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Langage humain et langage animal

Publié le 14/10/2019

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langage
Or il se trouve que c'est chez les insectes, en l'occurence l'abeille, que l'on rencontre le système d'information le plus riche. De la patiente observation qu'il en a faite, Karl Von Frisch révèle que, par une \"danse\" aux mouvements d'amplitude variables, l'abeille informe l'ensemble de la ruche, de la direction et de la distance exacte où se trouve le pollen nourricier. \"Ce n'est pas un langage phonique. Il s'adresse au toucher et à l'odorat.
Ma concierge a toujours raison. Il ne leur manque que la parole à tous ces êtres de poil et de plume qui constituent notre entourage affectif et sensuel.
 
Mais imaginez un instant que leur soit donné un langage semblable au nôtre : quelle somme de discours s'ajouterait à nos propres déraisons ! Quel encombrement de notre espace mental... Car, doté d'une parole, l'animal, à la ressemblance de l'humain, développerait aussi une pensée. L'homme, sans aucun doute physiquement le plus démuni des êtres vivants, n'aurait qu'à se soumettre au règne de l'animal, puis, telle une espèce en voie de disparition, à se laisser enfermer dans quelque réserve, pour l'intérêt supérieur de la Science. La Planète_des singes imaginée par Robert Merle en propose un avant-goft, tout comme dans un roman de Roger Ikor, l'appréhension de l'enfant Yankel devant l'obéissance stupide d'un cheval boulonnais, énorme masse de muscle, face à la frêle stature de l'homme qui le conduit et l'attache à des travaux serviles.
 
Ce n'a l'air de rien, mais le complément de la parole accordé à l'animal bouleverserait de fond en comble l'ordre des choses. Pour une révolution, quelle révolution ! Il en serait fait de nos dogmes et de nos croyances, comme de nos certitudes et de nos hiérarchies, en un mot, de notre suprématie absolue sur tout ce qui vit. Par bonheur, à ce jour, l'ordre règne sur la planète et l'homme possède sans partage le privilège du verbe, le seul qui ne lui puisse être contesté.
 
Passé ce premier frisson, il faut bien admettre que le langage est un enjeu capital. Il contribue en effet à déterminer la place de l'humain dans le champ de la nature, et peut même orienter toute une métaphysique. Par lui, l'homme se démarque de l'animal; le système de cette différence ainsi que celui de la pensée - car langage et pensée sont perçus comme indissolublement liés - amènent parfois à postuler l'existence dans l'homme d'une parcelle immatérielle, d'une âme1 et par-delà, d'un Esprit supérieur, Dieu, dispensateur d'un ordre naturel tout autant que fondateur d'un ordre moral et social, voire économique, bref, clef de voftte de tout un système idéologique.
 
\"Parle et je te baptise\" lançait un jour le Cardinal de Polignac à l'orang-outan du Jardin du Roi, qui \"sous une cage de verre\" avait tout l'air \"d'un Saint-Jean Baptiste qui prêche au désert\" \\ Un défi pour rien de la part du prélat, assuré de tenir la bête à distance de langage. Ainsi, restait confirmée la prééminence de l'humain dans l'ordre naturel, ordonné et régenté par la Providence divine. Le superbe animal, par son silence, proclamait sa dissemblance et son infériorité : il s'excluait en quelque sorte de la classe des êtres pensants. Et pourtant quel beau spécimen d'homme eftt-il été, morphologiquement parlant, semblable à Saint-Jean, celui-là même - est-ce pure coïncidence ? - qui naquit du silence et s'accomplit dans la parole annonciatrice 3.
 
Au nom de quel principe pourtant, le critère du langage, restreint au modèle humain, peut-il définir une espèce supérieure, digne d'exercer une royauté et d'avoir part à l'essence divine ? Son Eminence Melchior de Polignac ne faisait ici
Il convient de pousser plus avant l'analyse d'une telle différence en faisant apparaitre les limites de la gestuelle des abeilles par rapport au langage humain. Benveniste pour sa pan récuse le terme de langage, s'agissant des animaux ; il ne peut s'agir que d'une communication de caractère restreint, mais non de \"messages parlés\". Car \"les conditions fondamentales d'une communication linguistique semblent faire défaut dans le monde des animaux, même supérieurs\". Certes Benveniste accorde à l'abeille \"la faculté première qui définit tout langage, à savoir la symbolisation, soit l'établissement d'une correspondance \"conventionnelle\" entre les signes du message et la réalité à laquelle ils renvoient\". A l'intérieur de la ruche, \"les données objectives sont transposes en gestes formalisés\".




langage

« que reprendre les théories cartésiennes exposées dans la cinquième partie du Discours de la mlthode.

L'enjeu d'une âme A près avoir entrepris une description anatomique de l'être vivant.

D escart es conclut de l'animal qu'il est un "automate", soit "une machine qui se remue de soi-même".

Quelles que soient ses ressemblances extérieures avec l'homme '· l'animal se distingue radicalement de lui par la non- possession du langage.

C'est sur ce critère évident que se fonde la spécificité de l'espèce humaine.

"On peuL ..

connattre la différence qui est entre les hommes et les bêtes.

Car c'est une chose bien remarquable qu'il n'y a point d'hommes si hébétés et si stupides, sans en excepter les insensés, qu'ils ne soient capables d'ammger ensemble diverses paroles et d'en composer un discours par lequel ils fassent emendre leurs pensées ; et qu'au contraire, il n'y a point d'autre animal, tant parfait et tant heur eusem ent né qu'il puisse être, qui f asse le semblable".

La ligne de partage est nett emen t traœe.

Il ne reste qu'à asséner le coup décisif: "Ceci ne témoigne pas seuleÔlent que les bêtes ont moins de raison que les hommes, mais qu'eUes n'en om point du tout" 6.

A l'appui de sa thèse, Descartes imagine une machine vivante ultra-perfectionnée et autrement plus perfo rmante (le mot s'impose ici !) que l'animal réputé le plus proche de l'homme.

Et il confarme que ces machines "ne seraient point pour atttant des hommes", pour les deux raisons suivantes : d'une part.

"elles ne pourraient jamais user de paroles, ni d'autres signes en les composant comme nous le faisons poUr déclarer nos pensées.

, ..

" et en outre, elles seraient incapables de "répondre au sens de tout ce qui se dira en (leur) présence, ainsi que les h omm es les plus hébétés peuvem faire ...

" Voilà bien la marque de la "pr&omption ...

notre maladie naturelle et originelle", pourrait.

hors tout align emen t chronologique, s'exclamer Montaigne.

Car pour l'auteur des Essais, c'est par pure "vanité" ou "imagination" que rhomme s'arroge la première place au sein de la nature, "qu'il s'égale à Dieu, qu'il s'attribue les conditions divines, qu'il se trie soi-même et sépare de la presse des autres créatures, taille les parts aux animaux ses confrères et compagnons, et leur distribue telle portion de facultés et de forces que bon lui semble" 7• L'inadéquation de leur langage au nOtre, ne peut inférer qu'une égale inefficacité de nos sens et de notre entendement "Ce défaut qui empêche la communication d'entre elles (les bêtes) et nous, pourquoi n'est-il aussi bien à elles qu'à nous ? ..

.

Il nous faut r emar quer la parité qui est entre nous.

Nous avons quelque moyenne imeiHgence de leur sens : aussi ont les bêtes du nOtre, environ à même mesure".

Quant à la communication entre animaux de même espèce ou d'espèces différemes, elle s'opère aussi bien, sinon mieux -car nous n'entendons pour notre part, ni les Basques, ni les TroglodyteS -qu'entre bipèdes humains : "Nous découvrons bien évid emmen t qu'entre elles (les bêtes) il y a une pleine et entière communication et qu'elles s'entr'entendent.

non seulemen t celles de même espèce, mais aussi d'es� diverses".

Montaigne, coupable de scepticisme aux yeux de la postérité scolaire, reprend simplement ici les thèmes et modes de pensée de l'Antiquité.

Aristote aun"buait aux animaux un langage du fait de leur capacité à émettre des sons vocaux 8, Lucrèce admettait à son tour 9 une communication phonique chez l'animal Ainsi, rompam la tradition, Descartes déshumanise l'animal en lui refusant la moindre faculté langagière.

Désormais le clivage est sans appel Mais en même temps, il oblige, par-delà tout éclairage physique, à un recours métaphysique.

Au regard de la science en effet.

la démarcation entre homme et animal manque de. »

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