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Les faits parlent-il d'eux-mêmes ?

Publié le 21/03/2005

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La vraie philosophie scientifique n'est ni exclusivement idéaliste ni exclusivement réaliste. Elle est dialectique. L'hypothèse est proposée pour résoudre une contradiction entre telle ancienne théorie et les faits qui la démentent. A son tour l'hypothèse vérifiée pourra être mise en cause par la découverte de faits inédits qui entrent à titre de problème dans la dialectique expérimentale qui se poursuit sans fin. Comme le dit Husserl : « C'est l'essence propre de la science, c'est a priori son mode d'être, d'être hypothèse à l'infini et vérification à l'infini. » ·        « ... L'observation scientifique est toujours une observation polémique, elle confirme ou infirme une thèse antérieure.. » Il n'est pas tout à fait vrai de dire que la science part des faits. Si loin qu'on recule dans l'histoire de l'humanité on retrouve autour des faits des mythes qui prétendent les expliquer. Il n'y a pas dit Bachelard « des vérités premières », il n'y a que des « erreurs premières ».

« idées ne sont jamais, comme dit Hume, que des « copies de nos impressions sensibles ».

Non seulement l'expérience est la sourcede nos idées mais encore elle explique l'association de ces idées entre elles, cad lefonctionnement de notre esprit.

Qu'il s'agisse d'association par ressemblance (deux idéess'appellent l'une l'autre quand leurs objets ont été donnés de nombreuses fois soit l'un à côté del'autre, soit l'un après l'autre).

C'est toujours dans des expériences antérieures et répétées quese trouve la raison de ces associations. Les faits sont réelsIntellectuellement, je peux douter de tout.

Mais comme le fait remarquer Diderot dans sesPensées philosophiques, il suffit de quelques bons coups de bâton pour convaincre l'irréductiblesceptique qu'il a un corps, que la douleur physique n'est pas une simple vue de l'esprit, qu'il y aune différence entre un coup de fouet et la caresse d'une plume. [Les faits, par eux-mêmes, sont des phénomènes muets.

C'est l'intelligence humaine qui, en les questionnant,en les mettant en relation les uns avec les autres, parvient à en extraire des éléments de connaissance.] Le fait est un fait sans causeToute connaissance constitue un ensemble de données logiquement organisées.

Aussi, connaître n'est pas constater.

Je constateque la terre tremble.

Le géologue, se référant à la tectonique, expliquera la cause de ce phénomène.

Cette cause est extérieure aufait lui-même.

Il ne livre jamais, en se produisant, les éléments qui le rendent intelligible. Dans son « Introduction à l'étude de la médecine expérimentale » (1865), Claude Bernard caractérise la démarche expérimentale comme un processus qui comporte trois moments : § L'observation .

Le savant constate purement et simplement le phénomène qu'il a sous les yeux.

Il doit observer sans idée préconçue, en évitant toute erreur, en faisant usage des instruments qui pourront l'aider à rendre son observation pluscomplète.

Photographe passif des phénomènes, l'observateur « écoute la nature et écrit sous sa dictée ». § L'interprétation ou hypothèse .

Le fait constaté et le phénomène bien observé appellent l'idée. § L'expérimentation .

Le savant institue une expérience qui puisse confirmer ou infirmer l'hypothèse.

L'expérience n'est qu'une « observation provoquée ou préméditée dans le but de vérifier la validité d'une hypothèse ». Claude Bernard montre bien que, sans hypothèse, il n'existe pas de méthode expérimentale.

Une idée anticipée est le point de départ de tout raisonnement expérimental.

Sans cela, le savant ne pourrait qu'accumuler des observations stériles.

Maisd'un autre côté, Bernard affirme que l'observateur doit, sous peine de prendre les conceptions de son esprit pour la réalité, éviter toute idée préconçue et enregistrer passivement les phénomènes.

Le développement des sciences expérimentalesamènera Bachelard à s'opposer à cette idée de passivité de l'observateur. Une des grandes découvertes de Bernard lui-même, la fonction glycogénique du foie, nous en fournira le bon exemple.

Les théories en vigueur divisaient le monde vivant en deux règnes distincts : les végétaux, qui produisent le sucre, et lesanimaux, qui le consomment et en tirent leur énergie.

Or, Bernard découvre du sucre dans le sang de chiens nourris exclusivement de viande.

L'organisme animal produit donc par lui-même du sucre et c'est dans le foie que Bernard localisera cette production.

Il semble bien ici, conformément à ce que dit Bernard , que c'est un fait –la découverte de sucre dans le sang de chiens nourris exclusivement de viande- qui provoque l'hypothèse de la fonction glycogénique du foie.

Mais ce n'estqu'une apparence.

Car ce fait ne peut faire naître une telle hypothèse que parce qu'il est problématique, ou, comme le disaitLouis de Broglie , « polémique ».

Et s'il est problématique qu'en regard des théories antérieures admises.

Si aucune théorie n'avait soutenu la thèse de la production exclusivement végétale du sucre, le fait de la découverte d'un sucre animal n'auraitposé aucun problème et fait naître aucune hypothèse.

L'hypothèse naît donc d'un problème et le problème dépend lui-mêmedirectement d'un contexte théorique. Illustrons plus précisément cette idée par un exemple emprunté cette fois à la physique.

Qu'est-ce qui conduisit Newton à la formulation de la théorie de la gravitation universelle ? La pomme que, paraît-il, il reçut sur la tête n'explique évidemmentrien, mais on peut remarquer qu'ici comme souvent la légende de la science rejoint l'inductivisme en invoquant les « faits », fussent-ils imaginaires, à l'origine de la théorie.

Il faut en vérité comprendre la nature des problèmes que la physique dutemps de Newton pouvait se poser, et leurs présupposés théoriques.

Pour ce faire, un aperçu de l'histoire des théoriesphysiques du mouvement n'est pas inutile. Pour l'antiquité grecque, avec Aristote , le mouvement est par nature passager, transitoire.

Son essence est de finir.

Ce n'est pas un état de la matière.

L'univers n'est en ordre qu'à l'état de repos.

Le mouvement est alors l'indice d'un désordre –soitcomme la cessation de l'état naturel d'ordre (lancer une pierre en l'air)- soit comme tendance à rétablir l'ordre naturel (quandla pierre retombe).

Cette théorie semble, il faut le souligner, tout à fait correspondre à certaines données évidentes del'expérience : chacun peut constater qu'aucun mouvement ne dure indéfiniment.

A partir du XVII ième siècle, les théoriesmodernes du mouvement vont promouvoir celui-ci au rang de passage à celui d'état.

Leur principe fondamental est le principed'inertie, selon lequel un corps a tendance à conserver tout état nouveau qui lui est communiqué : lorsqu'un corps enmouvement s'arrête, c'est donc dû, non comme le croyait Aristote à des causes inhérentes, mais à des facteurs extérieurs, tels les frottements, la résistance de l'air, etc.. »

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