Devoir de Philosophie

Le désir n'est-il qu'inquiétude ?

Publié le 28/10/2005

Extrait du document

Or, dès que l'enfant prend conscience que l'objet du désir de la mère n'est autre que le Père, l'enfant ne peut s'accommoder de cette frustration qu'en la désignant de manière symbolique, c'est-à-dire grâce au langage. Par un procédé que Lacan nomme métaphorique, l'enfant abandonne sa passivité et la souffrance qu'elle occasionne et désigne activement l'objet de son désir (être l'objet du désir de la mère) par le Nom-du-Père. Cependant, la métaphore s'accompagne d'un glissement de sens, en sorte qu'en nommant le Père (c'est-à-dire l'instance symbolique qui le sépare de la mère) l'enfant ignore qu'il désigne l'objet primordial de son désir. Se trouve ainsi fondée la possibilité de désirer, qui apparaît avec la maîtrise du langage, mais tout aussi bien l'aliénation du sujet dans le langage. Désirer, c'est nommer l'objet de son désir, mais dans l'inadéquation entre le signifiant qu'on utilise et le signifié qui lui correspond. Par exemple, en nommant le Père, l'enfant ne désigne pas l'instance symbolique qui le sépare de la mère, mais l'objet primitif de son désir. Le langage permet donc l'avènement du désir en refoulant l'objet qui lui correspond, en créant un inconscient langagier. La conséquence pour notre réflexion apparaît ainsi : le sujet, pris dans les rets du langage, ignore proprement quel est l'objet de son désir. Il est désormais condamné à errer, de signifiant en signifiant, en quête de l'objet propre à le satisfaire, mais dont il ignore quel il est. Le désir est donc lié à l'inquiétude comme absence de repos : le sujet n'a de cesse de désirer, il poursuit indéfiniment, sans jamais pouvoir s'arrêter, tout en se leurrant lorsqu'il songe qu'en désirant autre chose, il trouvera finalement l'objet primordial de son désir.

Notre sujet s’appuie d’emblée sur un présupposé : le désir est inquiétude. Mais, demande-t-on, n’est-il que cela ? Pour le déterminer, nous devons nous intéresser à la structure du désir, tout autant qu’à la qualité de l’inquiétude à laquelle on le rattache. En effet, il est possible, en première approximation, de définir le désir comme manque. Or, le manque est un élément propice à susciter l’inquiétude, si l’on discrimine deux sens de l’inquiétude. De fait, l’inquiétude renvoie d’abord, dans le langage courant, à la peur ou à l’angoisse ; quelque chose d’inquiétant représente une menace et peut nous effrayer. Ensuite, l’inquiétude signifie, en accord avec l’étymologie, l’absence de calme ou de repos ; est « in-quiet « celui qui n’est pas tranquille (en anglais, quiet). Dès lors, si le désir comme manque peut nous introduire à l’absence de repos, c’est-à-dire à l’activité désirante elle-même, est-il pour autant le synonyme d’une angoisse de ce qu’il y a à venir ? En d’autres termes, peut-on tenir le désir pour inquiétude, au sens d’une source fondamentale d’action, tout en ne l’assimilant pas exclusivement à la peur ou à l’angoisse du devenir ?

« traverser l'épreuve de l'angoisse mortelle.

Tandis que le vaincu, l'esclave, se soumet au maître et adopte une vie depeur et de soumission, le désir du maître et la force qui lui est propre le fait passer outre l'angoisse.

III – La trahison du désir Ainsi, le désir, s'il semble relever de l'inquiétude comme absence de repos, ne serait pas fondamentalement inquiétude au sens d'angoisse.

Pourtant, le désir correspond bien à la quête d'un objet manquant, d'un état autre,ressentie comme meilleur et absent.

Le désir semble donc recherche du bonheur, au sens où le bonheur secomprend comme un état d'achèvement, de complétude et d'absence de manque.

C'est en ce sens que lepsychanalyste Zizek dit qu' « en psychanalyse, la trahison du désir a un nom : le bonheur » ( Bienvenue dans le désert du réel ).

Le désir authentique ne serait pas désir d'un objet absolu, le bonheur tel que le présente Aristote dans l' Éthique à Nicomaque , c'est-à-dire le Souverain Bien, auquel s'ordonne toutes les activités, mais le désir du désir, le désir de désirer pour désirer. Dans l'Éthique à Nicomaque, Aristote conduit l'analyse de ce qui motive les actions humaines.

Chacun conçoit le bien et le bonheur d'après sa proprevie.

Pour le plus grand nombre, le bonheur se définit par une vie de jouissanceet de plaisirs ; on en trouve d'ailleurs souvent l'exemple parmi ceux quigouvernent.

Pour un nombre plus restreint ("l'élite et les hommes d'action"), lebonheur est placé dans la récolte des honneurs et des louanges : tel est lebut en général recherché par ceux qui font de la politique.

Il existe enfin untroisième type de bien, relatif à un tout petit nombre ("cette fin a davantagerapport avec ceux qui accordent les honneurs qu'avec ceux qui lesreçoivent").

Ce vrai bien est individuel et inaliénable.

Ce ne sont ni leshonneurs qui rassurent — où l'on cherche la reconnaissance de gensintelligents —, ni même la vertu.

Car on peut être vertueux et rester inactiftoute sa vie ; ou, bien pire, endurer bon gré mal gré "les pires maux et lespires malheurs" : on peut être vertueux et terriblement malheureux.

Lesouverain bien est un bien qui est recherché pour lui-même et non en vued'autre chose (comme l'argent par exemple), il est tout à la fois moyen et fin.Seul le bonheur est en mesure de répondre à cette définition et Aristote lefait résider dans l'activité de l'esprit, partie la plus haute et la plus noble del'homme, dont l'activité est plus durable et continue que tout autre actionpratique.

Elle procure un plaisir certain, tant il est vrai qu'il y a plusd'agrément à vivre dans le savoir que dans l'ignorance, et enfin elle estindépendante, ne répondant que d'elle-même : sa finalité lui est immanente (elle ne dépend pas d'un résultatextérieur plus ou moins bon), et elle se nourrit du loisir à la différence de toutes les autres activités qui sontlaborieuses. À cet égard, la fonction et la place du désir a changé au fil du temps : alors qu'il devait se soumettre à un calcul réglé selon un typologie stricte pour Épicure – la fameuse distinction entre désirs naturels et nécessaires,désirs naturels non nécessaires et désirs ni naturels ni nécessaires – le but étant d'atteindre l'ataraxie, c'est-à-direl'absence de troubles dans l'âme, le désir se pense aujourd'hui comme une source d'activité dont le sens ne résidepas dans un objet qui lui serait extérieur.

Alors, par exemple, que le besoin se détermine en fonction d'unesatisfaction auquel il tend, le désir « creuse le désire » pour reprendre les termes de Levinas.

Dès lors, assouvir unbesoin, c'est ramener le corps à un certain équilibre, tandis que désirer, c'est désirer désirer. En ce sens, l'inquiétude, comprise comme absence de repos, apparaît bien comme fondamentale, mais il devient également possible de requalifier le rôle de l'inquiétude-angoisse.

En effet, au lieu de la voir comme unparalysant de l'action, l'inquiétude peut jouer le rôle d'un stimulant, en faisant office d'excitation.

C'est dans le désircomme pro-jet, autrement dit projection dans l'avenir et l'indéterminé, que l'inquiétude comme attente et espoirangoissé du futur peut n'être plus comprise uniquement comme crainte pure et simple, mais comme tentation del'inconnu.

En ce sens, si l'inquiétude peut avoir pour fonction de nous renseigner sur le décalage qu'il y a entre nosattentes et la réalité ou nos capacités et la situation actuelle, elle peut servir, non pas à inhiber l'action, mais à ladévelopper vers de nouvelles potentialités.

Le désir comme inquiétude est donc mise à l'épreuve, désir du désir, sion ne le réduit pas à l'angoisse dirimante.

Conclusion : Ainsi, nous avons vu que le désir peut se définir, dans sa structure même, comme inquiétude.

Il correspond alors à la quête d'un objet primordial le long d'une chaîne de signifiants parcourue à l'infini.

L'inquiétude comprisecomme absence de repos n'est pas alors une conséquence du désir, mais bien sa condition : c'est parce qu'il estaliéné dans l'ordre du langage que le sujet peut désirer ; c'est parce qu'il a été délogé de sa quiétude passiveprimitive que le sujet se porte sans cesse vers de nouveaux objets.

Or, la perte de cet état de bien-être premier nesuffit pas à réduire le désir à l'inquiétude comprise comme angoisse.

En effet, le désir n'est certes pas un état, maisla tension vers un autre état – un projet – cela n'empêche qu'il s'inscrit, en tant que désir humain, sur fond derisque, comme nous l'avons vu avec Hegel, voire même comme mise à profit de la peur et de l'incertitude de l'avenir.En ce sens, si le désir apparaît de part en part inquiétude, c'est dans la mesure où l'on se garde d'entendre par-làun état d'angoisse suffocant pour le sujet.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles