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Le psychologue peut-il renoncer à l'observation intérieure pour se borner à constater comment les hommes se comportent dans les diverses circonstances où ils se trouvent placés ?

Publié le 04/03/2011

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I# — Définitivement affranchie de toute métaphysique, s'abstenant systématiquement de toute spéculation sur l' « âme «, la psychologie tend a prendre un caractère de plus en plus net de positivité; elle se pénètre résolument de l'esprit des sciences de la nature. Comme ces dernières, elle s'installe dans le plan des purs phénomènes, se contente de les analyser, de chercher leurs relations constantes, c'est-à-dire leurs lois. Sans doute les faits dont elle s'occupe se distinguent de tous les autres ; ils sont « subjectifs « ; ils se déroulent dans un « sujet « individuel et si sans doute ils peuvent, par cette réaction spéciale qu'on appelle la réflexion, être de sa part l'objet d'une connaissance directe, ils ne sont immédiatement saisis que par lui, du dedans. 

« dangereuse par suite de son caractère subjectif, qu'elle se désintéresse de ce qui se passe dans la conscience desautres hommes, qu'elle ne cherche plus à déterminer la qualité des états dont l'âme peut être le théâtre, qu'elle secontente d'une documentation purement objective, qu'elle se borne à constater des faits donnés dans l'expérienceexterne, saisissables par plusieurs observateurs à la fois, analogues par conséquent aux phénomènes physiques,c'est-à-dire qu'elle porte uniquement son attention sur les circonstances dans lesquelles les hommes se trouventplacés, quelles sont les excitations qui agissent sur eux, comment alors ils réagissent, quelle conduite ils tiennent, àquel comportement ils se livrent.

De cette façon, on établira un « corps d'expériences communicables », desrapports précis, constants entre des impressions et des attitudes, des actes, c'est-à-dire entre des laitsobservables et d'autres faits observables.

La psychologie imitera ainsi les autres sciences positives dont l'objet estde déterminer des relations déterminées, fixes, des lois entre des faits donnés dans l'expérience et d'autres faitsdonnés dans l'expérience.

Par exemple, étudier l'émotion d'un individu, c'est voir que dans une certaine situation ilpousse des cris, que son visage pâlit, que tout son corps tremble, qu'il respire plus vite ou plus lentement, etc.,autrement dit c'est constituer un « complexe » de modifications visibles ; étudier ses perceptions, c'est se rendrecompte qu'en présence de certains excitants — ondes sonores ou radiations lumineuses — il adopte une conduitedéterminée ; Radier ses souvenirs, c'est encore établir que dans un cas analogue à un autre cas antérieur soncomportement est complètement différent grâce à l'utilisation de son expérience.

— Ainsi comprise, la nouvellepsychologie est surtout une méthode ; elle ne nie pas l'existence des faits de conscience, mais elle laisse de côté laquestion de leur qualité parce que, suivant elle, le problème est insoluble ; ce qui l'intéresse, c'est le côté par où ilsdeviennent en quelque sorte observables, ce sont les « réactions globales » des organismes envisagés dans leurensemble ; par là elle continue à se distinguer de la physiologie qui a seulement pour objet des « mécanismespartiels », des systèmes limités de réactions, tels que la respiration,, la circulation ou la motricité.

Elle est en sommele prolongement de la méthode d'abord appliquée à l'animal, par laquelle la biologie a.

cherché à établir comment cedernier répond à certaines excitations auxquelles on le soumet et arrive à réagir à des impressions différentes decelles qu'il éprouvait tout d'abord et qui ont été associées avec ces dernières. IV.

— L'intérêt d'une telle méthode n'est pas contestable.

Déjà ainsi que nous l'avons dit, la « psychologie deconscience » avait commandé l'observation des autres hommes ; toutefois elle maintenait que pour qu'elle soitféconde, instructive, il faut le secours de l'observation interne.

Au contraire la « psychologie de comportement » secontente de l'observation objective et repousse toute intervention de la méthode subjective.

Mais précisément laquestion se pose de savoir si une telle attitude est possible et susceptible de réussir.

