autre réalité que la simple physicalité ; la vie éternelle pour les uns, le cycle de réincarnation
pour d’autres, la vie p artagée avec des animaux encore, dans tous ces cas de figure, il y a une
apparence et une ré alité essentielle à forte valeur.
D’ailleurs, l e terme d’utilité en paraît presque faible et c’est bien davantage de nécessité que l’on
pourrait parler pour l’homo religiosus .
Nous rejoignons alors l’analyse de Mircea Eliade pour qui les
hommes sans relig ion s’inscrivent néanmoins dans un inconscient collectif, une pensée archaïque qui
mêle vie et mort avec une force régénérante.
Cet argument montre que paradoxalement parce que la
force de stabilisation de la religion est supérieure, elle annexe des réalit és apparemment étrangères à
son mécanisme : il y a une manière religieuse de vivre les habitudes familiales, une manière religieuse
de donner un sens à la vie par le sport (le dépassement de soi) ; le contenu même de la religion s’en
trouve effacée au profit de cette vérité : il y a religion pour ce qui est nécessaire à la vie humaine c'est -
à-dire la vie dans la durée. La question revient alors : si la religion englobe tout ce qui est nécessaire à
la vie, l’utilité de la religion au sens où on l’aperçoit superficiellement n’est -elle pas un leurre ?
*
La religion a une utilité tellement forte qu’elle semble répondre à un besoin existentiel, pourtant cette
démonstration perd de son efficacité parce qu’elle fait perdre la dimension symbolique et sacrée de la
religion, on se demande alors s’il n’y a pas une inutilité de la religion si elle est ramenée au culte.
*
A travers ce point de vue, la religion est identifiée à la croyance c'est -à-dire à un méc anisme
irrationnel chargé de compenser le défaut de connaissance par des certitudes psychiques rassurantes .
A ce titre, Freud interprète la religion comme une régression infantile de l’adulte incapable d’affronter
le poids de la réalité et la cruauté de l ’existence : la croyance en un dieu le père permet d’éluder le
poids de la responsabilité et les dangers de l’action puisqu’il s’agit de s’en remettre à un ordre
supérieur chargé de tout organiser et de tout prévoir , la providence divine .
Ainsi l’utilité i ndividuelle
de la religion est illusoire : elle aveugle celui qui désire conserver la toute puissance dans un monde
clos et sans évolution possible.
Réciproquement, la religion n’est pas utile pour affronter la liberté
posée comme ambition personnelle ; el le est même un obstacle à l’éducation de la raison.
C’est en
substance de ce que Kant reproche aux dogmes religieux dans Qu’est ce que les Lumières ? lorsqu’il.
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