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L'art est-il un produit du travail ?

Publié le 02/07/2009

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L’art se comprend sous la catégorie générale de « texnè« , qui désigne dans la pensée grecque toute production faite volontairement par la main de l’homme par opposition à la « phusis« , la production spontanée de la nature. Plus spécifiquement, l’art se comprend sous la catégorie des beaux-arts qui désigne l’ensemble des œuvres produites pour elles-mêmes comme des fins en soi (tableaux, statues, bijoux, monuments, vêtements de haute couture …) par distinction avec la technique artisanale qui désigne l’ensemble des œuvres produites pour autre chose qu’elles-mêmes comme des moyens ( décoration d’intérieur, vêtements et nourriture en tant qu’ils satisfont des besoins inhérent à l’existence animale de l’homme…) Le travail désigne l’ensemble des actes et des efforts que l’homme doit accomplir en vue d’obtenir une fin ( par exemple, le paysan des Travaux et des jours travaille en vue de sa subsistance). Dans la mesure où l’art en son sens général désigne une activité  usant de la matière dans un processus soumis à une règle afin de produire un objet, l’art peut être défini comme un produit du travail. Toutefois si l’on définit l’art comme produit du travail, ne risque t-on pas de le confondre avec l’artisanat et ainsi de ne plus être capable de distinguer les œuvres d’art des œuvres techniques ? Nous sommes alors amenés à réviser cette thèse en proposant une nouvelle définition de l’art. Ainsi l’art serait moins le produit du travail, que la vision d’un individu exceptionnel appelé génie qui produirait ses œuvres sous le coup de l’inspiration. Néanmoins à vouloir comprendre l’art comme vision, ne risque t-on pas de transformer l’artiste en intellectuel et ainsi de négliger ce qui l’en distingue, c’est-à-dire sa confrontation féconde avec la matière ?  Nous sommes alors confrontés avec ce problème : l’œuvre d’art doit-elle être pensée comme le produit d’un processus de production réglée analogue à celui de l’artisan  ou doit-elle au contraire être pensée comme l’exécution d’une vision idéelle analogue à celle de l’intellectuel  ?

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« II l'art serait moins le produit du travail, que la vision d'un individu exceptionnel appelé génie quiproduirait ses œuvres sous le coup de l'inspiration.

_ L'artiste est dans notre culture plus valorisé que l'artisan dans la mesure où il se désigne comme créateur et noncomme producteur.

Créer, c‘est produire du nouveau tandis que fabriquer ou produire, c‘est multiplier ou accroitre le même objet ( la fabrication industrielle en série en est probablement le meilleur exemple) .

En ce sens on peut mieuxcomprendre les rapports de l'artisan et de l'artiste si on les compare respectivement grâce à deux récits deproduction du monde : le Démiurge du Timée de Platon et le Dieu de la Genèse .

Le démiurge est un ouvrier qui doit amener autant qu'il lui est possible une matière rebelle à se conformer à l'idée de monde.

Son travail est doublementsecondaire : il consiste à exécuter ce que les dieux ont décidé et son action ne peut se faire qu'à partir de lamatière préexistante qui résiste à ses déterminations.

Par opposition, le Dieu biblique est le seul maitre et il crée lemonde ex nihilo, c'est-à-dire à partir de rien. _ L'artiste se distingue de l'artisan dans la mesure où il résulte du génie et non du savoir-faire.

L'artisan est soumis à la matière et à un processus de production réglé, l'artiste ne peut se laisser confondre avec l'artisan.

En effetl'artisan obéit à des règles générales qui lui permet de produire en série des objets, tandis que l'artiste crée desœuvres singulières.

La production artisanale exige un savoir-faire technique qui permet de transformer une matièrepréexistante, tandis ue la création artistique produit du radicalement nouveau.

De même, l'artisan applique un savoirfaire qu'on lui a transmis pour transformer une matière qui lui préexiste, tandis que l'artiste invente à partir de saseule singularité une œuvre qui ne le sera pas moins.

Le génie désigne sa capacité à créer du nouveau à partir desoi-même._ L'Œuvre d'art ne résulte pas de la maitrise d'un processus technique, mais d'une vision.

En effet la production concrète de l'œuvre d'art se réduit au moment de l'exécution matérielle, mais ce qui importe le plus c'est l'idéeoriginale qui préside la démarche de l'artiste.

Ainsi l'artiste romantique comme Delacroix ou Friedrich aura tendance àse définir d'abord et avant tout par sa vision et son intellect et nullement par sa maitrise technique.

