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LE PHÉNOMÈNE ESTHÉTIQUE

Publié le 09/06/2009

Extrait du document

Parce qu'il faut nous extraire du quotidien pour vivre l'émotion d'art, on a pu croire que le phénomène esthétique était contemplation ; parce qu'il faut exorciser l'attention à la vie, oublier les soucis, les sensations parasites, il semble qu'il suffise de voir ou d'entendre pour goûter. L'opinion n'est pas totalement fausse, bien qu'il faille rejouer l'oeuvre. Car c'est là aussi le paradoxe de la vie esthétique : j'y dois être acteur, mais pas le même acteur que sur le théâtre du souci journalier. Pour souligner la contradiction, on cite volontiers l'exemple du vieux cinéma : je vois la locomotive arriver sur moi à grande vitesse, la caméra ayant été mise entre les rails aux lieu et place de l'héroïne enchaînée par d'abominables bandits ; l'émotion m'étreint. Elle est grossière sans doute, mais déjà émotion d'art. Si j'étais l'héroïne, au sein de la vie dite réelle et si j'avais le temps de penser et de sentir, mon émotion n'aurait rien d'esthétique ; elle serait peur, angoisse animale. Mais je suis spectateur, et je jouis d'une terreur savourée. Seulement, si ayant vu le film déjà quinze fois, je cesse de m'y intéresser, ou si le réalisateur fut maladroit, je demeure indifférent et l'émotion artistique ne vient pas ou ne naît plus en moi. Là, la vie artistique était captée, absorbée dans la vie réelle, disparaissait en elle ; ici, la contemplation qui reste contemplation pure ne me permet pas l'embrayage. 

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