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Le langage peut il être une prison ?

Publié le 09/04/2009

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Demander si le langage peut-être une prison, s’il exprime les pensées ou les choses, c'est présupposer d'une part que la fonction du langage est une fonction d'expression, et d'autre part que le langage exprime soit les pensées, soit les choses. Or, réduire le langage à un rôle d'expression, c'est dire que la conscience et la pensée existent d'abord comme intériorité sans rien devoir au langage, et que le langage n'intervient que dans un second temps pour permettre d'exprimer cette intériorité. Or nous avons besoin du langage pour pouvoir penser, avant d'exprimer, à travers lui, nos pensées. Définir la conscience comme une intériorité pose aussi un problème, puisque la conscience ne contient rien qu'elle n'emprunte au monde ; nos idées portent sur le réel ou ne portent sur rien. Le langage n'est-il pas plutôt le milieu qui permet à la pensée et au monde d'entrer en contact, la toile de fond de tous nos échanges avec le monde ? Notre rapport au monde, notre perception du monde sont médiatisés par une langue, c'est-à-dire par l'expression d'une société, du rapport d'un groupe d'hommes déterminé avec le monde qui l'entoure.

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« 1/ « Les mots sont les symboles des états de l'âme.

» (Aristote)• Les mots ne signifient pas les choses mais expriment les pensées et les émotions.2/ Dans toute parole est présente une fonction « expressive » ou émotive à travers laquelle le sujet parlants'exprime lui-même et exprime sa position vis-à-vis de ce dont il parle.

(R.

Jakobson)13/ Les mots ne sont que des métaphores pour désigner les choses.

(Nietzsche)1/ L'élaboration du langage est contemporaine de la mentalité animiste : l'homme projette sa propre subjectivité surles choses.2/ En plaçant des mots sur les choses, ils avaient l'illusion d'avoir découvert des entités cenees expliquer lesphénomènes observés.• Les mots peuplent le monde d'entités qui ne sont que des solutions verbales aux problèmes que l'esprit rencontre.3/ Les mots de la langue ne sont que le symptôme d'un problème confusément perçu.

Chaque mot n'est que leprogramme d'une science à naître, alors qu'il paraît d'abord être une explication.• « Ils avaient tout juste effleuré un problème, et, croyant l'avoir résolu, ils avaient fabriqué un obstacle à sasolution.

» (Nietzsche) Le langage est à la fois l'organe et l'obstacle de notre relation au monde.C/ La poésie lyrique.1/ La poésie comme expression des sentiments, des émotions.• La poésie lyrique, ou élégiaque, peint le monde aux couleurs de l'affect qui domine l'âme du poète.2/ La musique comme langage des passions dans la théorie romantique.• « Partout où les hommes plaçaient un nouveau mot, ils croyaient avoir fait une découverte.

» (Nietzsche) •Ne nous emballons pas.

Si le sujet portait uniquement sur la distinction entre les mots et les choses la questionserait : « Les mots sont-ils éloignés des choses ? » et non : « Les mots nous éloignent-ils des choses ? »1.

Interprétation de la questionCette « petite » différence entre les deux énoncés appelle deux remarques.— La question met en relation non pas deux mais trois termes : les mots, les choses et « nous ».

Ce ne sont pasdirectement les mots qui sont suspectés d'être à distance des choses, mais nous qui risquerions d'en être éloignéspar la faute du langage.« Éloigner » ne veut pas dire tout à fait la même chose que « être éloigné ».

D'une part c'est un verbe transitif quiexprime une action qui s'exerce sur un objet (en l'occurrence « nous ») d'autre part et surtout c'est un verbe demouvement.

Si les mots nous éloignent des choses, cela signifie que par un mouvement progressif nous passons duproche au lointain, peut-être même jusqu'au point où les choses finiraient par disparaître complètement à l'horizon.2.

Le paradoxeAffirmer que les mots ne sont pas les choses était une platitude ; mais soupçonner qu'ils pourraient nous éloignerdes choses représente, en revanche, un paradoxe que semble démentir notre usage habituel du langage.

Même s'ilnous arrive de parler pour ne rien dire, de faire de fausses promesses, ou de « brasser du vent », les mots, dans leurusage le plus courant, nous servent au moins à évoquer une chose en son absence ; ou mieux à la faire venir ànous : je dis à mon voisin de table : « passe-moi le sel », et voilà la salière à ma portée.

Les mots, bien quedistincts des choses, serviraient à m'en rapprocher, au sens propre (la salière est maintenant dans ma main) ou ausens figuré (je me sens déjà un peu moins seul quand je lis la lettre de mon ami(e)). III.

Sommes-nous jamais proches des choses ?Le langage nous permet de nous exprimer. Admettons que les mots nous éloignent des choses.

Il faut donc supposer qu'avant nous en étions plus proches.Mais avant quoi ? Avant de nous exprimer ou avant de savoir parler? Dans le premier cas la parole se bornerait àtrahir notre expérience ; dans le second, l'apprentissage du langage chez l'enfant transformerait de manièreirréversible son rapport aux choses.

Examinons plus attentivement ces deux hypothèses. 1.

Les mots trahissent notre expérienceNous éprouvons tous plus ou moins de difficulté à faire partager nos expériences, surtout lorsqu'elles sont singulièreset touchent à notre intimité.

Je peux bien parler d'une maison en général.

Mais comment faire sentir, à moins d'êtredoué d'un véritable talent d'écrivain, le charme et l'atmosphère uniques de la vieille demeure familiale, où je passemes vacances depuis l'enfance, les sentiments que j'y éprouve ou ceux que j'y projette ?Le langage est abstrait : le mot « maison » désigne ce qu'il y a de commun à toutes les maisons.

Il exprime moins laréalité vécue que la manière dont nous organisons et quadrillons notre expérience pour la rendre intelligible parautrui.

Par sa vocation même de communiquer, l'usage du langage se bornerait à livrer des informationsimpersonnelles et communes.

Entre les choses et leurs expressions, il introduirait le détour du code, de la règle, dela syntaxe, des usages et de la correction.

Entre mon expérience et ma parole c'est tout le système des normessociales qui viendrait s'interposer.

D'où la tentation de recourir à un langage plus direct qui traduirait de manière plusexpressive l'intimité et l'intensité de nos sentiments : langage des gestes, des regards, mimiques, etc. 2.

Les mots transforment notre expérienceMais si le sujet ne portait que sur la distance entre notre expérience des choses et son expression linguistique, laquestion serait : « Les mots nous éloignent-ils de notre expérience ? » Pour donner tout son sens au sujet il fautmaintenant concevoir un éloignement plus radical et plus irréversible.

L'altération que fait subir le langage à notreperception « des choses » pénétrerait jusqu'au coeur de notre expérience du monde et la modifierait de l'intérieuravant même que nous l'exprimions par des paroles.. »

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