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LE TEMPS HISTORIQUE

Publié le 24/01/2015

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temps
Le temps stratigraphique est une récapitulation automatique et sommaire où l'historien doit projeter une chronologie acquise. Le temps des archives est un milieu encore informe, temps virtuel où circulent et s 'entrecroisent mille récits possibles. La « catégorie n de l'historique ne commence qu'au récit ; l'archiviste classe, le chroniqueur, l'historien racontent. L'intention en est à l'état d'ébauche dans le récit parlé transmis par tradition orale quand il entend perpétuer et installer dans la mémoire collective les souvenirs de faits jugés marquants. Mais c'est le monument et surtout l'écriture qui lui donnent corps. Avant la paléographie, il y a l'épigraphie. Les mémoires simplifient et déforment, le monument, stèle, colonne, r( avertit n ( monumentum, de monere), ils témoignent de l'importance accordée à un fait (( mémorable n. L'inscription, à qui sait la lire, répète invariablement sa leçon à travers les siècles. Les inscriptions des rois babyloniens sur leurs règnes, leurs exploits, le Testament d'Ancyre, sont des lettres à l'humanité. Nous ne pouvons écrire l'histoire des Gaulois avec des faits précis, datés, des noms propres, parce qu'ils n'ont pas laissé d'écrits comme les Grecs et les Romains. Dans quel éclairage différent nous verrions les Guerres Puniques si nous en avions des récits par des historiens de Carthage ! L'inscription interpelle (« Passant, va dire à Sparte ... ))), la chronique enregistre et perpétue, l'histoire rappelle, commente, ressuscite, comme le voulait Michelet. Mais à quelles conditions ? Comme dans toute transmission d'un message, il faut un émetteur et un récepteur, en l'espèce un scribe et un déchiffreur. Technique éminemment humaine de transmission de la pensée qui s'est élaborée par étapes. D'abord le mythe ne raconte que pour enseigner, et provoquer une certaine disposition mentale. Expression d'une structure de la pensée préscientifique, il est anhistorique ; il exalte les répétitions cosmiques, les normes vitales et humaines élémentaires (sexualité, guerre, action, connaissance empirique), qu'il projette dans un univers indéfini, en dehors de tout temps assignable (1).C'est encore Péguy qui, à propos de la dimension historique, se plaint avec amertume, au nom de la génération sacrifiée de 1907, que !'Histoire, la Mesureuse, ne connaîtra pas leur obscur héroïsme républicain, parce que, pour elle, ce qui compte, c'est le nombre des morts, les batailles rangées, les échafauds, qu'on les dresse ou qu'on y monte, les barricades, qu'on soit d'un côté ou de l'autre, pourvu qu'il y en ait : c'est ce qui fait la
temps

« 70 LE TEMPS moins de prec1s1on, les fragments de sculpture et de céramique dont la façon indique l'époque.

En remontant alors des assises les plus anciennes, on reconstitue les grandes époques de construction et de destruction, qui, sur un remblai d'environ deux mètres, peut-être gaulois, vont de l'époque impériale jusqu'au xrrre siècle.

Tout en se sédimentant de cette manière, une ancienne cité comme Paris (1) a connu, en outre, un accroissement centrifuge visible sur un plan à l'examen de ses enceintes successives ; elles ont successivement éclaté, et la ville s'est reformée par la périphérie en absorbant les fau­ bourgs, villes et villages voisins.

Poitiers n'est pas de ces villes où (( ...

les siècles qui ont concouru à sa forma­ tion se laissent encore discerner, comme les anneaux concentriques marquant l'accroissement annuel se des­ sinent sur le tronc coupé d'un grand arbre ».

(Vidal de La Blache.) Sa croissance n'a été que verticale, et, s'il faut un peu en rabattre des (( onze villes superposées n de Tourneur-Aumont (2), puisque le chevauchement des périodes en rend le dénombrement quelque peu incertain, il n'est pas douteux qu'on lit dans son sous-sol une longue histoire qui remonte au Limonum des Pic­ tons et aux établissements préhistoriques.

Ce temps stratigraphique (3) inscrit dans les strates est en tout (I) Sur la « verticale du temps 1• dans Paris, PÉGUY a écrit une page inoubliable: Situations, p.

199.

(2) Les onze villes superposées de Poitiers (Société des Antiquaires de l'Ouest, 1925).

(3) Cf.

M.

SOURIAU, Le temps, chap.

III-V.

L'auteur montre bien: 1° Que la« verticale du temps» de la géologie est un compromis entre trois représentations possibles; 2° Que la chronologie géologique dépend de celle de la paléontologie, de la science des climats, etc.

De même nous dirons que la chronologie linéaire de l'historien prête plus à la chronologie des fouilles qu'elle n'en reçoit.. »

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