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La révolte d'un peuple peut-elle être légitime ?

Publié le 18/03/2009

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La révolte d'un peuple peut-elle être légitime ?

         La révolte fait partie de ces concepts dévalorisés au profit d'autres concepts proches mais reconnus comme plus pertinents. La révolte est d'abord la réaction, individuelle ou collective, à une situation de soumission qu'on estime insupportable, mais elle est souvent pensée comme simple désordre stérile. Elle est à ce titre dévalorisée de trois points de vue :

1)       par la faiblesse de son intensité, elle est petite, dispersée, voire individuelle,

2)       elle est subjective parce qu'elle émane d'un sentiment d'indignation,

3)       faibles et subjectives, elle est vouée à l'échec qui sanctionne toute attitude idéaliste sans prise sur le réel.

On voit que cette dévalorisation permet à d'autres concepts d'acquérir une pertinence, que ce soit celui de réforme pour penser le changement dans l'ordre, ou de révolution pour penser le changement absolu créateur d'un ordre nouveau.

                Poser la question de la légitimité c'est déjà remettre en cause cette première approche :

1)       en mettant temporairement de côté le critère de succès et d'échec au profit d'une interrogation sur la valeur intrinsèque de la révolte,

2)       dépasser l'opposition du subjectif et de l'objectif par la reconnaissance d'une autorité propre au sentiment d'indignation,

3)       mettre à profit l'idée que la révolte puisse être collective, généralisée, pour devenir la révolte d'un peuple.

Cette dernière idée est décisive mais problématique du fait de l'ambiguïté de la notion de peuple qui peut désigner aussi bien :

1)       la partie inférieure de la société, la plèbe, la 'populace' : dans ce cas la révolte court le risque d'être rabattue sur la sédition ou la conjuration, et demeurerait illégitime par la défense d'intérêts particuliers,

2)       une communauté politique unifiée : dans ce cas la révolte ne devient légitime que dans la mesure où elle est d'emblée pensable comme révolution.

La difficulté inhérente à l'idée d'une révolte d'un peuple consiste à penser la légitimité d'une contestation qui tend à s'affranchir des cadres et des procédures ordinaires pour se manifester à la fois en dehors de ce cadre et contre la loi établie. Ce qu'il faut comprendre c'est la légitimité d'un refus collectif d'obéissance, et cela revient à déterminer les conditions de possibilité d'une telle légitimité. Ces conditions dépendent donc de la signification donnée à cette idée peu précise de légitimité :

1)       est légitime ce qui est légal, c'est-à-dire reconnu par la loi (autorité légitime),

2)       est légitime ce qui est justifié, au double sens de juste et de rationnel (demande légitime),

3)       est légitime ce qui découle d'une nécessité reconnue (légitime défense).

« 3) Les contradictions d'un droit à la révolte Tout le problème est que cette révolte est décrite ici en termes de droit, ce qui occulte une dimensionessentielle de la révolte, la violence et la force.

Tout le problème est de penser la légitimité du recours à uneépreuve de force contre le droit établi, et il semble que cette légitimation par l'idée de droit de résistance estcontrainte d'occulter la violence car elle est en elle-même contradictoire.

Kant, dans son opuscule de 1793 Sur l'expression courante : il se peut que ce soit juste en théorie, mais en pratique, cela ne vaut rien , décèle deux contradictions inhérentes à l'idée de révolte populaire légitime.

La première est que le jugement moral qu'implique larévolte ne peut être attribué au peuple : « dans une constitution civile déjà existante le peuple n'a plus le droit decontinuer à statuer sur la façon dont cette constitution doit être gouvernée.

Car, supposée qu'il en ait le droit, etjustement le droit de s'opposer à la décision du chef réel de l'État, qui doit décider de quel côté est le droit ? Ce nepeut être aucun des deux, car il serait juge dans sa propre cause ».

La seconde contradiction refuse l'idée d'un droità la violence pour se défendre de l'oppression : « le chef de l'État peut tout aussi bien, pour justifier la dureté deson procédé à l'égard des sujets, arguer de leur insoumission que ces derniers peuvent justifier leur révolte en seplaignant de subir un traitement qu'ils n'ont pas mérité, et qui tranchera en ce cas ? ».

Ces deux contradictionsrepose sur l'idée que l'État se définit à la fois comme source du droit et comme arbitre, et qu'on ne peut pass'opposer à lui en ayant une quelconque légitimité de son côté.

