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La société fait-elle l'homme ?

Publié le 13/10/2005

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Ainsi n'est-ce aucunement par défaut ou seulement par intérêt que l'homme vit en société, il est au contraire né pour cela. Les Stoïciens iront encore plus loin dans leur conception de la société comme communauté naturelle de l'homme. Ils pensaient en effet que la société des hommes ne se réduit pas à une simple juxtaposition d'individus mais qu'au contraire, elle forme une communauté vivante, les règles assurant sa cohésion étant alors assimilables à des lois naturelles qui ne peuvent dès lors pas être contestées ou remises en cause. Un droit naturel régissant la société peut dès lors être formuler, comme a tenté de le faire Cicéron dans Des biens et des maux.   2- L'« insociable sociabilité » de l'homme   Pourtant, cette conception d'une humanité naturellement sociable ne semble pas aller de soi, comme l'illustre la célèbre formule de Kant qui parle au sujet de l'homme de son « insociable sociabilité ». Le rassemblement des hommes soulève en effet presque toujours des tensions au point que l'on puisse légitimement douter que ces derniers soient vraiment faits pour vivre en société. L'homme serait-il alors fait pour vivre dans la solitude ? On trouve cette idée chez Rousseau, qui postule pour sa part que seul un cataclysme extraordinaire a pu obliger l'homme à se résoudre à vivre avec ses semblables dans une société finalement artificielle, contraignante et même aliénante pour la liberté première de l'homme seul. Dans une perspective un peu différente, le philosophe anglais Hobbes (1588-1679) dénonçait également le caractère artificiel des sociétés. Pour lui, les mécanismes naturels des passions humaines (le désir, l'orgueil, la peur de mourir) entraînent fatalement une guerre perpétuelle entre les hommes.

On peut difficilement envisager de parler de l’homme sans prendre en compte son cadre de vie, la société. On imagine mal en effet aujourd’hui que l’homme puisse vivre seul, indépendamment de ses semblables, à l’écart de toute structure socialement organisée, de quelque manière que ce soit. Est-ce cependant nécessaire pour dire que c’est la société qui fait l’homme ? On parle en effet de sociétés animales pour décrire des regroupements d’individualités évoluant selon des schémas réglés et dans un rapport d’interdépendance sans pour autant que l’homme y soit présent. Qu’est-ce qui fait la spécificité de ces sociétés au point de dire que sans elle, l’homme ne peut se faire ? Peut-on dire que la complexité humaine, mais aussi ses nombreuses capacités et ses multiples facettes sont imputables à la vie en société ? Par ailleurs, est-ce l’homme qui décide lui-même de vivre en société dans le souci de l’intérêt général ou bien cette forme d’organisation s’impose-t-elle d’elle-même à lui de manière naturelle ? Enfin, la vie en société, établie depuis des siècles, a-t-elle modifié la nature des rapports entre les hommes ? Que peut-on dire à cet égard du modèle de nos sociétés occidentales, fondées sur les rapports économiques ?

1- Peut-on dire que vivre en société est naturel ? Si l’on en croit Aristote et les Stoïciens, la société semble bien être l’expression naturelle de la sociabilité innée de l’homme.

2- Cependant, l’histoire n’a cessé et ne cesse de montrer que rien n’est moins instable et problématique que ce « vivre ensemble «. Interrogeons-nous, avec Hobbes et Rousseau, sur ce qui a pu pousser l’homme a accepter de vivre en société, au péril de sa liberté première.

3- Enfin, une fois le contrat social accepté, il peut être intéressant de voir comment les sociétés ont fait évoluer les rapports entre hommes, avec l’exemple de l’Occident.

« social » : ce qu'Aristote désigne est moins l'appartenance à une communauté quelconque, ou encore régie par des intérêts « économiques », que l'accès à une sphère autre, seulement politique, et qui permet à l'homme de s'épanouir en tant qu'homme, de viser le bonheur, d'entretenir avec lesautres hommes des liens libres, libérés de tout enjeu vital.Plus étranges peuvent paraître les deux autres thèses, liées, d'Aristote, affirmant que la cité est une réalité naturelle, et surtout, qu'elle estantérieure par nature à l'individu.

Cela signifie que l'homme n'est pas autosuffisant : il n'est qu'une partie d'un tout : la cité, comme la mai est partiedu corps.

Pas plus que la main n'existe réellement sans le corps, l'individu humain n'existe sans la cité.

C'est d'elle qu'il reçoit son humanité, sondéveloppement, son statut moral.« Mais l'homme qui est dans l'incapacité d'être membre d'une communauté, ou qui n'en éprouve nullement le besoin, parce qu'il se suffit à lui-même, ne fait en rien partie de la cité et par conséquent est ou une brute, ou un dieu » Ne pas appartenir à la « polis », lei d'humanité, c'est être soit infra-humain, soit supra-humain.L'exposé d'Aristote reprend la conception classique de la cité au sens grec.