— Et déjà, au moment mêmeoù l'on prétend exclure la réflexion, ne la ramène-toi pas comme en contrebande ? Comment, en effet, peut-on direqu'observer l'émotion ou la perception d'un homme , c'est simplement noter toute la série des modifications externesqui constituent son comportement dans une circonstance donnée ? Les termes mêmes d' « émotion » et de «perception » n'impliquent-ils pas qu'on a l'idée de l'émotion ou de la perception, que l'on a la conviction que l'hommequi est devant nous éprouve de tels états d'âme ? Mais d'où peut-on prendre un telle notion,, une telle croyance sice n'est de cette introspection que l'on voudrait justement exclure ? Dans ces conditions, l'idée même d'observer lecomportement des hommes ne suppose-t-elle pas que l'on admet en eux la réalité d'une vie intérieure, que l'on neles réduit pas à de purs automates ainsi que Descartes le faisait des animaux ? Parfois la « physiologie ducomportement » s'est rendu compte de cette sorte de contradiction; elle a voulu proscrire tout terme pouvantdésigner un fait de conscience, remplacer, par exemple, celui de « perception » par celui de « réception », celui de« mémoire » par celui de « rémanence de l'excitant ».

Mais c'est se borner à exprimer dans un langage objectif trèsdouteux, des faits subjectifs certains, empruntés encore à la seule introspection.

— Il y a plus : à quoi bon prendrela peine d'étudier avec autant de soin les divers éléments du comportement des hommes si on renonce àcomprendre tout ce « complexe » et à en saisir la signification ? Comment lui attribuer un sens si systématiquementl'on renonce à trouver l'état d'âme qui est par-dessous, qu'il exprime, qu'il manifeste et dont surtout il est l'effet ?Or, pour cela même, n'est-il pas également indispensable de faire appel à cette introspection que l'on se propose derejeter ? Car il ne faut pas l'oublier : ce qui intéresse, ce qui doit surtout intéresser le psychologue, c'est lamodification consciente dont le comportement est comme l'extériorisation.

On ne veut la voir que par le côté où elledevient pour ainsi dire visible ; mais précisément elle-même, avec sa qualité propre, avec son caractère essentield'être vécue n'est pas observable, et ce que l'on peut saisir objectivement ce n'est plus elle.

Dans ces conditions nelâche-t-on pas la proie pour l'ombre ? Que par voie analogique la reconstitution de l'état d'âme soit délicate, que lepsychologue soit exposé à des erreurs, c'est entendu.

Faut-il pourtant déclarer qu'il lui est absolument interditd'arriver à reconstituer d'une façon assez exacte, avec une approximation suffisante ces dispositions intérieuresdont la perception immédiate lui manque ? Sera-t-il vraiment incapable de conserver à son interprétation lasouplesse convenable pour l'adapter aux circonstances les plus fréquentes qui lui sont données, de recourir à cetteexpérience des hommes avec lesquels le commerce ordinaire de la vie le met en relation constante, de devenir apteà posséder le coup d'œil suffisant pour saisir dans l'ensemble du comportement tel ou tel détail plus révélateur, dese familiariser avec cette « intuition », dont parle Bergson, qui sous les apparences visibles dégage l'invisible,pénètre jusqu'au fond de l'âme même, fait que le sujet coïncide vraiment avec l'objet et acquiert comme ladivination de ce qu'est ce dernier ? « Par des glissements d'analogies, par des contrastes, par interprétation desconséquences », le psychologue peut vraiment voir en quelque sorte à nu cette conscience des autres qui en elle-même se dérobe à lui.

— Au surplus il est des circonstances où l'intervention de l'introspection se faitparticulièrement nécessaire.

Comment sans sa lumière comprendre que dans une situation analogue à une autre dupassé le même sujet manifeste des réactions toutes différentes de celles que l'on a observées auparavant ou quesous l'action d'un excitant identique deux hommes se comportent d'une façon opposée ? Ne faut-il pas admettre quedans le premier la conscience a évolué, qu'en elle se sont produites des dispositions toutes nouvelles, que dans lesautres il y a aussi réaction de la conscience qui en chacun d'eux possède une physionomie toute particulière ?Comment encore expliquer que dans l'animal une impression soit immédiatement suivie d'une conduite précise tandisque chez l'homme la réponse subit un retard plus ou moins long, que même elle ne se produit pas ? N'est-ce pas que. »

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