Le mal est-il une puissance ?
Publié le 27/02/2008
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«
puissance » de quelque chose : en l'occurrence du Bien.
Et c'est pourquoi Leibniz dans son Essai de théodicée , plus exactement dans les réponses aux objections nous dit bien que si une bataille existe c'est bien en vue d'une paixfuture assurée, donc en vue d'un plus grand bien.
Or de ce point de vue, comme il le dira à la fin de l'ouvrage : lemal en tant que tel n'est rien.
Il ne s'agit que d'un point de vue restreint sur un ensemble plus vaste dans l'espacemais aussi dans le temps, comme on peut le voir dans un tableau si l'on ne s'accordait qu'à regarder qu'un seul détaildans un tableau au lieu de contempler la beauté de l'ensemble, c'est-à-dire pour Leibniz : la création de Dieu.c) Mais du point de vue humain, c'est-à-dire non plus cosmologique ou théologique, on peut dire aussi que le malest bien ce qui nous fait agir comme Leibniz le montre dans ses Nouveaux essais sur l'entendement humain . Cependant, si Leibniz ne parle du mal en particulier il parle tout de même de l'inquiétude, c'est-à-dire la peuréventuelle d'une douleur ou d'un mal.
Et en ce sens, on peut dire alors que le mal, même s'il s'agit d'une définitionplus souple et plus large, est bien ce que l'on cherche à éviter d'où l'inquiétude.
Il s'agit donc du pendant négatif dumal, et d'une certaine manière son développement psychologique ; et cela d'une façon anticipée.
Or si l'on agit envue d'éviter un mal, alors ce dernier est encore une puissance d'agir mais d'une manière négative et surtout enpuissance du bien.
Transition : Ainsi le mal existe bien mais il n'est pas exactement une puissance d'action, c'est-à-dire d'agir.
Plutôt il est enpuissance d'un bien, c'est-à-dire en vue d'un plus grand bien.
Cependant, nous pouvons voir dans le mal unepuissance dérivée dans la mesure où c'est pour l'éviter que nous sommes industrieux.
Mais jusqu'à présent nousavons pris le mal dans une acception quasi positive ou sans faire référence explicitement à sa valeur destructrice.Or n'est-ce pas justement en tant que force destructrice que le mal peut être considéré comme une puissance etremet aussi en cause, corrélativement, toute volonté de théodicée ? III – Puissance, force, violence & destruction : Thanatos a) En effet, de son point de vue destructeur, on peut dire que le Mal est bien une puissance : une puissancedestructrice notamment par l'emploi de la force qu'il suppose, que ce soit une violence physique, morale oupsychique.
Or c'est bien en ce que Gusdorf dans La vertu de la force nous dit : « Réduite à elle-même, la violence est absurdité pure, désespoir de l'humain.
Le légionnaire romain tue Archimède ; le milicien nazi massacre lesavant juif, l'artiste non conformiste […] La faiblesse de la violence nue est si évidente qu'elle doute de soi : chaquerégime de force cherche, par tous les moyens, au besoin en se mystifiant lui-même, à s'autoriser en se référant àune instance qui le dépasse.
» En ce sens, le mal, en tant que déploiement de la violence par la force est bien unepuissance : une puissance destructrice et absurde certes mais elle n'est reste pas moins une puissance.
Et c'estbien au second sens de puissance ici que nous avons affaire c'est-à-dire l'idée d'une énergie ou d'un pouvoir actif etefficace, c'est-à-dire tendant à produire des effets bien réels.b) Or l'existence de cette puissance en l'homme n'est pas un accident, mais plutôt constitutive de l'homme commel'a bien montré Freud .
En effet, dans Malaise dans la civilisation, il nous bien que l'homme n'est pas l'être débonnaire assoiffé d'amour mais au contraire, un être qui porte en lui une somme d'instincts d'agressivité.
Le prochain pour luin'est pas seulement un auxiliaire et un objet sexuel possibles, mais aussi un objet de tentation.
Tenté de satisfaireses besoins de violence : « Homo homini lupus : qui aurait le courage, en face de tous les enseignements de la vieet de l'histoire, de s'inscrire en faux contre cet adage ? ».
En ce sens, en l'homme, comme il le montre dans sonAbrégé de psychanalyse, il y a deux pulsions fondamentales : Eros & Thanatos, c'est-à-dire une puissance(tendance) de liaison, de conservation, et une autre, donc une pulsion de destruction ; en somme un pulsion demort.
Le mal en tant que puissance appartient bien à cette seconde pulsion et en développe tout le potentiel.
Etc'est bien ce que nous montre aussi l'examen de l'histoire semble-t-il.c) En effet, après la Second Guerre mondiale des penseurs comme Hans Jonas dans Le concept de Dieu après Auschwitz reposent justement la question du mal à l'aune de ce crime contre l'humanité.
Le mal est donc à prendre au sérieux : il est une puissance à juste titre c'est-à-dire une énergie négative et nous permet alors d'entrevoir lapossibilité d'un mal radical, c'est-à-dire une pure négativité.
Et c'est bien en ce sens qu'il s'agit d'un crimeimprescriptible, un crime contre l'essence de l'humanité : « L'extermination des juifs est le produit de la méchancetépure et de la méchanceté ontologique » […] Crime contre-nature […] Oublier ce crime gigantesque contre l'humanitéserait un nouveau crime contre le genre humain » ( Jankélévitch L'imprescriptible, Pardonner ? Dans l'honneur et la dignité ). Conclusion : Le mal est donc bien une puissance au sens où l'on peut entendre le terme de puissance comme l'idéed'une énergie ou d'un pouvoir actif et efficace, c'est-à-dire tendant à produire des effets bien réels.
Le mal esteffectivement une énergie, négative et destructrice, présence en l'homme, comme une pulsion : celle de mort,Thanatos.
Le mal n'est donc en vue d'autre chose que lui-même et ne peut recevoir de justification valable dansune théodicée.
Il est du seul fait de l'homme et doit nous amener à produire alors une anthropodicée.
Le mal n'estpas dérivé : il est radical..
»
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