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 L'art exprime-t-il une époque ?

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

Dans l'esprit des premiers hommes, nous semble-t-il, deux ordres de possibilités s'opposèrent. D'un côté une série d'activités efficaces, en quelque sorte raisonnées, s'offrait à celui qui chassait à l'aide d'armes fabriquées, pourvoyant de cette manière à sa subsistance. Il disposait de haches de pierre, d'épieux à la pointe de pierre. Il façonnait en outre en forme de boules des pierres destinées au jet. Ses outils lui permettaient de dépecer méthodiquement les animaux, d'en prélever la fourrure. [...] Mais comme tous ceux qui l'ont suivi, le Moustérien se heurta à la seule puissance qui décidément l'humiliait : il lui fallut comme nous s'incliner devant la mort; devant la mort échouait décidément son effort industrieux. Le domaine de l'activité efficace s'était ouvert à son intelligence naissante. Le domaine de la mort en était la limite, c'est comme tel qu'il se révéla à l'esprit de ces premiers hommes: tout à coup la mort introduisait ce qui dément la valeur de l'activité humaine, ce qui bouscule le sentiment de capacité lié aux premières lueurs de l'intelligence. L'animal n'attend rien et la mort ne le surprend pas, la mort échappe en quelque sorte à l'animal. Mais l'homme, qui travaille, attend le résultat de son travail, et la mort détruit la tranquille attente qui est le fondement de toute pensée. La pensée est d'abord une attente : la mort répond à cette attente en l'anéantissant, la mort se révèle à nous par l'anéantissement de cette attente qui est la base de notre vie. C'est de cette manière que l'activité intelligente de l'homme le mit en présence de la mort, en présence de la négation radicale, terrifiante, de ce qu'il est essentiellement.

« Le domaine de la mort en était la limite, c'est comme tel qu'il se révéla à l'esprit de cespremiers hommes: tout à coup la mort introduisait ce qui dément la valeur de l'activitéhumaine, ce qui bouscule le sentiment de capacité lié aux premières lueurs de l'intelligence.L'animal n'attend rien et la mort ne le surprend pas, la mort échappe en quelque sorte àl'animal.

Mais l'homme, qui travaille, attend le résultat de son travail, et la mort détruit latranquille attente qui est le fondement de toute pensée.

La pensée est d'abord une attente :la mort répond à cette attente en l'anéantissant, la mort se révèle à nous parl'anéantissement de cette attente qui est la base de notre vie.

C'est de cette manière quel'activité intelligente de l'homme le mit en présence de la mort, en présence de la négationradicale, terrifiante, de ce qu'il est essentiellement.[...] Le « génie » se retrouve dans tous les peuples, il est commun à tous les hommes, mais ils'est manifesté à Lascaux avec cette sorte de fracas qui est le propre de la naissance.

Il estvraisemblable que les hommes de la Vézère comme les indigènes de l'Australie figurèrent lesanimaux qu'ils chassaient dans l'espoir qu'en les faisant apparaître sur la paroi ils lesamèneraient à paraître devant leurs armes: disposer d'une apparition, c'était déjà les fairetomber dans leur pouvoir.

Il y eut une croyance générale de l'humanité archaïque à l'effetmagique des représentations.

Du fond de cette caverne qui fascine, les artistes anonymes,effacés, de Lascaux nous invitent à nous souvenir d'un temps où les êtres humains ne sevoulurent de supériorité que sur la mort.G.

BATAILLE, Le Berceau de l'humanité : la vallée de la Vézère On perçoit dans cette approche anthropologique de l'art que les premières créations de l'homme eurentprobablement une signification magique : elles visaient, en représentant la vie, de signifier l'éternité de l'homme,elles viseront plus tard, en représentant la mort sur le tympan des cathédrales de l'exorciser, et de signifier lavictoire de l'espérance sur le néant.

Mais il s'agit d'une réduction anthropologique : ces interprétations ne nousdisent encore rien sur le l'oeuvre d'art elle-même.

• Le rapport de l'oeuvre de l'artiste au temps est autre : l'oeuvre d'art permet à tout ce qui est de l'ordre del'éphémère et du particulier (dans notre vie, dans la nature, dans nos sentiments) d'accéder à une dimensionintemporelle et universelle.

L'oeuvre de l'artiste est une expérience subjective rendue tangible pour d'autres :une expérience qui peut accéder, par une représentation sensible, à l'univers.

Même après la mort de l'artiste,d'autres hommes pourront retrouver dans son oeuvre le miroir de leurs émotions.

• Ainsi, si l'on voit dans l'oeuvre d'art l'expression d'une condition humaine dont le caractère reste le même quelsque soient les époques et les lieux, alors son sens se trouve au-delà de son temps : l'oeuvre de l'artiste dépassel'inscription dans l'époque qui l'a vue naître.

III – L'intemporalité de l'oeuvre d'art Malraux a explicité les rapports de l'art et du temps Il est impossible de concevoir le Musée comme historique.

Pour un peintre du moins.

Ce seraitsimplement ridicule.

Vous vous imaginez un peintre qui arrive devant le Musée en considérantchaque salle comme un produit? Les colonies produisent des bananes...

Le XVIe siècle produitl'art du XVIe siècle? C'est dément! Il est bien entendu que pour n'importe quel peintre, ce quicompte de l'art du passé est présent...

J'avais pris l'exemple du saint : pour celui qui prie, lesaint a son point d'appui dans une vie historique.

Mais il a une autre vie au moment où on esten train de le prier : quand on le prie, il est présent.

En somme, le saint est dans trois temps :il est dans son éternité, il est dans son temps historique ou chronologique, et il est dans leprésent.

Pour moi, ce serai t presque la réponse à la question « qu'est-ce pour vous qu'uneoeuvre d'art? » C'est une oeuvre qui a un présent.

Alors que tout le reste du passé n'a pas deprésent.

Alexandre a une légende, il a une histoire, mais il n'a pas de présent.

Vous sentezbien que vous ne pouvez pas ressentir de la même façon une peinture de Lascaux (i) et unsilex taillé.

Le silex taillé est dans l'histoire chronologique.

Le bison peint y est aussi, mais enmême temps, il est ailleurs.

Et là, vous mettez le doigt sur ce qui est absolument fondamentalà mes yeux.

Ce que je dis d'important, c'est ça on ne peut pas concevoir l'art moderne, dansses rapports avec le musée imaginaire, etc., si on ne commence pas par ressentir que l'oeuvred'art de notre temps est dans un temps qui n'est pas soumis à l'ordre chronologique...André Malraux, Lazare.

Le Miroir des Limbes .

Éd.

Gallimard, 1974. • Ainsi, pour comprendre cette idée de Malraux, nous pouvons comparer deux séries d'objets :- Préhistoire 14000 av.

J.

C.

Objet technique : Une hache de pierre taillée oeuvre d'art : Le grand bison peint des grottes de Lascaux- XXe siècle :Objet technique : Un poste de radio. »

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