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LE BONHEUR EST-CE LA SATISFACTION DE TOUS NOS DESIRS ?

Publié le 19/08/2009

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 Qui ne voudrait voir tous ses désirs satisfaits ? Qui n'a jamais rêvé, au moins une fois dans sa vie, de posséder la fameuse lampe merveilleuse d'où sort un génie tout puissant pour qui nos désirs sont des ordres ?  Le bonheur, à quoi nous aspirons tous ultimement (« Tous les hommes, écrit  Pascal, désirent d'être heureux), qu'est-ce d'autre que la satisfaction de nos désirs ? Peut-on être heureux, en effet, si nos désirs ne sont pas satisfaits ? Si la non satisfaction de nos désirs, voire d'un seul d'entre eux, s'accompagne nécessairement d'un sentiment de frustration, et donc de souffrance, il ne peut y avoir de bonheur que si tous nos désirs sont satisfaits. Le bonheur, en ce sens, c'est la satiété. 

 Mais il faut y regarder de plus près. Deux raisons majeures, en effet, contestent une telle définition du bonheur. Si mon désir est de voler, de tuer, de violer …,  puis-je identifier mon bonheur au plaisir que me procure la satisfaction de mon désir ? Non seulement la satisfaction de tous nos désirs n'est pas moralement acceptable mais il n'est pas sûr non plus que cette satisfaction nous procure le bonheur que nous en attendions. Peut-on réduire, en effet, le bonheur aux plaisirs immédiats liés à la satisfaction des désirs ? Mais il y a plus : la satisfaction de tous nos désirs est-elle elle-même désirable ? N'est-elle pas en contradiction avec notre désir même d'être heureux ? A supposer, en effet, que tous nos désirs soient satisfaits, que nous resterait-il alors à désirer ? Rien. Mais ne plus rien avoir à désirer est-ce le bonheur suprême ou bien l'ennui le plus mortel ? « Malheur, dit  Rousseau, à qui n'a plus rien à désirer «. 

 D'un côté, donc, nous aspirons tous, pour être heureux, à satisfaire nos désirs ; mais, d'un autre côté, cette satisfaction, à supposer qu'elle fût possible, n'apporte pas nécessairement le bonheur que nous en attendons. Quel rapport faut-il alors établir entre le bonheur et le désir ? Tel est l'enjeu de la question qui nous est posée : le bonheur est-ce la satisfaction de tous nos désirs ?   

« certains, voire la plupart, de nos désirs, n'est qu'un ensemble de conventions inventées par les faibles contre lesforts.

La vraie morale n'est pas celle qui est fondée sur des conventions arbitraires et changeantes selon les lieux etles époques, mais celle qui est fondée en nature et la nature veut que les plus forts l'emportent sur les plus faibles.Eprouver des désirs et se donner les moyens de les satisfaire, c'est donc la seule façon de vivre comme il faut etd'être heureux. Mais une telle satisfaction est-elle véritablement satisfaisante ? Est-il vrai que le bonheur ne soit qu'uneaccumulation de plaisirs ? Et n'y a-t-il pas des désirs qu'il est impossible de satisfaire ? Le bonheur n'exige-t-il doncpas de renoncer à la satisfaction de certains désirs, voire de tout désir ? II - Le Bonheur comme renoncement au désir 1) la diversité et la conflictualité des désirs Remarquons d'abord que pour que tous nos désirs puissent être satisfaits, il faudrait qu'ils ne soient pascontradictoires les uns avec les autres de telle sorte que la satisfaction des uns ne compromette pas la satisfactiondes autres.

Mais tel n'est pas le cas.

Quel fumeur, par exemple, ne désire-t-il, en même temps, fumer et arrêter defumer ? Combien de fois avons-nous ainsi fumé notre dernière cigarette ou bu notre dernier verre ? Autre exemple :se destiner, parce que notre désir nous y porte, à telle carrière professionnelle, n'est-ce pas en même tempsrenoncer à satisfaire un autre désir portant sur un autre métier ? Parce que j'ai satisfait mon désir d'être ingénieur,j'ai dû renoncer à celui que je caressais d'être coureur cycliste ou pilote d'essai.

C'est ainsi que, bien souvent, nousratons notre vocation.

Parce que donc nos désirs sont pluriels, divers et souvent en conflit les uns avec les autres,entreprendre de les satisfaire tous est une tâche impossible qui ne peut mener à rien d'autre qu'à l'hésitationperpétuelle ou à l'irrésolution.

