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LEIBNIZ: Si tout était borné à ce moment présent

Publié le 30/03/2005

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Si tout était borné à ce moment présent, il n'y aurait point de raison de se refuser le plaisir qui se présente. En effet, tout plaisir est un sentiment de perfection. Mais il y a certaines perfections qui entraînent avec elles des imperfections plus grandes. Comme si quelqu'un s'attachait pendant toute sa vie à jeter des pois contre des épingles, pour apprendre à ne point manquer de les faire enferrer, à l'exemple de celui à qui Alexandre le Grand fit donner pour récompense un boisseau de pois, cet homme parviendrait à une certaine perfection, mais fort mince et indigne d'entrer en comparaison avec tant d'autres perfections très nécessaires qu'il aurait négligées. C'est ainsi que la perfection qui se trouve dans certains plaisirs présents doit céder surtout au soin des perfections qui sont nécessaires ; afin qu'on ne soit point plongé dans la misère, qui est l'état où l'on va d'imperfection en imperfection, ou de douleur en douleur. Mais s'il n'y avait que le présent, il faudrait se contenter de la perfection qui s'y présente, c'est-à-dire du plaisir présent. LEIBNIZ

POUR DÉMARRER    La jouissance immédiate (le plaisir) semble une plénitude en sol. Comment donc refuser, éventuellement, cette plaisante immédiateté ? A partir de quels critères ?    Conseils pratiques    Prenez en compte le concept de perfection. La plénitude du moment présent ne peut-elle entraîner quelque défaut, imperfection, quelque mal ? Le présent, la partie du temps actuel, sera examiné et défini avec rigueur.    Bibliographie    LEIBNIZ, Œuvres, éditées par Lucy Prenant, Aubier-Montaigne (à lire en bibliothèque).  Jean LACROIX, Le sens du dialogue, éditions de la Baconnière, article Plaisir-Joie-Bonheur «.  ÉPICURE et les Épicuriens, Textes choisis, PUF.

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« le précédant de quelques pages dans le même ouvrage et sortant de la bouche de Philalèthe.

Ce dernier n'est riend'autre que le nom qu'appose Leibniz sur les idées de Locke (et qu'il oppose à celles de Théophile censé supporterles siennes).

S'il va de soi que leurs idées ne se rejoignent que très rarement, ils sont cependant assez d'accord surla définition suivante: « Le bien est ce qui est propre à produire et à augmenter le plaisir en nous, ou a diminuer et abréger quelque douleur.

Le mal est propre à produire ou à augmenter la douleur en nous ou à diminuer quelqueplaisir ». Dire que le bien est ce qui conduit au bonheur, et le mal ce qui conduit à la douleur, c'est faire part de l'hédonismeleibnizien qui s'appuie cependant sur une base légèrement plus complexe.

Il faut rappeler que pour Leibniz, toutel'histoire de chaque sujet est comprise in esse dans son concept.

En d'autres termes, l'existence n'est que le déploiement d'une essence qui contient préalablement déjà tout.

Mon essence est déjà pourrions-nous direprogrammée, en elle est déjà établit les différents états par lesquels je vais passer tout au long de mon existence.Prenons un exemple.

Si je dis que « traverser le Rubicon » était compris dans l'essence de César, je dis quelque chose qui est lourd de conséquences.

Imaginons-nous en ce matin où César est devant le Rubicon avec sestroupes.

Son visage est grave, il réfléchit, le regard perdu dans l'horizon.

Il a certain nombre de raison qui vont lepousser à traverser le Rubicon, des causes qui sont multiples nous nous en doutons: on ne prend pas une telle décision à la légère.

Dans sa tête César a certaines raison de traverser ce fleuve, par exemple, vouloir fonder unempire, tester la résolution de ses hommes (me suivront-ils dans la traversée d'un fleuve si froid?) etc...

Mais cescauses qui le pousse à traverser le Rubicon ont elles mêmes une cause: César veut traverser le Rubicon parce qu'ilveut un empire, il veut un empire parce qu'il a de grandes ambitions et un amour du pouvoir, il aime le pouvoir parcequ'étant enfant (il n'y a rien d'historique là dedans, nous nous contentons d'imaginer) on ne le respectait pas, on nele respectait pas parce que....

On la compris, on peut remonter une chaîne de causes et d'effets qui est infinie.

Detelles sorte que, si « Traverser le Rubicon » était compris dans l'essence de César, il en est de même pour toutes les causes qui l'ont poussé à le faire.

Comme par exemple un certain état du monde à ce moment (ce qui implique ledéplacement de chaque personne, chaque soldat, etc..), le climat (avec la somme d'événement physique que celaimplique...), l'occasion qui se présente, et de cause en cause, c'est le monde entier qui se retrouve impliqué parcette traversée du Rubicon.

Or, ce monde entier doit donc lui aussi être compris dans l'essence de César. Chaque essence exprime le monde, mais toujours d'un certain point de vue.

Imaginons une salle ou rayonne des lumières au plafond.

Chaque ampoule éclaire une certaine partie de la pièce un peu plus clairement que les autresselon son emplacement.

Cette ampoule, par exemple, au fond et à droite de la pièce éclaire bien toute la salle, maisil va de soi que la partie qu'elle éclaire le mieux, le plus clairement et distinctement, c'est celle juste en dessousd'elle.

Eh bien il en va de même pour notre essence.

Elle exprime le monde dans sa totalité mais d'un certain pointde vue.

Chaque essence est un point de vue sur le monde, la mienne, la votre, celle de César, un peu comme uneville est envisagée selon l'endroit d'où on se place.

Plus j'ai de connaissance claire sur quelque chose, plus j'en aiune perception claire, plus j'éprouve justement du plaisir pour Leibniz.

Plus j'en ai une perception confuse, plus jesuis triste.

Or, il va de soi que, plus mon essence révèle une perception claire du monde, plus je grimpe vers laperfection.

En effet, parmi toutes les essences, il en existe une parfaite, celle de Dieu, qui est addition de toute lesperspectives possibles de toutes les essences.

Cette essence a une connaissance parfaite (parfaitement claire) del'univers entier.

Plus mes perceptions sont claires, plus je m'approche de cette essence parfaite.

Le plaisir tel quel'entend Leibniz, c'est donc une montée vers la perfection divine grâce à des perceptions plus claires et distinctes.La perfection, c'est ce que je ressens lorsque l'appétition (cette force en moi qui me fait passer d'une perception àune autre, et ici d'une perception moins claire à une perception plus claire) m'élève vers un état graduellement plusclair.

Le plaisir est en ce sens le sentiment qu'éprouve une substance (une essence) à sentir cette puissance qui lafait passer d'une perception à une autre plus claire. L'histoire des pois... II. Quoiqu'il en soit, le plaisir de maintenant, l'apogée donc vers une perception plus claire, ne s'accorde pasnécessairement avec le plaisir futur.

La perfection que je gagne par le plaisir maintenant, ne s'accorde pasnécessairement avec une perfection future.

Au contraire, je puis tout à fait choisir un plaisir, et donc uneperfection, qui me mène à une douleur et donc à une imperfection future.

Il est nécessaire de voir plus loin que leprésent précisément parce que toutes les perfections – entendons toutes les perceptions claires – ne se valent pas.Leibniz prend en cela un exemple très parlant qu'il tire du Dictionnaire historique et critique de Bayle, concernant un artiste qui se présenta devant Alexandre le Grand.

Si celui-ci présente une grande perfection dans son art, cettedernière est bien peu importante au regard d'autres. Ce dernier était en effet très doué pour projeter à l'aide de sa bouche des pois qui venait s'empaler sur le pic d'uneaiguille.

Fort de cette performance, il se présenta à Alexandre le Grand pour lui faire part de son magnifiquespectacle.

Ce dernier, après avoir vu le prodige, le récompensa d'un boisseau de pois, le renvoyant par là àl'insignifiance de sa pratique.

Si l'artiste a ici une connaissance parfaitement claire de son exercice, de la manièredont il doit souffler le pois afin que de dernier s'empale sur le pic, ou passe par le trou d'une aiguille, on conviendraqu'il s'agit là de quelque chose d'insignifiant en regard du reste du monde.

Une perfection comme celle-ci ne fait paspartie des perfections qui peuvent être considérée comme nécessaire.

On comprendra par nécessaire desperfections qui englobent une plus grande considération du monde, une plus grande perspective pourrions-nous direen rapport avec ce qui fût dit plus haut. Une perfection comme celle du souffleur de pois comme l'appelle Bayle est une activité pour le moins le moins. »

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