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L'art est-il un instrument de libération ?

Publié le 24/01/2004

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Mais il doit suivre le « mode d'emploi » et viser l'utilité. La première différence entre l'art et la technique concerne le rapport à la science ou au savoir. Alors que la technique consiste en la mise en application d'une théorie, l'idée vient à l'artiste au fur et à mesure qu'il crée. Par exemple, l'architecte conçoit et dessine sa maison avant de la construire. En revanche, « un beau vers n'est pas d'abord en projet et ensuite fait; mais il se montre beau au poète; et la belle statue se montre belle au sculpteur au fur et à mesure qu'il la fait » (Alain, Système des beaux-arts). a Cela explique qu'un technicien puisse reproduire la même oeuvre à l'infini et à l'identique, alors que la création artistique reste toujours unique : « la règle du beau n'apparaît que dans l'oeuvre, et y reste prise, en sorte qu'elle ne peut servir jamais, d'aucune manière, à faire une autre oeuvre » (idem). L'oeuvre belle peut servir ensuite de modèle à d'autres, mais elle ne peut jamais être reproduite. Enfin, la technique se caractérise par son utilité. Elle entend apporter du confort à l'homme, et vise à lui rapporter sur le plan économique, en lui faisant par exemple gagner en productivité. L'art, en revanche, se caractérise par son aspect désintéressé.

L'art est l'oeuvre de la liberté de l'esprit. L'artiste, parce qu'il crée, invente un nouveau monde, un monde qui échappe aux nécessités et aux contraintes de la vie quotidienne et triviale. L'art est une école de liberté. Mais, comme illusion, l'art est une fuite de la réalité, une sphère stérile de contemplation. La liberté réelle, au contraire, exige engagement et combat. L'art ne peut donc nous aider à être libre.

« cet éclat d'éternité que Malraux appelle un anti-destin.

Mais dira-t-on seulement d'une oeuvre qu'elle estengagée quand elle « prend parti » ? L'arbitre n'est-il pas voué à l'engagement par l'oeuvre elle-même? Nedevrait-on pas dire toujours d'une grande oeuvre qu'elle est engagée? ...

est impliqué par le processus de création artistique... Sartre rappelle, dans Qu'est-ce que la littérature ?, que « l'écrivainengagé sait que la parole est action ».

Si la littérature engagée, c'estla littérature perçue comme une action, alors toute littérature est, pardéfinition, engagée.

« La fonction de l'écrivain — ajoute Sartre — estde faire en sorte que nul ne puisse ignorer le monde et que nul ne s'enpuisse dire innocent.

»Ainsi, lorsqu'il décrit les conditions de vie des mineurs, Zola s'engageautant que par la défense du capitaine Dreyfus.

De la même façon, LeRouge et le Noir est une oeuvre profondément engagée, car le miroirque promène Stendhal sur les traces de Julien Sorel réfléchit l'imaged'une société ossifiée, repliée sur elle-même.

Dans ce monde quiressemble à un tombeau (la province, le séminaire), ceux qui ontl'énergie de vouloir respirer l'air de leurs passions, ceux-là doiventcombattre.

L'oeuvre d'art dévoile, elle ne reproduit pas ce qui est(comme le pensaient les Grecs), elle donne à voir et à sentir ce quiétait avant elle inaperçu.

Dans le domaine pictural, l'exemple deGuernica, présentée à Paris au Pavillon républicain de l'Expositioninternationale, est significatif.

Le tableau montre à une opinion (peudésireuse d'ouvrir les yeux en 1937) l'horreur de la guerre d'Espagne.Ces corps éclatés, ces membres que semble disproportionner la douleur,cette mêlée enfin d'où l'on ne distingue plus les hommes des bêtes,rendent sensible la détresse d'un peuple.

Au-delà du bombardement du petit village espagnol, c'est l'atrocité de tout un siècle qui est représentée, un siècle « noir et gris ». ...

qui dévoile le monde.Bien sûr, une oeuvre est engagée lorsqu'elle exprime un parti pris et s'intègre dans une lettre ouvertementmenée par son auteur.

Mais cette perception de l'art engagé est beaucoup trop restrictive.

Elle feint d'ignorerque toute oeuvre est un acte de dévoilement du réel et que l'artiste ne ressemble pas à Zeuxis, ce peintregrec qui représentait de façon si réaliste les grains de raisin sur ses fresques que les pigeons venaient s'ybriser le bec.

Il n'y a pas d'oeuvre qui ne trouve sa satisfaction dans un engagement par rapport au contextequi l'a vu naître.

C'est que, en retournant la perspective, « la littérature (l'art) d'une époque, c'est l'époquedigérée par sa littérature (son art) », comme le confia Sartre à Madeleine Chapsal.

L'engagement apparaîtcomme ce mécanisme de digestion, d'appropriation du réel, « biologiquement » indispensable à une oeuvred'art !C'est la raison pour laquelle les artistes ont toujours été les premières victimes de la répression.

Créantlibrement de nouvelles réalités, ils vont nécessairement à contre-courant de ce qui prive l'homme de liberté.

[L'artiste peut être soumis à des codes esthétiques.

Il suit une démarche trop personnelle et nous éloigne de la réalité.

Il ne peut donc nous aider à être libres.] La liberté de l'artiste est trop particulière pour être celle des autresL'artiste est peut-être libre de créer ce qu'il veut.

Mais sa liberté ne me sert à rien.

Il est trop enfermé dansson propre monde, il crée un univers trop personnel que je ne comprends pas.

Picasso est peut-être un grandartiste, mais à moi, il ne me parle pas.

Il a su peut-être ouvrir une nouvelle voie dans l'art, mais sa voie n'estpas la mienne.

C'est pourquoi il ne peut pas m'aider à être libre. L'artiste peut être aliénéL'artiste peut être prisonnier de la mode, de la technique, des codes esthétiques de son époque et de sasociété.

Le théâtre classique est prisonnier de règles établies par des théoriciens, comme les trois unités, labienséance.

Par ailleurs, certains artistes ou certaines écoles artistiques se donnent un «programme»contraignant, qui peut vite tourner à la dictature: pensons au groupe surréaliste ou au «réalisme socialiste»du régime soviétique, etc.. »

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