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Langue et culture d'É. BENVENISTE

Publié le 10/01/2020

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langue

Tout au long des deux tomes des Problèmes de linguistique générale, Émile Benveniste examine la plupart des problèmes que rencontre quiconque s'intéresse au langage, en conjuguant les apports de sa spécialité, la linguistique, avec ceux des autres sciences humaines et de la philosophie. La synthèse de ces connaissances d'origines diverses porte ici sur la question des rapports entre langue et culture.

En posant l’homme dans sa relation avec la nature ou dans sa relation avec l’homme, par le truchement du langage, nous posons la société. Cela n’est pas coïncidence historique mais enchaînement nécessaire. Car le langage se réalise toujours dans une langue, dans une structure linguistique définie et particulière, inséparable d’une société définie et particulière. Langue et société ne se conçoivent pas l’une sans l’autre. L’une et l’autre sont données. Mais aussi l’une et l’autre sont apprises par l’être humain, qui n’en possède pas la connaissance innée. L’enfant naît et se développe dans la société des hommes. Ce sont des humains adultes, ses parents, qui lui inculquent l’usage de la parole. L’acquisition du langage est une expérience qui va de pair chez l’enfant avec la formation du symbole et la construction de l’objet. Il apprend les choses par leur nom ; il découvre que tout a un nom et que d’apprendre les noms lui donne la disposition des choses. Mais il découvre aussi qu’il a lui-même un nom et que par là il communique avec son entourage. Ainsi s’éveille en lui la conscience du milieu social où il baigne et qui façonnera peu à peu son esprit par l’intermédiaire du langage.

À mesure qu’il devient capable d’opérations intellectuelles plus complexes, il est intégré à la culture qui l’environne. J’appelle culture le milieu humain, tout ce qui, par-delà l’accomplissement des fonctions biologiques, donne à la vie et à l’activité humaines, forme, sens et contenu. La culture est inhérente à la société des hommes, quel que soit le niveau de civilisation. Elle consiste en une foule de notions et de prescriptions, aussi en des interdits spécifiques ; ce qu’une culture interdit la caractérise au moins autant que ce qu’elle prescrit. Le monde animal ne connaît pas de prohibition. Or ce phénomène humain, la culture, est un phénomène entièrement symbolique. La culture se définit comme un ensemble très complexe de représentations, organisées par un code de relations et de valeurs : traditions, religion, lois, politique, éthique, arts, tout cela dont l’homme, où qu’il naisse, sera imprégné dans sa conscience la plus profonde et qui dirigera son comportement dans toutes les formes de son activité, qu’est-ce donc sinon un univers de symboles intégrés en une structure spécifique et que le langage manifeste et transmet ? Par la langue, l’homme assimile la culture, la perpétue ou la transforme. Or comme chaque langue, chaque culture met en œuvre un appareil spécifique de symboles en lequel s’identifie chaque société. La diversité des langues, la diversité des cultures, leurs changements, font apparaître la nature conventionnelle du symbolisme qui les articule. C’est en définitive le symbole qui noue ce lien vivant entre l’homme, la langue et la culture.

Émile Benveniste, Problèmes de linguistique générale, I, Gallimard, 1966, pp. 29-30.

langue

« va de pair chez l'enfant avec la formation du symb ole et la cons­ truction de lob jet.

Il apprend les chos es par leur nom ; il décou ­ vre que tout a un nom et que d'ap pre ndre les nom s lui don ne la disposition des choses.

Mais il découvre aussi qu'il a lui­ même un nom et que par là il communique avec son entou­ rage.

Ainsi s'éveille en lui la conscience du milieu social où il baigne et qui façonnera peu à peu son esprit par l'intermé ­ diaire du langage.

· À me sure qu'il devient capable d'opérations intellec tuelle s plus com ple xes, il est intégré à la culture qui l'e nvironne .

J'appelle culture le nùlieu humain , tout ce qui , par-delà l' accom ­ plissemen t des fonctions biologiques, donne à la vie et à l'acti­ vité humaine s, forme, sen s et contenu.

La culture est inhérente à la société des hommes, quel que soi t le niv eau de civilisa­ tion.

Elle consiste en une fou le de notions et de prescri pti ons , aussi en des inte rdi ts spécifiques; ce qu'une culture interd it la cara ctérise au moin s autant que ce qu'elle pre scrit.

Le mon de animal ne connaît pas de prolùb itio n.

Or ce phénomène huma in, la culture , est un phénomène entièrement symb oliqu e.

La cul­ ture se définit comme un ensemble très complexe de représen ­ tati ons, organisées par un code de relations et de valeurs : tra­ ditions, religion, lois , politique, éthique, arts, tout cela dont l'homme, où qu'il nai sse, sera imprégné dans sa conscie nce la plus profon de et qui dirigera son comportement dans toute s les formes de son activité, qu'est-ce donc sinon un univers de symbole s intégrés en une stru cture spécifique et que le lan gage manifeste et tra nsm et? Par la langue, l'homme assimi le la cul­ ture, la perp étue ou la transforme .

Or comme cha que langue, cha que culture met en œuvre un appare il spéc ifique de symboles en lequel s'identifie cha que société.

La diversité des langues, la diversité des cultures, leurs changements, font apparaître la nature conventionnelle du symb olisme qui les articu le.

C'est en définiti ve le symbo le qui nou e ce lien vivant entre l'homme , la langu e et la culture.

· · Émile BENVENISTE.

Problèmes de linguistique générale.

l, Gallimard, 1966, pp.

29-30.. »

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