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L'art est-il apparence ou illusion ?

Publié le 28/03/2004

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illusion
Mais il n'en est rien. Je ne touche pas ce dé cubique, Non. Je touche successivement des arêtes, des pointes, des plans durs et lisses, et réunissant toutes ces apparences en un seul objet, je juge que cet objet est cubique. Exercez-vous sur d'autres exemples, car cette analyse conduit fort loin, et il importe de bien assurer ses premiers pas. Au surplus, il est assez clair que je ne puis pas constater comme un fait donné à mes sens que ce dé cubique et dur est en même temps blanc de partout, et jamais les faces visibles ne sont colorées de même en même temps. Mais pourtant c'est un cube que je vois, à faces égales, et toutes également blanches, Et je vois cette même chose que je touche, Platon, dans son Théétète, demandait par quel sens je connais l'union des perceptions des différents sens en un objet. Revenons à ce dé. Je reconnais six taches noires sur une des faces, On ne fera pas difficulté d'admettre que c'est là une opération d'entendement, dont les sens fournissent seulement la matière. Il est clair que, parcourant ces taches noires, et retenant l'ordre et la place de chacune, je forme enfin, et non sans peine au commencement, l'idée qu'elles sont six, c'est-à-dire deux fois trois, qui font cinq et un. Apercevez-vous la ressemblance entre cette action de compter et cette autre opération par laquelle je reconnais que des apparences successives, pour la main et pour l'oeil, me font connaître un cube ?

L’art, dans le sens de « beaux-arts «, nous donne à percevoir par la sensibilité un certain nombre de phénomènes, visuels ou auditifs pour la plupart. Ces phénomènes sont la production d’un artiste, qui donne à voir ou à entendre la façon dont lui-même perçoit le monde, avec sa subjectivité propre.

Dès lors, l’art passe par le filtre de deux subjectivités ; ces subjectivités ne sont pas rationnelles, mais bien au contraire elles sont sensibles.

Dès lors, on pourrait reprocher à l’art de nous induire en erreur puisqu’il ne nous donne à voir qu’une réalité déformée par le filtre de deux subjectivités sensibles ; l’art serait illusion de réalité. Or, certes l’illusion peut découler de la présence seulement apparente d’une chose ; mais l’apparence, propre à l’objet d’art, ne peut-elle nous mener vers l’essence des choses ?

illusion

« trompeuse, mais encore il nous attache à ce monde des apparences en produisant des apparences qui plaisent,excitent les sens et l'imagination.

L'art, effet du désir sensible et des passions, les accroît en retour.

L'hommeraisonnable n'y a pas sa place.

L'art, ennemi de la vérité est ennemi de la morale.

On trouve ici la premièrecondamnation morale de l'art et par suite la première justification théorique de la censure artistique dont relèveencore la condamnation des « Fleurs du mal » au milieu du XXe.

Rousseau au XVIIIe, sur ce point fort différent des philosophes des Lumières, reprendra le flambeau de cette critique.

L'art n'élève pas l'âme, bien au contraire.Apparence, il joue le jeu des apparences.

Tout d'abord parce qu'il est, dans la société bourgeoise - société de lacomparaison, du faire-valoir, de l'hypocrisie, de la compétition -, indissociable d'une mise en scène sociale.

On vaau théâtre pour exhiber sa toilette et autres signes extérieurs de richesse, pour se comparer, médire, recueillir lespotins...

Ensuite parce qu'il nous plonge dans un monde fictif où nous pouvons à bon compte nous illusionner surnous-mêmes.

Par exemple nous versons de chaudes larmes en assistant an spectacle des malheurs d'autrui etnous restons froids et impassibles lorsque nous avons l'occasion de lui porter secours.

Mais cependant nous avonspu croire à notre bonté naturelle.

Pour Platon comme pour Rousseau l'art est un divertissement qui nous divertit, nous détourne de nous mêmes.Bien que Platon ne définisse pas l'art par la beauté, il est tout de même possible de nuancer son propos, à partir de la prise en compte de sa conception de la beauté.

Si l'art n'est que simulacre, la beauté existe en elle-même, elleest une Idée et précisément une des plus belles.

Qu'est-ce qu'un beau cheval ? N'est-ce pas un cheval conforme àl'Idée du cheval ou archétype, à l'idée de ce que doit être un cheval sensible pour être pleinement un Cheval.

Uncheval est plus ou moins beau et son degré de beauté est proportionnel à sa conformité au modèle idéal ou Idée.

Est beau ce qui est ce qu'il doit être, laid ce qui ne l'est pas.

Est beau ce qui est parfait.

Comme la perfection n'estpas de ce monde, comme le cheval dans le pré ne sera jamais la copie exacte et sans défaut du modèle maistoujours une imitation imparfaite, la beauté la plus grande, réelle, est celle des Idées.

Est beau ce qui existepleinement et ce qui existe pleinement ce sont les Idées.

La beauté est la perfection ou plénitude de l'Etre.

Lalaideur est l'imperfection, l'incomplétude.

Par conséquent, lorsque le peintre et le sculpteur reproduisent un beaucheval ou un beau corps d'athlète, leur œuvre, pâle esquisse de la beauté idéale, en est tout de même le reflet.

Lepoète inspiré est sorti de la caverne, a contemplé l'idée du Beau et peut entraîner dans son sillon ses auditeurs.Ainsi le jugement de Platon sur l'art ne peut pas être simple bien qu'il insiste davantage sur la définition de l'art comme simulacre pernicieux.

2.

Une apparence n'est illusion qu'à partir du moment où elle reçoit un jugement de réalité par l'exercicede la raison : l'erreur est dans l'opinion, non pas dans la perception :On soutient communément que c'est le toucher qui nous instruit, et par constatation pure et simple, sans aucuneinterprétation.

Mais il n'en est rien.

Je ne touche pas ce dé cubique, Non.

Je touche successivement des arêtes,des pointes, des plans durs et lisses, et réunissant toutes ces apparences en un seul objet, je juge que cet objetest cubique.

Exercez-vous sur d'autres exemples, car cette analyse conduit fort loin, et il importe de bien assurerses premiers pas.

Au surplus, il est assez clair que je ne puis pas constater comme un fait donné à mes sens que cedé cubique et dur est en même temps blanc de partout, et jamais les faces visibles ne sont colorées de même enmême temps.

Mais pourtant c'est un cube que je vois, à faces égales, et toutes également blanches, Et je voiscette même chose que je touche, Platon, dans son Théétète, demandait par quel sens je connais l'union desperceptions des différents sens en un objet.

Revenons à ce dé.

Je reconnais six taches noires sur une des faces, Onne fera pas difficulté d'admettre que c'est là une opération d'entendement, dont les sens fournissent seulement lamatière.

Il est clair que, parcourant ces taches noires, et retenant l'ordre et la place de chacune, je forme enfin, etnon sans peine au commencement, l'idée qu'elles sont six, c'est-à-dire deux fois trois, qui font cinq et un.Apercevez-vous la ressemblance entre cette action de compter et cette autre opération par laquelle je reconnaisque des apparences successives, pour la main et pour l'oeil, me font connaître un cube ? Par où il apparaîtrait que laperception est déjà une fonction d'entendement.

ALAIN 3.

En tant qu'il ne fait pas appel à la raison mais seulement aux sens, l'art ne peut pas nous induire enerreur mais seulement nous mener vers l'essence de la réalité derrière les apparences :. »

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