Comme le soulignait Spinoza, « tous les efforts, impulsions, appétits et volitions del'homme (…) varient suivant la disposition variable d'un même homme et s'opposent si bien les uns aux autresque l'homme est traîné en divers sens et ne sait où tourner ». 2) satisfaire tous ses désirs : une vie dissolue et malheureuse Revenons au « cas Calliclès ».

L'homme qui vit selon les préceptes de Calliclès est-il aussi heureux que le sophiste leprétend ? Ne faut-il pas, au contraire, le comparer à un condamné dont la peine consisterait à devoir remplir destonneaux percés ? Vouloir, pour être heureux, satisfaire tous nos désirs, c'est méconnaître, bien naïvement, quenombre de nos désirs sont par nature insatiables et qu'on n'en aura donc jamais fini de les satisfaire.

Qui désirel'argent, le pouvoir, la gloire, les honneurs, les femmes …, quand sera-t-il jamais satisfait ? Quand en aura-t-iljamais assez ? Entreprendre de satisfaire ce type de désirs c'est se condamner à l'insatisfaction perpétuelle et doncau malheur éternel.Il convient donc, pour être heureux, de renoncer à ce genre de désirs.

Vouloir les satisfaire c'est se méprendre surce qu'on désire vraiment et manquer ce dont notre âme, au fond d'elle-même, est éprise.

Quoi donc ? Non pas lesbiens sensibles sources de plaisirs éphémères mais le Bien, absolu, éternel et intelligible.Ce n'est donc pas la satisfaction des désirs sensibles qui apporte le bonheur mais la pratique de la vertu quirecommande, en premier lieu, la modération, la tempérance, c'est-à-dire le contrôle rigoureux des désirs.

Seule lavertu, contrairement à ce que pensait Calliclès, rend véritablement heureux et celle-ci exige un renoncement auxdésirs qui attachent l'âme au corps. 3) Le renoncement au désir Le bonheur consiste donc, dans cette perspective, à ne désirer que ce qui est véritablement désirable.

Mais une foisobtenu ce qui est véritablement ou suprêmement désirable, il n'y a alors plus rien à désirer.

Par où l'on comprendque ce que le désir désire, c'est ce qui ne laisse plus rien à désirer et donc que le désir vise à s'abolir lui-mêmecomme désir.

En poursuivant sa propre satisfaction le désir poursuit, en fait, sa propre abolition.

Si le désir, en effet,est manque et souffrance, (« ce qu'on n'a pas, ce qu'on n'est pas, ce dont on manque, voilà les objets du désir etde l'amour » disait Platon), tout désir vise à disparaître dans sa propre satisfaction.

Il s'agit donc, pour êtreheureux, d'obtenir ce qui met fin au désir.

D'où, comme l'explique Platon dans le Banquet, l'ascension du désir qui leporte des beautés sensibles, celles des corps et des visages, au Beau intelligible, à l'Idée du Beau qui met fin audésir en lui apportant sa complète satisfaction.

Le bonheur, c'est donc l'absence de désir.

Si Platon nous convieainsi à renoncer aux désirs sensibles sans cesse renaissants c'est pour mieux renoncer au désir lui-même.Qu'il faille, pour être heureux, renoncer au désir, c'est la conséquence directe de la définition du désir en termes demanque.

Si, en effet, le désir est manque, et si le manque est souffrance, on ne peut désirer que ce qui met fin aumanque et à la souffrance et apporte la complétude où s'abolit le désir.Mais peut-on identifier le bonheur avec l'absence de désir ? Rien n'est moins sûr car, comme l'a vu Schopenhauer, àla souffrance du manque succède, une fois le désir accompli et aboli, la souffrance de l'ennui comme manque dumanque.

La vie désirante ne peut donc qu'osciller, comme le souligne l'auteur, « comme un pendule, de droite àgauche, de la souffrance à l'ennui ».

Ce que je désire, je ne l'ai pas et souffre de ne pas l'avoir ; ce que j'ai, je ne ledésire plus et souffre de ne plus le désirer.

Mais souligner que l'absence de désir est vécue dans la souffrance de l'ennui, n'est-ce pas reconnaître, implicitement, qu'il ne saurait y avoir de bonheur sans désir ? Mais comment est-cepossible si le désir est manque ? Le désir ne serait-il alors pas autre chose que manque ? III - De quelle conception du désir le bonheur est-il solidaire ?. »

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