LE DEVOIR ET L'OBLIGATION MORALE

« 268 MORALE THÉORIQUE B) L'obligation, sentiment moral.

L'obligation est conçue par la raison comme un ordre tranl'l­ mis à la volonté.

Mais .cet ordre donné par la conscience ne reste pas purement intellectuel : il retentit dans notre sensibi­ lité morale.

Dès que la conscience a parlé, nous nous sentons tenus de lui obéir, alors même que nous n'obéissons pas.

Ce sentiment moral devient parfois si vif, si impérieux qu'il pousse jusqu'aux plus héroïques sacrifices.

" Un exemple caractéristique du sentiment moral nous est fourni par de pauvres ouvriers d'un four à chaux des Pyrénées.

L'un d'eux, étant descendu dans le four pour se rendre compte de je ne sais quel déran­ gement, tombe asphyxié ; un autre se précipite à son secours et tombe.

Une femme, témoin de l'accident, appelle à l'aide ; d'autres ouvriers accourent.

Pour la troisième fois, un homme descend dans le four incan­ descent et y succombe aussitôt.

Un quatrième, un cinquième, sautent et succombent.

II n'en restait plus qu'un ; il s'avance et va sauter, lorsque la femme qui se trouvait là s'accroche à ses vêtements et, à moitié folle de terreur, le retient sur le bord.

Un peu plus tard, le parquet s'étant rendu sur les lieux pour procéder à une enquête, on interrogea le sur­ vivant sur son dévouement irréfléchi, et le magistrat entreprit avec gravité de lui démontrer l'irrationalité de sa conduite; il fit cette réponse admi­ rable : " Mes compagnons se mouraient, il faliait y ailer " (GuYAu).

§ II.

- CARACTÈRES DE L'OBLIGATION MORALE 1° Ainsi que nous l'avons dit, le premier caractère du de­ voir est d'être conçu comme un IMPÉRATIF, un ordre dont nous n'avons pas à discuter la valeur : Tu dois, tu ne dois pas, telle est la formule du devoir.

Lien moral, c'est-à-dire imposé par la raison -à la volonté, le devoir enchaîne la volonté sans lui faire violence; c'est une barrière morale, qui lui trace les limites en­ tre lesquelles elle a le droit d'exercer son activité libre.

« On pourrait comparer la nécessité physique à une barrière rigide, de fer ou de bois : tant qu'elle subsiste, vous ne pouvez la forcer ; si vous passez outre, c'est qu'elle est abattue ou brisée.

Le devoir, l'obligation morale, c'est une barrière aussi, mais une barrière éthérée : vous pouvez la traverser comme on traverse un rayon de soleil.

Sa ligne éclatante vous trace nettement la limite qu'il ne faut pas franchir ; si vous la violez, elie vous laisse passer, mais, derrière vous, eiie se referme et continue à marquer entre le bien et le mal une frontière de lumière (1).

» (1) Mgr d'HuLsT, Conférences de Notre-Dame, 1891, p.

146.

l i 4. »