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Les historiens ne se bornent-ils pas à raconter des histoires ?

Publié le 17/01/2022

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Sur ce point, on se référera, pour être convaincu, au bel ouvrage de F. Braudel : La Méditerranée et le Monde méditerranéen à l'époque de Philippe II. Cette discussion des différentes façons d'écrire l'histoire repose sur une philosophie de l'histoire : les hommes sont-ils les agents, les acteurs ou les auteurs de l'histoire ? Quel est le moteur de l'évolution historique ? Le marxisme est assurément une illustration significative de cette articulation entre histoire et philosophie de l'histoire. L'historiographie marxiste met en évidence le rôle des structures économiques et des rapports sociaux impliqués en elles. Cette conception relève de la philosophie du matérialisme historique et dialectique. La production des biens économiques détermine les rapports sociaux et au-delà, les institutions politiques, la religion, l'art... L''infrastructure' socio-économique conditionne la 'superstructure' idéologique, explique Marx dans L'Idéologie allemande.

L'historien brode autour du passé des histoires. Il est impossible, à des siècles d'intervalle, de connaître en détail la psychologie des individus, des peuples et des personnages qui ont marqué le passé. Mais, l'historien ne s'intéresse pas aux détails. Il ne raconte pas d'histoires. en homme de science, il cherche à dégager des lois, des constantes, des principes d'ensemble.

« combinaison des faits pour faire une histoire, ne sont des données brutes : ils sont construits par l'historien.

Ceci dit, comment s'élabore la méthode supposée scientifique de l'historien ? Sous peine de verser dans élucubration imaginaire, l'historien professionnel, pour accéder à une connaissancevraie des faits, travaille sur tous les matériaux à sa portée : textes qui sont d'ailleurs déjà eux-mêmes historiques,interprétations subjectives, objets, monuments, etc.

Il use alors d'une ‘méthode critique', pour reprendre l'expressionde Langlois et de Seignobos, in Introduction aux études historiques. Celle-ci est d'abord ‘externe' portant sur l'intégrité et l'authenticité des documents ; l'historien s'assure qu'il n'est pas en présence d'un faux, d'unecontrefaçon ou d'une interpolation.

Cette critique ‘externe' se complète par une critique ‘interne' qui vise à sonder lasincérité des documents, à mesurer la concordance entre les diverses sources, de tester la vraisemblance destémoignages, etc.

Cette méthodologique pour vérace est-elle n'en demeure pas moins fondée sur des partis pris etdes postulats qui affectent gravement la nature et l'extension des champs d'études.

Certes, l'historien ne se bornepas à raconter des histoires, comme s'il les trouvait toutes faites dans l'histoire.

Il faut ici démonter une vue naïvequi s'imaginerait qu'il y aurait d'abord l'Histoire, c'est-à-dire une série réelle d'événements, et que l'histoire commeconnaissance établirait une représentation de l'Histoire.

De vrai, c'est plutôt l'inverse qui répond au travailhistorique : c'est en écrivant l'histoire que l'historien construit la réalité historique.

N'est-ce pas dire que l'histoireest une pure fiction ? Si une double distance sépare l'historien de l'histoire, celle des faits réels aux sources relativesaux faits, celle des sources à la construction de l'histoire, ne faut-il pas conclure que l'histoire n'est qu'une manièrede nous raconter des histoires ? Une berceuse pour justifier un certain passé (Inquisition, colonisation, etc.) ! Unefois de plus la différence apparaît mince entre le récit historique et le roman historique.

Lorsque le romancier M.Tournier décrit, dans Gilles et Jeanne, la rencontre ‘possible' entre Gilles de Rée et Jeanne d'Arc en complétant par une vue fictive les faits proprement historiques, comment sans le savoir le lecteur pourrait-il dissocier la partimaginaire de la part réelle ? Que l'on lise Les Sorcières de Michelet.

