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L'art sert-il à quelque chose ? (Pistes de réflexion seulement)

Publié le 26/03/2004

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La psychanalyse ferait alors le mouvement inverse de celui que lui assignait Freud quand il choisissait comme épigraphe à L'interprétation des rêves, le vers de Virgile dans l'Énéide : « Flectere si nequeo superos, Acheronta movebo » (« Si je ne peux fléchir les dieux d'en haut, j'ébranlerai ceux de l'enfer »). Freud va jusqu'à utiliser l'expression paradoxale de « libido désexualisée », éloignée des buts et objets sexuels. Notons cependant que ce n'est pas « l'instinct sexuel » unifié qui est ainsi sublimé. La sublimation est essentiellement le destin des pulsions partielles, c'est-à-dire celles dont l'issue aurait pu être la perversion ou la névrose. Freud n'a guère précisé le domaine de la sublimation en dehors des activités scientifiques ou artistiques. Dans le Malaise dans la civilisation il semble lui rattacher les activités professionnelles quand elles sont librement choisies. D'autre part, il considère comme une forme de sublimation les formations réactionnelles c'est-à-dire ces barrières élevées contre les pulsions, consolidées pendant la période de latence par l'éducation, mais qui tirent leurs forces de la libido elle-même. Ainsi se forment les traits de caractère : « Ainsi l'entêtement, l'économie, le goût de l'ordre découlent-ils de l'utilisation de l'érotisme anal. L'orgueil est déterminé par une forte disposition à l'érotisme urinaire » (Trois essais, p. 190).

« • Freud, d'une autre façon, affirme la même chose.

L'art est sublimation,c'est-à-dire esthétisation des pulsions.

Créer permet de se débarrasser durefoulé, de toutes les tendances inconscientes qui n'arrivent pas à s'exprimeret qui font souffrir.

L'art emprunte sa force aux pulsions fondamentales pourles dériver vers un but de substitution socialement valorisé.

Mais Freud ditaussi que, si on peut expliquer par l'analyse psychanalytique les conditionsd'apparition d'une oeuvre, on ne peut rien dire quant au « don » artistique quiéchappe ainsi à toute interprétation. La sublimation : le cas de Léonard de Vinci La sublimation est une des notions qui ont le plus retenu l'attention en dehorsmême de la psychanalyse parce qu'elle semble susceptible d'éclairer lesactivités dites « supérieures », intellectuelles ou artistiques.

Pour cette raisonmême, sa définition est incertaine, chez Freud lui-même, parce qu'elle faitappel à des valeurs extérieures à la théorie métapsychologique.

Le mot mêmeévoque bien entendu la grande catégorie morale et esthétique du sublime,mais aussi la transformation chimique d'un corps quand il passe de l'état solideà l'état gazeux.

Peut-être pouvons-nous en tirer l'idée d'élévation depuis lesbas-fonds (sexuels ?) de l'âme jusqu'à ses expressions les plus élevées.

Lapsychanalyse ferait alors le mouvement inverse de celui que lui assignaitFreud quand il choisissait comme épigraphe à L'interprétation des rêves, le vers de Virgile dans l'Énéide : « Flectere si nequeo superos, Acheronta movebo » (« Si je ne peux fléchir lesdieux d'en haut, j'ébranlerai ceux de l'enfer »).

Freud va jusqu'à utiliser l'expression paradoxale de « libidodésexualisée », éloignée des buts et objets sexuels.

Notons cependant que ce n'est pas « l'instinct sexuel »unifié qui est ainsi sublimé.

La sublimation est essentiellement le destin des pulsions partielles, c'est-à-direcelles dont l'issue aurait pu être la perversion ou la névrose.

Freud n'a guère précisé le domaine de lasublimation en dehors des activités scientifiques ou artistiques.

Dans le Malaise dans la civilisation il semble luirattacher les activités professionnelles quand elles sont librement choisies.

