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Le fait de posséder le "je" nous confère-t-il un certain pouvoir ?

Publié le 30/10/2005

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  III. Le « je » est à la fois la condition de possibilité de notre pouvoir de penser, et le garant  de la valeur absolue de l'homme               On peut se demander dans quelle mesure la critique nietzschéenne du « je » ne manque pas le « je » comme condition de possibilité de toute action. En effet, pour agir, il faut bien appréhender les différents objets du monde, les identifier chacun et les distinguer les uns des autres. Or comme le dit Kant dans la Critique de la raison pure, s'il n'y avait pas un « je » à quoi je puisse ramener mes diverses représentations, je ne pourrais pas avoir une expérience unifiée du monde (je verrais ici une chose, là une autre, sans pouvoir les relier entre elles). Le « je » est donc une condition de possibilité à la fois de la connaissance (puisque connaître les choses c'est pouvoir les comparer entre elles) et de l'action (puisque agir sur les choses c'est pouvoir les appréhender comme appartenant à un même monde, dans lequel j'évolue moi-même). De plus, comme le rappelle Kant dans Anthropologie du point de vue pragmatique, I, 1., le « je » n'est pas seulement la condition de possibilité de la connaissance et de l'action, mais aussi celle de la valeur absolue de l'homme. En effet si la possession du « je » élève l'homme au-dessus de l'animal, c'est parce qu'en assurant l'identité de l'homme, il permet aussi à l'homme de faire usage de sa raison, qui permet de se déterminer librement à l'action. Or le fait que l'homme soit toujours libre de faire son devoir, le rend donc responsable de ses actes. Dans la Critique de la raison pratique Kant précise que cette responsabilité est aussi ce qui lui donne une valeur (absolue), contrairement aux choses qui n'ont qu'un prix (relatif).

Le « je «, qui correspond grammaticalement au pronom personnel de la première personne du singulier, est le principe auquel l’individu rapporte à la fois la diversité des ses pensée, et les actions qu’il effectue.         Or le fait de posséder cette capacité a une double conséquence. Tout d’abord, si toutes les pensées sont rapportées à un « je « unique, la pensée acquiert par là même une unité. Cela signifie que toutes les pensées qu’un individu peut avoir seront appréhendées par lui comme ses pensées, provenant toutes de sa pensée (qui désigne ici non plus le produit de l’activité intellectuelle, mais la faculté même de penser). D’un autre côté, si toutes les actions d’un individu sont rapportées à un « je «, ces actions deviennent autant d’expressions d’un sujet appréhendé comme identique. Cela veut dire qu’à travers les diverses actions qu’un sujet peut faire, c’est toujours la même personne qui agit, et que l’on pourra donc tenir pour responsable de ses actes. Le « je « confère donc à l’homme un double pouvoir, d’abord un pouvoir de connaître, dans la champ théorique de la connaissance. Ensuite un pouvoir juridique, en effet s’il faut respecter une personne et lui garantir des droits, c’est parce que cette personne est une fin en soi, mais elle n’est une fin en soi que parce qu’elle peut se saisir comme une totalité, qui doit elle-même rendre compte de ses actes.

Pourtant le « je « ne donne ces pouvoirs que pour autant qu’il n’est pas lui-même une illusion, une unité fictive de la personne. Le problème est alors de savoir si le « je «, parce qu’il représente une unité réelle de la personne, lui donne effectivement des pouvoirs, ou si ces pouvoirs sont aussi illusoires que le « je « lui-même.

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