La cité n'est pas un Etat (forme barbare pour les Grecs), elle n'est pasliée à un territoire (comme aujourd'hui où la citoyenneté se définit d'abord par référence au sol, à la « patrie »).

La cité est une communauté d'hommes, vivant sous les mêmes mois et adorant les mêmes dieux.

L'idéal grec est celui d'un groupe d'hommes pouvant tous se connaîtrepersonnellement.

L'idéal politique est donc celui d'une communauté d'hommes libres (non asservis par le travail et les nécessités vitales, disposantde loisirs) et unis par la « philia ». Quand les contemporains parlent « d'animal social », ou quand Marx déclare que l'homme est « animal politique », ce ‘est pas au même sens que les Grecs.

La polis n'est pas une communauté économique, au contraire : elle naît quand on peut s'affranchir de la contrainte économique etdisposer de loisirs.

Ainsi les esclaves ne sont-ils pas citoyens, ainsi le statut des artisans est-il difficile (Aristote dit qu'ils sont en « esclavage limité »).

Le travail est ressenti comme une nécessité (vitale, économique) et la « polis » est un lieu de liberté. Enfin Aristote polémique avec Platon. Pour ce dernier, les liens d'autorité sont les mêmes pour le chef de famille, le chef politique, le maître d'esclaves.

Ces types de gouvernement ne différent que par le nombre d'individus sur lesquels ils s'exercent.

Or, Aristote restitue des différences,selon que l'autorité s'exerce sur un être déficient, comme est censé l'être l'esclave, des êtres libres mais inférieurs comme le seraient la femme etl'enfant, ou encore entre égaux, ce qui est le cas proprement politique.Le pouvoir politique s'exerce donc au sein d'hommes libres et égaux.

Par suite, il n'a aucune mesure avec le pouvoir paternel.

Dans unecommunauté politique, nul ne peut se prévaloir d'une supériorité de nature pour gouverner : ainsi chaque individu sera-t-il alternativementgouvernant et gouverné.

L'idéal de la « polis » exige que chacun puisse, en tant qu'homme libre, égal aux autres, prétendre au pouvoir pour un laps de temps déterminé.Les modernes renieront, en un sens, l'enseignement d'Aristote, en faisant de l'individu souverain un être autonome, indépendant, capable dedécider pour lui-même de ses actions.

Toute la tradition politique dont notre monde est issu rejettera l'idée que : « La cité est antérieure à chacun de nous pris individuellement. » Les Stoïciens iront encore plus loin dans leur conception de la société comme communauté naturelle de l'homme.

Ils pensaient en effet que la société des hommes ne se réduit pas à une simple juxtaposition d'individusmais qu'au contraire, elle forme une communauté vivante, les règles assurant sa cohésion étant alors assimilables àdes lois naturelles qui ne peuvent dès lors pas être contestées ou remises en cause.

Un droit naturel régissant lasociété peut dès lors être formuler, comme a tenté de le faire Cicéron dans Des biens et des maux . 2- L'« insociable sociabilité » de l'homme Pourtant, cette conception d'une humanité naturellement sociable ne semble pas aller de soi, comme l'illustre la célèbre formule de Kant qui parle au sujet de l'homme de son « insociable sociabilité ».

Le rassemblement deshommes soulève en effet presque toujours des tensions au point que l'on puisse légitimement douter que cesderniers soient vraiment faits pour vivre en société. L'insociable sociabilité de l'homme chez KANT «J'entends ici par antagonisme l'insociable sociabilité des hommes, c'est-à-dire leur inclination à entrer en société, inclination qui est cependant doubléepar une répulsion générale à le faire, menaçant constamment de désagrégercette société.» Kant, Idée d'une histoire universelle au point de vuecosmopolitique (1784). • Kant dit bien la tension interne qui règne dans le tempérament humain et,du coup, dans la société.

D'un côté, les hommes tendent à s'associer, del'autre, ils y répugnent.

L'homme est ambivalent, et la société est traversée àla fois par des forces qui la maintiennent, et des forces qui la mettent endanger.• Cependant, l'effet de ces forces est, lui aussi, ambivalent.

Car Kant voitdans cet égoïsme naturel des hommes, dans leur vanité et leur désir dedomination, un aiguillon qui les pousse à développer leurs talents.

Sans cela,la société baignerait «dans une concorde, une satisfaction et un amourmutuel parfaits», qui serait, en fait, moins profitable à l'espèce que cetteémulation.

L'égoïsme a donc paradoxalement aussi son rôle à jouer dans ledéveloppement de la société. « L'homme a un penchant à s'associer, car dans un tel état, il se sent plusqu'homme par le développement de ses dispositions naturelles.

Mais il manifeste aussi une grande propension à se. »

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