En raison de la minutie des détails, de sa manière de décrire, tout se passe comme si notre historien avait vraiment vécu les faits.

Si l'histoire n'est pas ‘ larésurrection intégrale du passé ' (Michelet), elle n'est pas davantage une pure mythologie.

Incontestablement, unedimension fictionnelle s'insinue dans tout travail historique, ce qui ne signifie pas que la connaissance historique soitpure imagination.

Mais alors quelles conceptions de l'histoire guident le travail de l'historien ? Si l'historien n'inventepas la réalité qu'il raconte, comment peut-il dégager une synthèse historique ? Comment l'historien, somme toute, travaille-t-il ? Pour que l'oeuvre de l'historien ne soit pas simple fiction créée par la subjectivité de l'historien, il faut soumettre le choix, les hypothèses, les orientations de l'histoire àl'épreuve des faits.

L'historien ne se contente pas de raconter, car il doit toujours vérifier ce qu'il avance.

Se lèveune circularité par laquelle l'histoire se soustrait au mythe : l'historien élabore les faits, mais en retour les faitssanctionnent cette élaboration.

Sans cette réciprocité, on substitue à l'histoire des histoires qu'on se raconte.L'histoire n'est plus pure épopée romanesque Ce va-et-vient permanent est la matière même du travail de l'historien. L'historien s'oriente selon différentes approches pour lesquelles ‘raconter des histoires' n'est qu'une manière de fairede l'histoire.

Si le travail de l'historien se plie à la vérification, il est conduit par l'idée qu'il se forge de ce qu'ilcherche dans l'histoire.

Or, cette approche n'est pas unique.

Il existe une multiplicité de faire de l'histoire, lesmanières d'écrire l'histoire ont elles-mêmes une histoire ! Et ‘raconter des histoires' n'est pas la plus judicieuse etpertinente.

Faut-il privilégier l'histoire dite ‘événementielle' au détriment de l'histoire ‘structurale' ? Par exemple, onpeut étudier la Révolution française en décrivant minutieusement la consécution des événements qui la constituent.On peut à l'inverse en rechercher les causes profondes : nature de l'Ancien Régime, rôle des idées, notamment laphilosophie des Lumières, réalités économiques et sociale.

Ainsi, l'école des Annales — courant qui s'impose enFrance dès les années trente qui tient son nom à la revue où s'exprimaient les historiens de cette tendance —destituera l'événement de son statut primordial.

L'historien entre alors en ‘profondeur', dira L.

Febvre, dansl'épaisseur historique en exhumant les dimensions de la vie quotidienne, les mouvements de longue durée...important plus que la chronologie des faits touchant la vie politique.

Pour F.

Braudel, notamment dans Écrits sur l'histoire, l'histoire événementielle se tient à la surface de la réalité historique.

Sous ‘l'écume de l'histoire', dira élégamment un historien contemporain, G.

Duby, on peut relever d'abord des mouvements de fonds, puis unehistoire sociale, c'est-à-dire celle des groupes (économie, État, société civile, civilisation, etc.) ; enfin, une histoirequasi-immobile telle que l'histoire géographique relative aux rapports entre l'homme et son milieu naturel.

Sur cepoint, on se référera, pour être convaincu, au bel ouvrage de F.

Braudel : La Méditerranée et le Monde méditerranéen à l'époque de Philippe II .

Cette discussion des différentes façons d'écrire l'histoire repose sur une philosophie de l'histoire : les hommes sont-ils les agents, les acteurs ou les auteurs de l'histoire ? Quel est le moteurde l'évolution historique ? Le marxisme est assurément une illustration significative de cette articulation entrehistoire et philosophie de l'histoire.

L'historiographie marxiste met en évidence le rôle des structures économiques etdes rapports sociaux impliqués en elles.

Cette conception relève de la philosophie du matérialisme historique etdialectique.

La production des biens économiques détermine les rapports sociaux et au-delà, les institutions. »

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