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Le maintien de l'ordre est-il la fonction essentielle de l'État ?

Publié le 04/04/2005

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L'erreur serait ici d'énumérer les différents rôles de l'État, en disant, par exemple, que l'État n'a pas pour seul but de maintenir l'ordre, mais qu'il a aussi pour but de faire ceci puis cela... L'État ne peut maintenir l'ordre sans la justiceL'ordre ne peut se maintenir longtemps s'il n'est pas légitime, autrement dit s'il n'est fondé que sur la violence du plus fort. Comme le souligne Rousseau, « le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours le maître, s'il ne transforme sa force en droit et l'obéissance en devoir » (Rousseau, Du contrat social, I, 3). Il n'y a donc pas d'ordre sans justice. Seules les lois qui émanent de la volonté générale et qui garantissent la liberté des sujets sont dignes et donc susceptibles d'être respectées. On ne saurait donc supprimer toute liberté au nom de la sécurité.   L'État ne peut faire régner la justice sans ordreMais s'il n'y a pas d'ordre sans justice, il n'y a pas non plus de justice sans ordre. Il appartient donc à l'État de faire respecter l'ordre, autrement dit d'avoir recours à la répression quand la loi est bafouée. La répression doit être elle-même juste. Il s'agit non pas de se venger, mais de restaurer la loi.

« Mais, alors que l'animal est régi par l'instinct, par des règles de comportement innées, fixées par la nature, l'hommeest libre : « et c'est surtout dans la conscience de cette liberté que se montre la spiritualité de son âme ».

Ce qui fait la grandeur de l'homme , sa spécificité, sa spiritualité, ce qui le définit en propre, ce n'est plus la raison, c'est laliberté. A partir de ces fondements, mis à jour dans le « Discours sur l'origine et les fondements parmi les hommes » (1755), Rousseau va s'employer à démontrer tous les arguments qui tentent de justifier l'esclavage privé et la sujétion politique. Il entend d'abord réfuter le parallèle établi par Grotius (1583-1645) entre l'esclavage privé et la soumission des peuples.

Si l'on pouvait comprendre qu'un homme se vende pour pouvoir survivre, il n'en resterait pas moinsincompréhensive qu'un peuple se donne à un maître qu'il devra nourrir.

Rétorquer que le peuple gagne au moins sasécurité revient à dire, selon Rousseau , que les compagnons d' Ulysse étaient en sécurité dans l'antre du Cyclope : ils attendaient tranquillement d'être dévorés chacun à leur tour.

Enfin, même si u peuple pouvait se donner, il ne pourrait en aucun cas engager la liberté de ses enfants, nés libres, car en admettant que l'on puissedisposer de sa liberté, on ne peut engager celle des autres. Rousseau commence ici à démontrer les arguments fallacieux qui justifient l'emprise du pouvoir sur les hommes, et les privent de leur bien le plus précieux au nom d'une prétendue sécurité.

Mais il va plus loin en montrant que même un contrat de soumission est, en fait, juridiquement nul,moralement inconcevable. Un contrat suppose un échange de biens entre contractants, or renoncer à sa liberté, c'est renoncer à tout, c'estéchanger un bien un bien infini (ma liberté) contre un avantage qui sera par définition disproportionné.

Si je donnetout, que pourra-t-on me restituer en échange ? Ce contrat est un contrat de dupe.

Je renonce à tous mes droits,je les donne à une autre qui en use à sa guise.

Qu'aurais-je à réclamer contre lui ? Que pourrais-je faire s'il veut menuire ? « C'est une convention vaine et contradictoire de stipuler d'une part une autorité absolue et de l'autre une obéissance sans borne.

» Renoncer à ma liberté revient à promettre d'obéir inconditionnellement à un autre, donc à me considérer comme unsimple instrument, un simple objet, une chose dont l'autre peut disposer à sa guise.

Or, vouloir être un objet, unesclave, est impossible Je n'abdique pas alors simplement mes droits, mais que je renonce aussi à mes devoirs, queje me détruis comme être moral.

Si celui auquel j'ai promis d'obéir m'ordonne de faire une action que je juge atroce,de deux choses l'une, ou bien j'obéis, mais alors j'abdique tout jugement, me considère comme une machine, et menie comme être moral, je ne suis alors (à mes propres yeux) qu'un instrument animé, ou bien je refuse d'obéir etdans ce cas je fais éclater au grand jour que ce contrat de soumission est intenable, que je n'ai jamais puvéritablement vouloir obéir inconditionnellement. Ne pas être libre signifie ne pas accomplir sa volonté mais celle d'un autre.

Or, Rousseau montre que la liberté définit l'homme comme tel, et que nul e peut vouloir renoncer à sa liberté, cad nul ne peut vouloir véritablement sesoumettre.

Ce serait « renoncer à sa qualité d'homme », vain & contradictoire : autant dire qu'un homme voudraitdevenir un esclave, un instrument, une chose.

L'importance de la conception de Rousseau n'est donc pas tant de montrer que l'homme est naturellement libre que d'affirmer que cette liberté est inaliénable, et doit perdurer sous leslois, sous le pouvoir.

La liberté ne s ‘échange pas, on n'échange pas tout contre rien.

Sont ainsi disqualifiées toutesles théories qui, sous couvert d'assurer à l'homme sa sécurité, sa simple survie biologique, le privent en réalité del'essentiel.

Cette sécurité est illusoire, cette survie est dégradante, en tant qu'elle transforme l'homme en chose etle prive de toute moralité.

En ce sens, La pensée de Rousseau se veut libératrice : « Les esclaves perdent tout dans leurs fers, jusqu'au désir d'en sortir ; ils aiment leur servitude comme les compagnons d'Ulysse aimaient leurabrutissement. » Rousseau anticipe sur le premier article de la « Déclaration des droits de l'homme » : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Faire ainsi éclater l'illégitimité de toute forme d'esclavage ou de soumission impose de penser une forme d'Etat où laliberté soit préservée.

Mais Rousseau nous contraint aussi à nous interroger sur toutes les formes de servitude volontaire, celle où les hommes « perdent tout dans les fers, jusqu'au désir d'en sortir ».

(Et les formes contemporaines, comme le totalitarisme, imposent sans doute de repenser la question à nouveaux frais). L'État ne peut faire régner la justice sans ordre Mais s'il n'y a pas d'ordre sans justice, il n'y a pas non plus de justice sans ordre.

Il appartient donc à l'État de fairerespecter l'ordre, autrement dit d'avoir recours à la répression quand la loi est bafouée.

La répression doit être elle-même juste.

Il s'agit non pas de se venger, mais de restaurer la loi.

Il n'y a d'ordre véritable que dans le cadre d'unelégislation juste qui permette l'accord de la liberté de chacun avec celle de tous - législation qui doit être respectéepar tous. L'État doit veiller â favoriser une plus grande justice sociale. »

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