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Les critères du juste sont-ils relatifs ?

Publié le 16/08/2004

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S'agit-il de le fonder sur l'idée de la justice et de régler les lois sur ses exigences ? Or, pour Pascal, les princes ignorent ce qu'est la justice universelle, et c'est cette thèse qu'il va tenter de démontrer dans ce texte.S'ils connaissaient une telle justice, en effet, ils n'auraient pas établi cette règle, « la plus générale de toutes celles qui sont parmi les hommes «, qui consiste à affirmer que « chacun suive les moeurs de son pays « et la conception de la justice que les traditions développent chacune en particulier.  Descartes lui-même, dans le Discours de la méthode, reprendra à son compte une telle règle, lorsqu'il adoptera une « morale provisoire « pour accompagner l'épreuve du doute : suivre les moeurs de son pays et les valeurs qu'elles établissent.Une telle règle, si communément admise, prouve que nul n'a pu déterminer la justice universelle, celle qui se serait imposée à tous les peuples avec l'évidence de la vérité. Si une telle vérité existait, elle aurait soumis tous les peuples, non par la contrainte qu'imposent les guerres, mais par la seule force de la reconnaissance « de la véritable équité «. Celle-ci se serait imposée d'elle-même, enracinée (« plantée «) dans le coeur des hommes et dans leurs États, en tout lieu et en tout temps.Or, l'histoire nous montre une « relativité « des conceptions du juste et de l'injuste qui parle d'elle-même. Ce qui est juste ici est considéré comme blâmable là et réciproquement. Ce qui est le bien en France (au-deçà des Pyrénées) est une erreur ou un vice en Espagne (au-delà des Pyrénées).

Dans ses deux acceptions, le juste se comprend toujours par la conformité ou la correspondance de nos actions à une norme de justice. Au niveau moral, tout d’abord, il désigne ce qui correspond à l’idée de la justice, à l’ordre moral ou au devoir. Au niveau juridique, ensuite, il consiste en ce qui est conforme au droit positif et à la légalité. Le juste, ainsi compris comme la conformité à une norme de justice, suppose nécessairement des critères. Le rôle de ces derniers est aussi bien évaluatif que sélectif : il s’agit de déterminer si une action est conforme ou non à la norme définissant la justice.

     On peut considérer que la relativité des critères du juste est fondée sur la relativité des normes de justice prises en compte. Par exemple, les lois ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre, de sorte qu’elles constituent des critères seulement relatifs du juste. De même chacun peut-il évaluer une action selon sa propre idée de la justice. Cependant, les critères du juste peuvent reposer sur une évaluation particulière sans nécessairement tomber dans la relativité, à partir du moment où ils restent subordonnés à une norme absolue de la justice. La jurisprudence nous en donne un bon exemple : un cas particulier n’est pas toujours compris sous une loi générale et fait appel à la propre évaluation du juge, qui définit ainsi une norme valant pour tous.  Par conséquent, notre problème consistera à déterminer si les critères du juste peuvent échapper à toute relativité normative.

 

« c'est l'appréciation du juge qui s'avère alors nécessaire.

Cette pratique de la justice consiste dans ce que l'onappelle couramment la jurisprudence.

Mais doit-on considérer ici que les critères du juste sont simplementrelatifs à la double particularité du cas et de l'instance de jugement (le juge) ? a. Les critères du juste ne reposent pas entièrement sur l'univocité de la loi, mais aussi sur l'appréciationindividuelle d'un cas particulier.

C'est là considérer à la fois une application de la loi et sa correction enfonction du cas.

Dès lors, la pratique jurisprudentielle s'apparente à une démarche délibérative qui prend encompte la loi et le cas.

Mais les critères du juste auxquels elle obéit ne sont pas particuliers, parce qu'ilsdéfinissent ce qui doit s'appliquer à tous les cas du même ordre.

Bien plus, on ne peut les considérer commesimplement relatifs, parce le jugement prononcé sur un cas particulier à une valeur absolue et universelle.Cependant, peut-on étendre notre raisonnement au système judiciaire, ou doit-on le restreindre à lajurisprudence ? b. Dans le chapitre intitulé « L'acte de juger », extrait de son ouvrage Le Juste , Paul Ricœur montre que la procédure délibérative définit en propre la justice.

