Devoir de Philosophie

Les débuts de la pensée nietzschéenne

Publié le 21/03/2011

Extrait du document

Ayant, au commencement de sa vie intellectuelle, résolu de se vouer à la philologie et à ce qu'on pourrait appeler la philosophie de la philologie, Nietzsche consacre ses premiers efforts non seulement à de nombreuses recherches techniques, mais aussi à deux œuvres d'ensemble, qui, seules, peuvent ici retenir notre attention, L'Origine de la tragédie et Considérations intempestives.    Il se préoccupe d'établir ce que peut être une vraie culture. Il en trouve le modèle dans la Grèce antique. Il oppose cet idéal aux faiblesses de la société allemande contemporaine, en laquelle il découvre, cependant, des puissances de relèvement.    Il célèbre la grandeur, le charme de la Grèce antique. Dans sa conférence d'ouverture à l'Université de Bâle, il avait déclaré : « L'épée de la barbarie est suspendue sur la tête de tous ceux qui perdent de vue la simplicité ineffable et la noble dignité de l'hellénisme «. Dans la préface qu'il a écrite en 1886 pour une nouvelle édition de l'Origine de la tragédie, il proclame la race grecque « de toutes les races d'hommes la plus accomplie, la plus belle, la plus justement enviée, la plus séduisante, la plus exaltante «.

« L'homme qui rêve est un artiste.

L'esprit apollinien domine dans les arts plastiques, notamment dans la sculpture ;en Grèce, le sculpteur a représenté, après les avoir rêvées, les formes divines de créatures surhumaines.

L'espritapollinien anime aussi certaines formes de poésie.

Nietzsche cite un passage de Hans Sachs, dans les Maîtreschanteurs de Richard Wagner : « Ami, l'ouvrage véritable du poète Est de noter et de traduire ses rêves. Croyez-moi, l'illusion la plus sûre de l'homme S'épanouit pour lui dans le rêve : Tout l'art des vers et du poète N'est que l'expression de la vérité du rêve » Tout autre est l'illusion dionysienne.

C'est une ivresse, une extase, que les peuples primitifs cherchent dans lesnarcotiques ou en certaines danses collectives, ou bien qu'ils trouvent dans l'excitation amenée par le renouveauprintanier pénétrant de joie la nature entière.

Ici s'effondre le principe d'individuation : l'homme se sent identique àtout ce qui vit et souffre, une parcelle de la Volonté éparse dans tout l'univers» Alors se brisent les barrières que lafortune et la misère, l'arbitraire, la mode insolente ont élevées pour séparer les hommes : chacun se sent réconciliéavec son prochain, fondu à lui, identique à lui ; c'est « l'évangile de l'harmonie universelle ».

L'homme ne s'unit passeulement à l'homme, mais à la nature tout entière, et il participe à son éternité.

Le char de Dionysos disparaît sousles fleurs et les couronnes ; des panthères et des tigres s'avancent subjugués.

Que l'on métamorphose en untableau l'Hymne à la joie qui termine la neuvième symphonie de Beethoven, que l'on se représente des millionsd'êtres enlacés et frémissant du même enthousiasme, on aura une image de l'ivresse dionysienne. Ici disparaît cette mesure qui caractérisait l'esprit apollinien.

La surabondance de vie échappe à toute règle, à toutelimite.

Elle ne recule devant aucune négation, aucune destruction.

La joie de vivre peut entraîner la joie d'anéantir.Cependant l'ivresse des Grecs dionysiens ne ressemblait pas à celle des Barbares dionysiens.

Chez ceux-ci sedéchaînait la bestialité de la nature ; elle aboutissait à un mélange horrible de licence sensuelle et de cruauté.

Chezles Hellènes apparaît « le joyeux délire de l'art...

La destruction du principe d'individuation devient un phénomèneartistique ». Sous l'influence de l'esprit dionysien, l'homme « se sent Dieu ».

Son allure est aussi noble que celle des Dieux qu'il avus dans ses rêves.

« L'homme n'est plus artiste, il est devenu œuvre d'art ».

En lui se révèle la puissanceesthétique de la nature entière.

Il danse ; il chante.

L'art qui correspond surtout à l'esprit dionysien, c'est lamusique ; — la musique, dans laquelle Schopenhauer voyait, à juste titre, l'art révélant la réalité profonde,manifestant l'essence de l'être. * * * Comme la dualité des sexes engendre la vie, l'union de l'esprit apollinien et de l'esprit dionysien a produit l'art grec,tout particulièrement la tragédie. La tragédie grecque a pour origine un chœur de satyres.

Le satyre est l'esprit de la nature ; il symbolise à la fois latoute-puissante fécondité de la vie, et l'ardeur des instincts humains.

Il est « sublime et divin ». Le chœur de satyres agit sur le spectateur par la danse et la musique.

Il le conduit à sentir le contraste entre lavérité de la nature et le mensonge de la civilisation, à rejeter les faux ornements de la culture, à vouloir la nature ensa vérité et sa puissance.

Saisi d'allégresse, le spectateur oublie son individualité particulière, il se sentmétamorphosé en satyre.

Quand tous les cœurs battent à l'unisson, en proie au même délire sacré, alors apparaîtDionysos.

Transformé en satyre, le spectateur, en tant que satyre, contemple le Dieu.

Cette contemplation aboutità une suite d'images, c'est-à-dire à une vision apollinienne. La tragédie grecque, c'est « le choeur dionysien, dont les effusions débordantes s'épanouissent sans cesse envisions apolliniennes ». La tradition nous apprend que la tragédie grecque, sous ses formes les plus anciennes, avait pour seul hérosDionysos, pour unique objet ses souffrances.

Dionysos, massacré, dans son enfance, et mis en pièces par lesTitans, peut symboliser l'unité de la nature déchirée entre individus multiples.

La mère de Dionysos, Déméter, estdans le deuil : elle retrouve la joie en apprenant qu'elle pourra enfanter une fois encore Dionysos.

L'art nous révèleque l'individuation est la cause première du mal ; mais il exprime aussi l'espoir joyeux qu'un jour l'être s'affranchira dujoug de l'individuation, retrouvera l'unité. Après les premières formes de tragédie, consacrées au seul Dionysos, des héros apparaissent, Prométhée, Œdipe,etc.

Mais, jusqu'à Euripide, ces personnages souffrant et luttant ne sont que les masques de Dionysos : chacun. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles