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L’art et le moi

Publié le 25/01/2020

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On pourrait en tirer une définition de la création artistique comme une sorte d’« auto-analyse » ; mais il faut ici prendre la précaution de rappeler que l’art est un des domaines sur lesquels Freud se montre le plus réservé : « Nous en savons si peu », affirmait-il1. Dans Délire et rêves dans la « Gradiva » de Jensen, il « analyse » le héros de la nouvelle, montrant ainsi la « vérité » du produit artistique ; ni dans le Moïse de Michel-Ange, ni dans Un Souvenir d’enfance de Léonard de Vinci, il ne tente une analyse de l’œuvre et du talent de ces artistes, et ce n’est pas lui, mais un disciple, qui a découvert une image de vautour dans la Sainte Anne du Louvre. Dans ce second ouvrage, cependant, il tente de montrer que la volonté de comprendre sa propre sexualité qui anime l’enfant peut se développer, si elle n’a pas été « arrêtée » (inhibition), en un « désir de savoir » ; celui-ci, par un degré supérieur de détachement du but sexuel (sublimation), opère avec cette liberté* désintéressée dont l’art est issu. Cette théorie* de la sublimation permet de comprendre le plaisir attaché à la création artistique comme une trace de la satisfaction sexuelle :

La science de l’esthétique étudie les conditions dans lesquelles on ressent le « beau », mais elle n’a pu apporter aucun éclaircissement sur la nature et l’origine de la beauté ; et comme il advient toujours dans ce cas, elle s’est abondamment dépensée en phrases aussi creuses que sonores destinées à masquer l’absence de résultats. Malheureusement, c’est sur la beauté que la psychanalyse a le moins à nous dire. Un seul point semble certain, c’est que l’émotion esthétique dérive de la sphère des sensations sexuelles ; elle serait un exemple typique de tendance inhibée quant au but. Primitivement la « beauté » et le « charme » sont des attributs de l’objet sexuel.

S. Freud, Malaise dans la civilisation, éditions P. U. F., 1971, p. 29. Mais la théorie de la sublimation peut aussi bien s’appliquer à l’activité sportive, par exemple, qu’à la création artistique ; quand il s’agit d’analyser la forme particulière de cette dernière, Freud retrouve le « mystérieux pouvoir » :

« L'activité du ne paraît pas le moins du monde quelque chose de foncièrement différent de l'activité de l'inventeur en mécanique, du savant astronome ou historien, du maître en tactique.

Toutes ces activités s'expliquent si l'on représente des hommes dont la pensée est active dans une direction unique, qui utilisent tout comme matière première, qui ne cessent d'observer diligemment leur vie intérieure et celle d'autrui, qui ne se lassent pas de combiner leurs moyens.

Le génie ne fait rien que d'apprendre d'abord à poser des pierres, ensuite à bâtir, que de chercher toujours des matériaux et de travailler toujours à y mettre la forme.

Toute activité de l'homme est compliquée à miracle, non pas seulement celle du génie : mais aucune n'est un« miracle"· D'où vient donc cette croyance qu'il n'y a de génie que chez l'artiste, l'orateur et le philosophe? qu'eux seuls ont une «intuition"? (mot par lequel on leur attribue une sorte de lorgnette merveilleuse avec laquelle ils voient directement dans !'«être» !) Les hommes ne parlent intentionnellement de génie que là où les effets de la grande intelligence leur sont le plus agréables et où ils ne veulent pas d'autre part éprouver d'envie.

Nommer quelqu'un «divin» c'est dire : " ici nous n'avons pas à rivaliser".

En outre : tout ce qui est fini, parfait, excite l'étonnement, tout ce qui est en train de se faire est déprécié.

Or personne ne peut voir dans l'œuvre de l'artiste comment elle s'est faite; c'est son avantage, car partout où l'on peut assister à la formation, on est un peu refroidi.

L'art achevé de l'expression écarte toute idée de devenir; il s'impose tyranni­ quement comme une perfection actuelle.

Voilà pourquoi ce sont surtout les artistes de l'expression qui passent pour géniaux, et non les hommes de science.

En réalité cette appréciation et cette dépréciation ne sont qu'un enfantillage de la raison.

F.

Nietzsche, Humain, trop humain, 1" partie, n° 162.

Edgar Poe a d'ailleurs, dans un passage célèbre de la Philosophie de la Composition, raconté la « fabrication » de son poème Le Corbeau 1• Mais c'est surtout Paul Valéry qui s'est livré à l'analyse la plus méticuleuse du travail artistique : 1.

Voir la Philosofhie de la Composition, éditions du Sagittaire, 1927, pp.

57 à 72 ; comme le dit Jacques Bouveresse : "La question n'est finalement pas du tout de savoir si les choses se sont ou non réellement passées de cette façon.

Ce qui est important, c'est que, peut-ètre, elles auraient pu se passer de cette façon » (Wittgenstein, La Rime et La Raison, p.

195).

70. »

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