En effet, un cas peut être compris sous la loi, maisnécessite aussi des critères d'évaluation pour être jugé correctement.

La loi est toujours générale, et sonapplication à un cas particulier demande toujours l'appréciation du juge et des avocats lors de la délibération.Dès lors, ce que nous avons dit des critères du juste doit s'étendre à toute pratique de la justice.

En effet,quel que soit le système judiciaire considéré, ces critères peuvent êtres particuliers et relatifs, puisque, d'unepart, ils s'appuient toujours sur l'absolu de la loi, et donnent d'autre part au cas particulier une valeuruniverselle. c. Conclusion Au terme de notre réflexion, les critères du juste ne se réduisent pas au relativisme du jugement.

En effet, ilsn'ont une valeur qu'universelle et absolue.

Un critère ne peut être juste, que s'il vaut pour tous, et échappe à laparticularité d'une évaluation personnelle.

Il est vrai que la pratique de la justice, qu'elle soit jurisprudentielle ou dedroit romain, suppose toujours l'appréciation d'un cas particulier par des individus.

Mais les critères du justenécessaires au jugement reposent toujours sur l'universalité de la loi, ou du cas, en ce qu'il vaut pour tous les cas. "Sur quoi [1e souverain] la fondera-t-il, l'économie du monde qu'il veutgouverner ? Sera-ce sur le caprice de chaque particulier ? Quelleconfusion ! Sera-ce sur la justice ? Il l'ignore.Certainement, s'il la connaissait, il n'aurait pas établi cette maxime, laplus générale de toutes celles qui sont parmi les hommes, que chacunsuive les moeurs de son pays ; l'éclat de la véritable équité qui auraitassujetti tous les peuples, et les législateurs n'auraient pas pris pourmodèle, au lieu de cette justice constante, les fantaisies et les capricesdes Perses et Allemands.

On la verrait plantée par tous les États dumonde et dans tous les temps, au lieu qu'on ne voit rien de juste oud'injuste qui ne change de qualité en changeant de climat [...].Plaisante justice qu'une rivière borne ! Vérité au-deçà des Pyrénées,erreur au-delà.De cette confusion arrive que l'un dit que l'essence de la justice estl'autorité du législateur, l'autre la commodité du souverain, l'autre lacoutume présente ; et c'est le plus sûr : rien, suivant la seule raison,n'est juste de soi ; tout branle avec le temps.

La coutume fait toutel'équité, par cette seule raison qu'elle est reçue ; c'est le fondementmystique de son autorité.

Qui la ramène à son principe, l'anéantit." Blaise Pascal, Pensées (1670). Ce que défend ce texte: Ce texte de Pascal s'ouvre sur une question qui s'adresse à tout gouvernant d'un État : sur quel principe celui-cidoit-il fonder l'organisation (« l'économie ») de la société qu'il veut gouverner ?S'agit-il de fonder le droit sur « le caprice de chaque particulier» ? Pascal rejette cette solution qui ne peut aboutirqu'à une confusion, celle qui résulte des désirs changeants et contradictoires de chacun, où nul gouvernement nepeut trouver sa cohérence.S'agit-il de le fonder sur l'idée de la justice et de régler les lois sur ses exigences ? Or, pour Pascal, les princesignorent ce qu'est la justice universelle, et c'est cette thèse qu'il va tenter de démontrer dans ce texte.S'ils connaissaient une telle justice, en effet, ils n'auraient pas établi cette règle, « la plus générale de toutes cellesqui sont parmi les hommes », qui consiste à affirmer que « chacun suive les moeurs de son pays » et la conceptionde la justice que les traditions développent chacune en particulier.

Descartes lui-même, dans le Discours de laméthode, reprendra à son compte une telle règle, lorsqu'il adoptera une « morale provisoire » pour accompagnerl'épreuve du doute : suivre les moeurs de son pays et les valeurs qu'elles établissent.Une telle règle, si communément admise, prouve que nul n'a pu déterminer la justice universelle, celle qui se seraitimposée à tous les peuples avec l'évidence de la vérité.

Si une telle vérité existait, elle aurait soumis tous lespeuples, non par la contrainte qu'imposent les guerres, mais par la seule force de la reconnaissance « de la véritableéquité ».

Celle-ci se serait imposée d'elle-même, enracinée (« plantée ») dans le coeur des hommes et dans leurs. »

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