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Le capitalisme est-il moral ? Comte Sponville

Publié le 09/11/2012

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Le capitalisme est-il moral ? par André COMTE SPONVILLE Philosophe Mardi 28 Mars 2000 L'éthique d'entreprise vue par André Comte Sponville, ça ce définit comment ? André COMTE SPONVILLE I. L'éthique d'entreprise L'idée d'éthique d'entreprise, venue des Etats-Unis, affirme que l'éthique améliore le climat interne de l'entreprise, donc la qualité du produit, et donc la productivité et les marges. L'éthique est performante et fait vendre. Le mot " markéthique " a été inventé pour désigner l'enfant issu de ces amours étranges entre le marketing et l'éthique. Cette notion d'éthique d'entreprise me laisse perplexe et réticent pour trois raisons. Tout d'abord, parce ce que ce serait la première fois que la vertu ferait gagner de l'argent. Ensuite, parce qu'il est vrai que le devoir et l'intérêt peuvent aller dans la même direction, mais que dans ce cas, aucun problème moral ne se pose. Enfin parce que, si on accomplit une action morale par intérêt, cette action n'a aucune valeur morale même si elle est conforme à la morale, puisque le propre de la morale est le désintéressement. Je crois que l'éthique d'entreprise tient de ce type de comportement, et qu'elle relève du management et du marketing, et non de la morale. Plutôt que de parler d'éthique d'entreprise, je préfère distinguer un certain nombre de domaines, d'ordre d'idées, et marquer clairement les limites entre eux. II. Les quatre ordres Se poser le problème des limites revient à se demander ce qui n'est pas permis. 1. L'ordre économique, technique et scientifique Nous pouvons commencer par exemple par nous interroger sur les limites qu'il faut fixer aux sciences du vivant. La biologie peut dire quelles sont les manipulations génétiques techniquement possibles, mais il n'est pas de son domaine de dire lesquelles sont permises. Il en va de même pour l'économie de marché. Nous avons là un premier domaine, le domaine économico-techno-scientifique, structuré intérieurement par l'opposition entre le possible et l'impossible. Laissé à sa seule spontanéité, il vérifierait ce que le biologiste Jacques Testard appelle " l'uniquematie de l'univers technique ", dont le principe est que tout le possible sera fait, à la condition que l'anarchie s'installe. Or le possible devient aujourd'hui singulièrement effrayant. Il est donc nécessaire de limiter cet ordre techno-scientifique, et de le limiter de l'extérieur, puisqu'il est incapable de se limiter lui-même. 2. L'ordre politique et juridique J'introduis donc un deuxième ordre, l'ordre de la loi et de la justice, structuré intérieurement par l'opposition du légal et de l'illégal. Il est lui aussi incapable de se limiter ; et cela est nécessaire pour deux raisons : - une raison individuelle : un individu qui respecterait scrupuleusement la légalité du pays dans lequel il se trouve, mais s'en contenterait, pourrait parfaitement mentir, faire preuve d'égoïsme, et de méchanceté. Nous n'avons rien dans cet ordre ni dans le premier pour échapper à ce spectre du " salaud " légaliste, et peut-être aussi scientifiquement compétent. - une raison collective : il y a quelques années, en licence à la Sorbonne, j'ai proposé comme sujet de dissertation de philosophie politique " le peuple a-t-il tous les droits ? ". La quasi-totalité des étudiants ont répondu qu'en démocratie, le peuple est souverain, et qu'il a donc tous les droits, puisque c'est lui qui fait le droit. La conclusion logique de cette position est que le peuple a le droit de prendre des mesures antidémocratiques. On aboutit ici au spectre du peuple qui aurait tous les droits. 3. L'ordre de la morale Le domaine qui vient limiter celui de la politique et de la justice est celui de la morale, structuré intérieurement par l'opposition du bien et du mal, du devoir et de l'interdit.<...

« II. Les quatre ordres Se poser le problème des limites revient  à se demander  ce qui n'est pas permis. 1. L’ordre  économique, technique et scientifique Nous pouvons commencer par exemple par nous interroger sur les limites qu'il faut fixer aux   sciences du vivant .

 La biologie peut dire quelles sont les manipulations g énétiques   techniquement possibles, mais il n'est pas de son domaine de dire lesquelles sont   permises. Il en va de m ême pour l' économie de march é. Nous avons l à un premier domaine, le domaine  économico­techno­scientifique, structur é   int érieurement par l'opposition entre  le possible et l'impossible.  Laiss é à sa seule spontan éité, il v érifierait ce que le biologiste Jacques Testard appelle  “   l'uniquematie de l'univers technique ”, dont le principe est que tout le possible   sera fait,   à la condition que l'anarchie s'installe. Or le possible devient aujourd'hui   singuli èrement effrayant. Il est donc n écessaire de limiter cet ordre techno­scientifique, et   de  le limiter de l'ext érieur , puisqu'il est incapable de se limiter lui­m ême. 2. L'ordre politique et juridique J'introduis donc un deuxi ème ordre,  l'ordre de la loi et de la justice , structur é   int érieurement par  l'opposition du l égal et de l'ill égal .  Il est lui aussi  incapable de se limiter  ; et cela est n écessaire pour deux raisons :  ­  une raison individuelle  : un individu qui respecterait scrupuleusement la l égalit é du   pays dans lequel il se trouve, mais s'en contenterait, pourrait parfaitement mentir, faire   preuve d' égo ïsme, et de m échancet é. Nous n'avons rien dans cet ordre ni dans le premier   pour  échapper  à ce  spectre du “ salaud ” l égaliste , et peut­ être aussi scientifiquement   comp étent.  ­ une raison collective  : il y a quelques ann ées, en licence  à la Sorbonne, j'ai propos é   comme sujet de dissertation de philosophie politique “ le peuple a­t­il tous les droits ? ”. La   quasi­totalit é des  étudiants ont r épondu qu'en d émocratie, le peuple est souverain, et qu'il   a donc tous les droits, puisque c'est lui qui fait le droit. La conclusion logique de cette   position est que le peuple a le droit de prendre des mesures antid émocratiques. On   aboutit ici au  spectre du peuple qui aurait tous les droits . 2. »

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