Fondamentalement, on ne peut penser de manièrecohérente un droit de contester le droit.

On peut soutenir une révolte pour des raisons et des intérêts par ailleursdéfendables, mais on ne peut invoquer pour défendre son choix une prétendue légitimité à laquelle tout révoltéconséquent devrait renoncer.

Transition : cette dernière remarque montre bien que les incohérences d'un droit de résistance ne peuvent suffire àrenoncer définitivement à penser la légitimé de la révolte d'un peuple.

Il faut reconnaître qu'il y a dans la révolte uneextériorité radicale au droit mais en même temps une exigence de la raison qui rend compte du fait qu'on a pucherché à en faire un droit.

La justification de la révolte : une aporie II.

1) La justification par les fonctions de la société politique L'idée d'une justification de la révolte d'un peuple doit conduire à examiner si la résistance à l'oppressionpeut s'appuyer sur une idée de justice rapportée à la raison et non plus au droit.

On peut reprendre l'analyse del'article 2 en remarquant cette fois que ce qui est essentiel c'est l'idée que la société politique a des finsdéterminées, et que c'est l'existence de ces fins qui fonde l'idée de révolte légitime.

Le critère à prendre en compten'est pas seulement l'opposition au tyran, c'est aussi le contenu même des revendications.

Cette idée est défenduepar Locke dans le chapitre 9 du Second traité du gouvernement civil : « La fin essentielle que poursuivent les hommes qui s'unissent pour former une république, et qui se soumettent à un gouvernement, c'est la préservationde leur propriété » et Locke entend par propriété trois choses : la vie, la liberté, les biens.

Tout l'enjeu est de fairede ces buts des fins naturelles et non surnaturelles.

Parce qu'elles sont naturelles, elles sont connues de tous, etpeuvent donc intervenir dans le jugement porté sur l'action d'un gouvernement, contrairement à des finssurnaturelles, répondant à un mandat divin, et que l'on ne peut connaître.

La révolte d'un peuple est donc légitimequand le peuple en question est menacé dans son intégrité physique ou dans sa propriété, quand on nie ce qu'il estou qu'on lui retire ce qui lui revient.

2) La contradiction inhérente à cette justification Il y a deux tensions majeures dans cette justification de la révolte populaire.

D'une part, et c'est ce quemasquaient les analyses de Rousseau, la primauté des individus (ce sont eux et non le peuple qui disposent de droitsnaturels) efface la naturalité du peuple qui doit néanmoins seul recevoir le droit de résistance, illégitime absolumentau niveau individuel.

Il y a en fait une profonde asymétrie entre les droits des individus (liberté, sûreté, propriété) etle droit d'un peuple à résister.

D'autre part, la définition de droits subjectifs renvoient inéluctablement àl'instauration d'une Justice souveraine, d'un pouvoir judiciaire autonome, distinct du peuple et des individus, et quiseule est apte à juger du respect de ces droits.

On peut donc considérer que Locke fait le choix de ne pas prendreen compte la dissociation opérée par Hobbes entre le peuple comme unité et l'individu bénéficiaire de droits naturels.Seul l'individu a des droits naturels à défendre, le peuple lui n'a pas d'existence distincte de celle du souverain qu'ilinstitue : faire peuple, c'est « désigner un homme, ou une assemblée d'hommes, pour porter leur personne ; etchacun fait sienne et reconnaître être lui-même l'auteur de toute action accomplie ou causée par celui qui porte leurpersonne » ( Léviathan , II, 17).

L'asymétrie devient ainsi contradiction entre des prémisses individualistes et un droit collectif.

Ce dernier ne peut aboutir qu'à une révolte contre soi-même, et c'est ce qui en fait un désordre stérile.L'impossibilité de trouver une légitimité à la révolte d'un peuple n'est en fait que la conséquence de l'impossibilité depenser sans contradiction cette même révolte.

3) La légitimation de la révolte populaire abandonnée au profit de l'équilibre des pouvoirs Le droit de résistance, qu'on l'interprète en termes de souveraineté populaire ou de droits naturels, nepeut donc fournir la matrice d'une légitimation de la révolte d'un peuple, à l'inverse, il rend celle-ci difficilementpensable, donc a fortiori difficilement justifiable.

Ce concept transitoire signale en fait l'avènement d'une théoriepolitique qui fait de l'autorité civile un instrument que le peuple se donne pour la sauvegarde de ses droits civils et. »

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