D'autre part, il considère commeune forme de sublimation les formations réactionnelles c'est-à-dire ces barrières élevées contre les pulsions,consolidées pendant la période de latence par l'éducation, mais qui tirent leurs forces de la libido elle-même.Ainsi se forment les traits de caractère : « Ainsi l'entêtement, l'économie, le goût de l'ordre découlent-ils del'utilisation de l'érotisme anal.

L'orgueil est déterminé par une forte disposition à l'érotisme urinaire » (Troisessais, p.

190).

Le processus de la sublimation ne nous propose pas seulement une esquisse de caractérologie,mais plus généralement encore de la vie éthique : « C'est ainsi que la prédisposition perverse générale d el'enfance peut être considérée comme la source d'un certain 'nombre de nos vertus dans la mesure où, parformation réactionnelle, elle donne le branle à leur élaboration »(ibid., p.

190).Cependant le texte principal sur la sublimation reste Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci (1910).

Lesouvenir est le suivant : « Je semble avoir été destiné à m'occuper tout spécialement du vautour, écritLéonard, car un des premiers souvenir d'enfance est qu'étant au berceau, un vautour vint à moi, m'ouvrit labouche avec sa queue et plusieurs fois me frappa avec sa queue entre les lèvres ».

Bien entendu ce récit peutn'avoir aucune objectivité et être une reconstruction.

Or Freud ne dispose que d'un matériel fort réduit pourinterpréter cet unique souvenir d'enfance : quelques éléments biographiques peu sûrs, des textes et desdessins des fameux Carnets et enfin surtout l'oeuvre artistique.

En fait Freud s'appuie sur la symboliquedégagée par l'expérience psychanalytique et sur la symbolique des légendes et des mythes (en particulier del'Égypte ancienne concernant le vautour).

D'emblée il compare le souvenir au moins en partie reconstruit, avecla préhistoire fabuleuse que s'attribuent les peuples.

Il retrouve dans le souvenir d'enfance de Léonard, lathéorie sexuelle infantile de la mère phallique que l'expérience psychanalytique met en rapport avec unerelation érotique intense à la mère et avec un type d'homosexualité vraisemblable chez le peintre, même si ellen'est restée que platonique.

Freud cite alors le fameux sourire énigmatique des figures féminines ou masculinesdans les tableaux de Léonard, et même il reprend à son compte la « découverte » de son disciple O.

Pfister quivoyait le contour d'un vautour, symbole de la maternité, dans l'enroulement compliqué du manteau de Mariepenchée sur l'enfant Jésus, telle qu'elle est représentée dans l'admirable sainte Anne du Louvre.Toute cette partie de l'interprétation freudienne a été vivement contestée : la documentation historique estincomplète et surtout l'oiseau du souvenir n'est pas un vautour (Freud a été trompé par la traduction) mais unmilan ; dès lors le rapprochement avec le symbolisme égyptien du vautour n'est plus tenable et il ne peut plusêtre question d'en retrouver l'image dans la sainte Anne du Louvre.

Plutôt que de s'attarder sur la discussiond'un cas individuel, dans des conditions telles que l'interprétation ne peut qu'être hautement hypothétique, ilest plus important de suivre le processus de la sublimation, quelle que soit la valeur historique de l'exemple.

Ceque Freud cherche à expliquer par l'analyse du fantasme d'enfance de l'oiseau (milan ou vautour) est laconjonction exceptionnelle chez Léonard du refoulement et des inhibitions sexuelles d'une part et d'autre part d'une extraordinaire capacité de sublimation.

Dès la première enfance, les pulsions de voir, de savoir semanifestent avec force dans l'investigation sexuelle.

Une autre personne que Léonard n'aurait sans doute pasréussi à soustraire la plus grande partie de ses pulsions sexuelles au refoulement par la sublimation en soif desavoir.

Il aurait pu en résulter soit un dépérissement du travail intellectuel soit une névrose de typeobsessionnel dont quelques traits se retrouvent d'ailleurs dans la biographie de Léonard.

Il semble que, dansson cas, la curiosité sexuelle infantile prédominante se sublima en productions scientifiques et artistiques,cependant qu'une faible part de la libido reste orientée vers un but sexuel, et encore, par suite de la fixation àla mère, sous une forme homosexuelle.. »

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