C'Est-ce quel'on peut soutenir avec Baudelaire qui dans les Salons de 1859 appelle l'imagination « la reine des facultés ».

Par l'imagination, l'artiste s'arrache au monde quotidien pour nourrir une idée qui sera ensuite traduite dans sa peinture.Le privilège de l'imagination est si grand qu'à la limite l'œuvre peut se réduire à l'idée elle-même.

Le danger quiguette en effet l'artiste romantique désirer d'accéder au chef d'œuvre est de renoncer à peindre pour s' en tenir àune idée ou encore de ne jamais parvenir à achever son œuvre.

C'Est-ce qui arrive à Frenhofer dans le Chef d'œuvre inconnu de Balzac : voulant aller jusqu'au bout de sa vision, il finit par rendre sa peinture illisible.

Dépourvu de processus de production réglée et n'obéissant qu'à l'imagination, l'artiste génial vise une perfection à jamaisinaccessible.

.En ce sens, il s'agit moins de réaliser ce que l'on veut que de sentir l'écart irréductible entre l'idée etl'œuvre.

T Nous sommes alors amenés à réviser cette thèse en proposant une nouvelle définition de l'art.

Ainsi l'art seraitmoins le produit du travail, que la vision d'un individu exceptionnel appelé génie qui produirait ses œuvres sous lecoup de l'inspiration.

Néanmoins à vouloir comprendre l'art comme vision, ne risque t-on pas de transformer l'artisteen intellectuel et ainsi de négliger ce qui l'en distingue, c'est-à-dire sa confrontation féconde avec la matière ? III L 'activité artistique est une pratique proche de l 'artisanat sans pour autant s'y confondre _ Penser l'art comme le produit d'une vision géniale et non du travail résulte d'une stratégie des artistes pourdéfendre leur dignité dans ce que l‘on pourrait appeler « la malédiction de la main » .

On ne peut en effet comprendre le sens de ce problème si l'on ne se réfère à l'histoire de l'art.

Durant l'antiquité, on admirait les œuvrestout en méprisant les artistes, compris comme de simples manœuvres par opposition aux hommes libres pratiquantdes arts d'où toute dimension manuelle et matérielle était absente comme les mathématiques ou la philosophie.

LaRenaissance est le moment privilégié où se déploie la revendication de la dignité de l'art par le rapprochement avecles intellectuels.

A la Renaissance, les peintres soucieux de se distinguer des artisans et de se rapprocher despenseurs avaient attribué à l'origine de toute œuvre d'art une idée de l'esprit : cette spiritualisation de l'art étaitdestinée à arracher la peinture aux disciplines serviles pour la faire entrer dans les disciplines libérales , c'est à direlibres dans la mesure où elles se pratiquent par l'esprit sans contact avec la matière.

Ce mouvement s'achève avecle romantisme avec les théories du génie et de l'imagination qui définit l'art par la seule pensée, en négligeant letravail manuel._ L'activité artistique est d 'abord la confrontation de l 'habileté de l 'artiste avec une matière et des contraintes de fait.

En ce sens l'artiste est d'abord un artisan.

A vouloir définir l'art par l'idée du génie, on néglige la dimension productrice de l'art au risque de s'empêcher de comprendre la puissance créatrice de l'artiste.

C 'est ce que l 'on peut soutenir avec Alain au chapitre VII du Système des Beaux arts : de même que l 'inspiration, le sentiment de l 'artiste ne forme rien sans matière.

Ainsi c 'est la conformation avec une contrainte de fait sur laquelle l 'artiste exerce sa perception, puis son habileté qui définit l 'activité artistique.

En effet un sculpteur comme Michel-Ange passait des journées entières à scruter les blocs de marbre dans les carrières pour juger ce qu 'il était possible de faire avec telle ou telle pierre.

Comme l 'écrit Alain « la loi suprême de l 'invention humaine est que l 'on n 'invente qu 'en travaillant ». Ainsi ce n 'est pas par l'idée ou la vision que se définit l 'artiste, mais par sa capacité à se confronter et à dialoguer avec la matière.

En cela l 'art est plus proche de l 'artisanat que de la pensé.

Néanmoins doit-on pour autant confondre l'artiste avec un artisan ?_ L'artiste est proche de l'artisan en ce qu'il commence par une confrontation avec la matière, mais il s'en distinguedans le statut de la règle.

Tout processus de production est soumis à une règle qui permet d'ordonner le processus productif et de se donner un critère pour l'achèvement de l'œuvre.

« L'observation est source et règle de ce qu'il va faire » : ce n'est pas dans une conception abstraite que l'exécution doit trouver sa règle car sinon elle risque. »

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