Devoir de Philosophie

LA TECHNIQUE

Publié le 10/03/2012

Extrait du document

technique

La reconnaissance du fait que la nature n’est pas source de normes est-elle un gage des bienfaits de la technique, et devons-nous prendre sans réticence le parti de cette dernière ? En effet, s’il n’y a rien de sacrilège dans le programme d’une maîtrise de la nature, le technicisme pourrait cependant être une attitude dangereuse pour l’homme lui-même. L’attention aux techniques, et donc au technique[1], n’a jamais été aussi envahissante que dans nos sociétés post-industrielles, sous la double forme, propice à toutes les ambiguïtés, de la confiance aveugle à l’efficacité des ressources techniciennes, et du sentiment de dépossession en présence de la « technocratie « ambiante. Si une certaine forme de technophobie semble avoir toujours existé[2], une crainte que nous pouvons légitimement avoir aujourd’hui regardant la technique, c’est que celle-ci échappe progressivement à notre contrôle, à notre maîtrise. La vision d’un futur proche où les machines, devenues autonomes, prendraient le pouvoir, qui envahit les ouvrages et les films de science-fiction, suffit à montrer l’inquiétude que provoque l’évolution récente de la technique. La question que nous nous poserons sera donc, plus précisément, la suivante : pouvons-nous maîtriser la technique et son progrès ?


[1] Précisions terminologiques : on entend généralement par technologies les conduites, opérations et fabrications intégrées à un complexe ou à un corps à la fois théorique et pratique. Par techniques, on signifie les transformations opératoires de la nature et de l’environnement humain. Quand on parle de la technique, on évoque les savoir-faire développés par l’entraînement et l’apprentissage, par la pratique, et opposés à l’art comme le métier l’est au génie. On a souvent recours à « technologie « parce que le terme paraît chargé d’une dignité que « technique « n’a pas : on entendra alors par « technologie « le noyau dur de toute technique, le modèle essentiel et la forme complète, achevée et enfin pleinement intelligible du phénomène technique.

[2] La technophobie éternelle semble en vouloir d’abord à l’indéniable vulgarité des techniques. Est vulgaire ce qui est directement lié aux satisfactions des exigences vitales – se nourrir, s’abreuver, se reproduire, se chauffer. Or, c’est le propre d’une exigence vitale d’être toujours recommencée et toujours à satisfaire de nouveau. Les techniques sont liées à la triste contrainte d’avoir un corps et d’avoir à l’entretenir. Elles suggèrent une finitude insupportable aux belles âmes qui les assimile à la corvée, à la routine, au mécanisme.

La technophobie contemporaine met l’accent, à la suite de l’efficacité incroyablement accrue des techniques qui ont pénétré les moindres secteurs de la vie quotidienne, sur la disproportion entre ce que nous pouvons et ce que nous voulons, insiste sur les menaces du machinisme et sur le danger d’uniformisation de l’humanité.

technique

« 2 -La technique comme capacité proprement humaine d’articuler des moyens à une fin . La technique ne peut être définie dans toute son étendue qu’à partir de ce type de raisonnement qui permet de mettre en œuvre des moyens en vue d’une fin qu’on s’est préalablement représentée.

S’il y a une technique dans chaque activité, une activité se distingue par le fait qu’elle est finalisée, qu’elle tend vers un but.

On pourra donc définir ainsi une technique, à la suite de Max Weber dans Economie et société (p.

63) : « La technique d’une activité est dans notre esprit la somme des moyens nécessaires à son exercice, par opposition au sens ou au but de l’activité qui, en dernière analyse, en détermine (concrètement parlant) l’orientation, la technique rationnelle étant pour nous la mise en œuvre de moyens orientés intentionnellement et méthodiquement en fonction d’expériences, de réflexions et – en poussant la rationalité à son plus haut degré – de considérations scientifiques ».

Mais, à partir d’une telle définition, l’on peut bien dire que la technique est un phénomène exclusivement humain.

Car cette capacité à se représenter intellectuellement la fin que l’on veut poursuivre n’existe pas dans le règne animal, si l’on en croit la formule de Marx selon laquelle « ce qui distingue dès l’abord le plus mauvais architecte de l’abeille la plus experte, c’est qu’il construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche.

» Parce que l’homme se propose à lui-même les buts qu’il veut poursuivre, ceux-ci sont complètement émancipés de toute destination naturelle. 2) La technique : une invention humaine La technique suppose dès lors tout ce qui fait la singularité de l’homme dans la nature : la pensée, le langage, l’histoire par la transmission des normes… si bien que le premier critère de la technique semble être le caractère culturel de celle-ci.

Dans Structures élémentaires de la parenté, Claude Lévi-Strauss indique les traits essentiels du règne naturel et du règne culturel.

Parmi les attributs « impossibles à méconnaître » du règne naturel, on a : « L’instinct, l’équipement anatomique qui seul peut en permettre l’exercice et la transmission héréditaire des conduites essentielles à la survivance de l’individu et de l’espèce ».

Le « modèle culturel universel » est, lui, décrit en ces termes : « Langage, outils, institutions sociales et systèmes de valeurs esthétiques, morales ou religieuses ».

Ceci montre à l’évidence qu’on ne saurait assimiler, par exemple, un ramasseur de miel à une abeille butineuse : avec la technique on est d’emblée du côté de la culture, c’est-à-dire de ce qui pourrait être autrement, du contingent.

Il est même possible de préciser comment se fait ce passage à la culture : il n’est pas de l’ordre du symbolique, comme avec le langage ; il n’est pas de l’ordre de la règle, comme avec les institutions.

La technique agit toujours en transformant un obstacle naturel en un moyen.

Ainsi, la forêt- galerie, incendiée, devient un champ.

Mais si la technique est bien une invention proprement humaine, il paraît aller de soi que le progrès technique est entre nos mains et que nous le maîtrisons.

La technique ne progresse que grâce aux inventions que nous faisons, or toute invention est un acte humain délibéré et volontaire. Il serait d’autant plus étrange que nous ne maîtrisions pas le progrès technique que la technique est, en tant que telle, une maîtrise de la nature.

Il serait bien insolite en effet que la technique soit une maîtrise que nous ne maîtrisons pas… 3) Les volontés individuelle et collective sans prise sur le phénomène technique Pourtant, force est de constater que le progrès technique nous échappe par certains aspects.

Nous nous trouvons avec la technique devant le paradoxe d’une œuvre qui nous doit tout et dont, pourtant, nous avons peine à nous reconnaître les auteurs, d’une évolution qui paraît davantage être un processus autonome qu’une histoire vraiment humaine.

On constate en effet que, dans le développement technique, la volonté individuelle et même la volonté collective du corps social, la volonté politique, sont largement mises hors-jeu, qu’elles prennent l’initiative de faire changer les conditions données ou de maintenir celles qui existent.

Ce sentiment d’impuissance nous amène progressivement à voir dans le progrès technique une dynamique autonome, sur laquelle nous n’avons pas vraiment prise. II.

La technique : une maîtrise dans la soumission 1) Le détour par l’altérité Ne pas maîtriser notre propre maîtrise des phénomènes naturels, c’est bien là, avons-nous dit, le comble. Et pourtant, si l’on examine de près quel type de maîtrise de la nature est exactement la technique, nous ne sommes pas tant surpris.

Cette maîtrise, F.

Bacon l’exprimait en disant que nous ne commandons à la nature qu’en lui obéissant.

Nous ne maîtrisons pas la nature comme nous disons maîtriser un agresseur, par la contrainte physique, car la nature est bien plus puissante que nous.

Nous nous soumettons au contraire aux lois de la nature. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles