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Le don peut-il être gratuit ou n'est-il qu'une forme de l'échange ?

Publié le 17/01/2022

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don

Il y a quelque chose d'évident dans le sujet qui justement fait problème. Nous savons tous qu'il y a une différence entre donner et échanger. Mais nous savons tous aussi que, bien souvent, celui qui donne attend quelque chose en retour. L'enjeu du sujet est relativement facile à cerner ; il est en revanche plus difficile d'en construire la problématiqe pour éclairer le paradoxe. Il faudra donc, là encore, analyser et conceptualiser avec précision les notions présentes, explicitement ou non, dans le sujet.

Le don est habituellement défini comme l'abandon définitif d'un bien au profit d'un bénéficiaire dont le donateur n'a rien à attendre en retour. Cependant, nous n'ignorons pas que certains événements de la vie (le mariage, la naissance) sont accompagnés non seulement de félicitations, mais de cadeaux. Qui est un jour bénéficiaire d'un don, devient un autre jour à son tour donateur. À l'occasion du Nouvel An, la coutume des voeux se perpétue. « Donnez, vous recevrez«, dit le proverbe. Le don peut-il être gratuit ou n'est-il qu'une forme de l'échange ? Autrement dit, peut-il y avoir une générosité totalement désintéressée ?

Introduction

  • Le don impossible ou obligatoire?

Des échanges déguisés Primauté du don

  • Problématique religieuse et morale du don

L'amour-agapè L'altruisme moral Conclusion

don

« Primauté du don Reprenant, en un sens, les thèses de l'ethnologue M.

Mauss (Essai sur le don, 1923-1924) et celles de G.

Bataille(La Part maudite, 1949), J.

Baudrillard nous rappelle que «toutes les sociétés ont toujours gaspillé, dilapidé, dépenséet consommé au-delà du strict nécessaire [...].

Ainsi, dans le potlatch, c'est la destruction compétitive de biensprécieux qui scelle l'organisation sociale [...].

C'est encore par la wasteful expenditure (prodigalité inutile) qu'àtravers toutes les époques, les classes aristocratiques ont affirmé leur prééminence [...] L'inutilité rituelle de la"dépense pour rien" (est alors) le lieu de production des valeurs, des différences et du sens » (La Société deconsommation, Idées, p.

49).Nos échanges, dans le cadre de la rationalité économique qui est la nôtre, ne conserveraient de ces formesprimordiales du don que des «caricatures funèbres et bureaucratiques », ou des parodies illusoires.

Cf les rabais,soldes, réductions, «tous les mini-gadgets offerts à l'occasion d'un achat », et la publicité en général, dont lafonction est de «nier la rationalité économique de l'échange marchand sous les auspices de la gratuité» (ibid., p.261).Dès lors, aux pseudo-dons qui masquent de vrais échanges, il conviendrait d'opposer les véritables dons dessociétés traditionnelles, dont les déséquilibres tissent les liens sociaux.

Mais s'il est distinct de l'échange qui nousest familier (le «donnant donnant ») et s'il n'est pas vraiment une forme de l'échange parce que ce sont leséchanges qui en dépendent, ce don n'a rien de gratuit.«Le motif de ces dons et de ces consommations forcenés, de ces pertes et de ces destructions folles de richesses,n'est, à aucun degré, [...] désintéressé.

Par ces dons, c'est la hiérarchie qui s'établit.

Donner, c'est manifester sasupériorité, être plus [...] ; accepter sans rendre ou sans rendre plus, c'est se subordonner» (M.

Mauss, Essai sur ledon, Conclusion II). Problématique religieuse et morale du don L'amour-agapè Pour mettre en évidence un trait essentiel de la religion chrétienne.

A.

Nygren oppose deux conceptions de l'amour:I'amour-agapè et l'amour-éros.

L'amour-éros est désir, Platon en a analysé les caractères.

L'amour divin, dans lechristianisme, est agapè, don sans limite, sans calcul, sans condition.

L'homme est invité à aimer sur ce modèledivin: «La nature absolue de l'amour dont il est l'objet entraîne pour lui l'obligation de se donner» (Éros et Agape,Aubier, t.

I, p.

91).

«L'agape, don absolument inconditionné, exige un don total» (ibid., p.

107).L'analyse des concepts de grâce, de charité, d'amour oblatif, permettrait de préciser cette idée religieuse d'un donqui peut aller jusqu'au sacrifice de soi.

Il serait en effet gratuit, s'il n'était fondé sur la croyance en un modèle divinqui l'explique et en quelque sorte le motive, ou plutôt l'exige. L'altruisme moral Le mot «altruisme» a été créé par A.

Comte pour désigner une morale qui, par opposition à l'égoïsme, pose commevaleur suprême le dévouement aux autres, l'amour des autres non pour soi-même mais pour eux.

Il rattacheexplicitement cet idéal, «vivre pour autrui », à la pensée chrétienne : il cite par exemple «le plus sublime desmystiques» qui «préparait à sa manière la devise morale du positivisme», l'auteur de L'Imitation de Jésus-Christ, quiécrivait: «Que je t'aime plus que moi et ne m'aime qu'à cause de toi» (Catéchisme positiviste, G.F., p.

48).Mais alors que le christianisme regarde «les autres hommes per oculos Dei ( à travers les yeux de Dieu) pour justifierle don infini de soi» (Blondel, in: Lalande, art «altruisme»), A.

Comte prescrit un don de soi sans limite à l'humanité,parce que l'individu, sans elle, ne serait rien.Se donner à l'Humanité est ici notre devoir car nous avons reçu d'elle notre humanité : langage, pensée, savoir,sans lesquels nous serions de simples êtres biologiques, des animaux.

Notre dette envers l'humanité est telle, en cesens, que nous ne parviendrons jamais à l'éteindre.

C'est pourquoi l'altruisme est un don de soi aux autres qui n'arien de gratuit, il est un devoir qu'impose une dette.

Mais il serait également superficiel de le considérer comme unsimple échange, s'il est vrai que nous devons toujours infiniment plus à l'humanité que nous ne pouvons lui donner. Conclusion Le don, semble-t-il, n'est jamais gratuit.

Il faut d'abord souligner qu'il peut souvent s'expliquer comme une formed'échange plus ou moins manifeste qui en définit le sens et qui n'est nullement désintéressé.

Il semble par ailleursque le don puisse aussi expliquer d'autres types d'échanges, également intéressés, mais dont le régime n'est pasexactement celui qui tend à dominer nos échanges économiques, puisqu'il procède par dépense et prodigalité plutôtque par la recherche d'une sorte d'équilibre entre les valeurs échangées.

Enfin, lorsqu'on ne les analyse pas entermes d'échanges implicites, les dons désintéressés de la charité religieuse ou de l'altruisme moral ne peuvent êtredits gratuits, au moins dans la mesure où ils s'inscrivent dans des problématiques qui cherchent à les fonder et lesprésentent non pas comme des faits mais comme des devoirs, des obligations, ce qui n'aurait guère de sens sidonner gratuitement allait de soi.. »

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