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L'amour peut-il être raisonnable ?

Publié le 22/02/2012

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amour
A première vue, et au nom de l'amour véritable et du désir de passion qui nous anime, aimer représenterait un acte si grandiose qu'il serait alors au-delà de toutes limites, limites qui caractérisent la raison. Aussi la question de la présence du raisonnable dans l'amour surprend dès l'abord et l'on s'insurge devant une telle audace : que diable la raison viendrait-elle faire là où apparemment tout n'est affaire que de sentiments, d'émotions, d'élans frisant parfois l'oubli de soi ? Comment oser vulgariser ainsi le sentiment si noble, parce qu'unique et atypique, en le qualifiant de raisonnable ? Seulement, immédiatement, le point de vue devient discutable puisque le fait même de se poser une telle question injecte une dose de rationalité dans l'acte d'aimer du fait de l'interrogation qu'il suscite. Et après tout, le verbe aimer représente un tel panel de sentiments qu'il en est bien quelques uns qui font appel à cette raison caractéristique à l'homme. Quelle est donc l'essence de l'acte d'amour : une affection pathologique irrationnelle pouvant parfois tendre vers une douce folie ou bien une collaboration inévitable du coeur et de l'esprit ? Si la question nous paraît offensante dans un premier temps et que nous lui tournons le dos en une moue méprisante et résolue, enfant boudeur, il ne nous faut pas longtemps pour regarder en arrière et reconsidérer la chose, ce même enfant saisissant l'extravagance de sa réaction et faisant timidement, mais sûrement, machine arrière. Pour en venir à découvrir que la raison, plus qu'une collègue, est en effet cette amie qu'elle prétend être, une amie qui nous veut - qui nous fait - du bien.


amour

« raison puisque cette affirmation vient d'une opinion, d'un avis que l'on a.

Stendhal distinguait quatre sortesd'amours ; l'amour-passion, l'amour-goût (celui du « j'aime tel sport » ou « j'aime tels animaux »…), l'amour-physiqueet l'amour-vanité.

Si l'amour-physique pourrait passer à côté de la raison (quoique, on s'en sert parfois et son usagepeut être très réfléchi…), l'amour-vanité n'est pas exempt de cette même raison ; il est d'ailleurs produit par elle.

Ilse caractérise par un désir mimétique ; on désire selon l'Autre.

Parce que l'Autre possède cela, il nous le faut, il fautqu'on puisse être assez bon nous-mêmes pour nous le procurer.

Cela peut amener à l'idée de jalousie, qui rejointaussi l'amour-passion.

Etre jaloux ; réfléchir tant à ce qu'a l'autre et qu'alors nous n'avons pas que cela nous rendfurieux ou misérable.

Ou pire, tendre à la paranoïa tant l'idée que l'Autre pourrait nous déposséder de qui nousappartient (il s'agirait par exemple de l'amour d'une femme dans le cas d'un homme jaloux) nous hante.

Plus que lajalousie, un autre aspect de l'amour-passion a recours à l'usage de la raison : la propension à idéaliser l'amour plusque de le vivre – ce que Stendhal a appelé cristallisation.

En effet, l'idée consiste à penser tant à la personne, àquel point elle est parfaite pour nous, (jusqu'à parfois déformer la réalité !) que, finalement, nous en venons à neplus avoir le temps, ni parfois l'envie, d'aimer dans le réel.

Nous n'aimons plus qu'une idée abstraite, un êtrefantasque qui n'est que celui que notre esprit nous a fabriqué.

Dans ce cas l'amour se manifeste plus dans l'espritque par le corps, que dans la réalité et la spontanéité.Ainsi, nous ne pouvons plus nier que la raison ait quoi que ce soit à voir avec l'amour.

En plus de l'acte d'aimer, ilexiste l'idée d'aimer.

Inévitablement, nous cédons à la raison, dans sa tentative semble-t-il désespérée d'être de lapartie, telle une amie un peu collante qui aurait appris, vexée, qu'on ne l'a pas invitée à notre mariage.

Mais coupleramour et raison sur un plan égalitaire, équitable et collaborateur, n'est-ce pas se cantonner de manière illusoire à unpseudo-ordre rassurant plutôt que d'affronter le « désordre du monde » ? En effet, lorsque l'homme commun survole d'un air distrait le vaste paysage de ses amours passées, de ses amoursdéçues, la synthèse qu'il fait de ce qu'il voit est souvent la même.

Ce qu'il croit apprendre, en voyant les terrescalcinées par les affres de ses amours perdues, c'est que l'amour fait souffrir.

Et ce qu'il croit comprendre, c'est quepour éviter cette souffrance il est peut-être plus raisonnable de ne pas aimer du tout.

Il s'agirait donc de s'enremettre entièrement à la raison pour que celle-ci se charge de régler tous ses petits soucis, et de l'affranchir de lasouffrance qui le démange.

Mais cet homme a tort, il a tort car il part d'un axiome erroné : la souffrance est unechose mauvaise.Je pense, donc je suis est le propos de celui qui sous-estime les maux de dents.

Je sens, donc je suis est une véritéde portée beaucoup plus générale et qui concerne tout être vivant.

« Mon moi » ne se distingue pas essentiellementdu « moi de l'Autre » par la pensée.

Beaucoup de gens, peu d'idées : les hommes pensent tous à peu près la mêmechose en transmettant, en empruntant, en volant les idées les uns aux autres.

Mais si quelqu'un me marche sur lepied c'est moi, et moi seul, qui ressens la douleur.

Le fondement du moi est la souffrance, sentiment le plusélémentaire de tous.

Quand celle-ci se fait aigüe, le monde s'évanouit et chacun de nous reste seul avec lui-même.La souffrance met en relief l'existence du moi, elle est son unique preuve ontologique indubitable.

En cela nonseulement elle n'est pas chose mauvaise, mais elle serait en plus un sentiment digne de respect et d'attention touteparticulière (le Mychkine de Dostoïevski est particulièrement attiré par les femmes qui ont souffert et les admireprofondément.

Le premier réflexe qu'il a en voyant la photographie de celle dont il tombera éperdument amoureux,Nastassia, est de remarquer qu' « elle a dû beaucoup souffrir »).

Ainsi au plus profond de nous, la souffrance estadorée car elle est l'expression du moi, elle nous crie notre existence. Ce en quoi notre homme avait raison est la relation entre amour et souffrance, allant comme inévitablement de pair.Dans le mot « passion » même apparaît la signature de cette souffrance, « patior » signifiant « souffrir », en latin.Quant aux amours les plus intenses, on remarque qu'elles naissent souvent d'obstacles insurmontables,classiquement des différences de classes sociales ou des rivalités indépassables (notamment, la fameuse rivalitéCapulet-Montaigu qui oppose les familles respectives de Juliette et Roméo).

La différence entre les contes de féeset les histoires d'amour poignantes et bouleversantes réside dans le dépassement de ces obstacles.

La splendeuratteint son paroxysme lorsque les amours sont brisées, ou jamais arrivées à terme, non par la satisfaction immédiateque peut procurer un Happy Ending.

Roméo et Juliette, Mademoiselle de Chartres et son duc de Nemours, et mêmela Petite Sirène et son prince (chez Andersen) ne vécurent pas heureux au milieu de pléthore d'enfants chéris.

Etpourtant leurs histoires sont de celles qui nous ébranlent le plus, celles sur lesquelles on apposerait sans discuter, lementon encore un peu tremblant d'avoir tourné la dernière page du livre, le cachet de l' « amour véritable ».

Quantà Werther, c'est lorsque son amour devient enfin possible avec celle qu'il convoite depuis toujours qu'il perd la vie.Ainsi il semblerait que l'amour, le « vrai », soit obstacles, quête, et non accomplissement.

Malheur à qui n'a plus rienà désirer …Alors, la raison dévoile son rôle primordial : elle dépiaute le sentiment amoureux pour en arriver à son essence ; lasouffrance.

Et nous rendre si heureux, paradoxalement.

La raison nous permet de supporter les souffrances del'amour parce qu'elle les met en évidence, et qu'on les aime en vérité parce qu'elles nous disent qu'on est.

Sans laraison, il y aurait juste une désagréable sensation qui nous glace au passage de l'amour.

Ce qui reviendrait à se fairebrûler une verrue sans savoir pourquoi.

Autant ne pas le faire du tout, c'est si douloureux, si insupportable.

Mais sil'amour est l'azote, la raison est le dermatologue.

Et si l'on prête attention aux dires du médecin, on peut se réjouirde cette douleur car on sait alors dans le fond le bien qu'elle a le pouvoir de nous procurer.La raison est donc aussi présente dans l'acte d'aimer.

Celle que l'on rejetait âprement au début est finalement bienlà, en nous, comme si son emprise était perpétuelle et inévitable.

Elle répond toujours présente, tel le fantôme quinous tient en otage, et auquel on ne peut pas s'empêcher de faire appel.

L'amie délaissée est devenue ravisseur etle syndrome de Stockholm s'est furieusement emparé de nous. Ainsi, aimer n'est pas la petite affaire privée du corps, des élans des sens.

Cet acte ne peut être dépourvu de touteraison, sans pour autant se résumer à une recette magique où les deux ingrédients se trouveraient en proportions. »

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