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« Les livres sont de précieux auxiliaires. On peut lire pour se cher¬cher ou pour s'oublier. » Commentez et discutez cette pensée.

Publié le 15/09/2014

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Mais est-il bien juste de voir dans les exemples que nous venons de citer des cas d'oubli de soi ? Pour s'oublier, il faut d'abord avoir été soi, c'est-à-dire avoir agi suivant ses aspirations profondes et mené une vie conforme à son idéal. Or l'employée comme l'élève médiocre se livrent à un travail qui leur est imposé et qui contredit leurs tendances natu­relles. A plus forte raison ne suis-je pour rien dans le malheur qui m'atterre : en cherchant à m'en distraire, ce n'est pas moi que je tâche d'oublier; au contraire, j'espère me retrouver; pour cela, je m'efforce d'écarter l'obstacle à la vie que j'ambitionne et, faute de mieux, je me crée une existence de rêve qui compense les déceptions éprouvées dans l'existence réelle.

« 22 INTRODUCTION * * * Qu'on lise pour s'oublier, à première vue il pourrait paraître inutile de le dire et de l'expliquer : le fait n'est-il pas des plus courants ? Celui qu'a frappé un grand malheur personnel comme la mort d'un être très cher ou un grand malheur coUectif comme le désastre militaire de 1940, reste, durant quelques jours, comme abasourdi par l'événement imprévu, obsédé par l'immensité de la perte qu'il a subie.

Pour sur­ monter cette obsession, il prend un livre, le plus souvent un roman : s'il parvient à s'y intéresser, des représentations nouvelles se feront peu à peu une petite place dans sa conscience obstruée, rejetant dans l'oubli les pensées auxquelles elles se substituent.

Sans doute, quand l'àme est profondément ulcérée, l'oubli est diffi­ cile : il faudrait être bien léger pour qu'une soirée de lecture puisse distraire du souvenir de la perte d'une mère très aimée ou même d'un ami de cœur.

Mais il n'en est pas de même pour les événements de la vie ordinaire : un petit livre captivant trompe l'ennui des journées inoc­ cupées, remplit le vide d'une existence sans histoire, permet de prendre sa revanche d'occupations sans intérêt.

Dans le métro ou dans l'autobus qui la ramène chez elle, la petite employée s'absorbe dans le roman qui lui fait vivre une existence senti­ mentale ou tragique et oublier la banalité de journées remplies d'occupa­ tions monotones.

C'est encore, semble-t-il, pour oublier un travail sans intérêt pour lui que l'écolier bâcle sa nrsion latine ou son devoir de mathématiques et se plonge dans un roman d'aventures qu'il vit inten­ sément.

Mais est-il bien juste de voir dans les exemples que nous venons de citer de,s cas d'oubli de soi ? Pour s'oublier, il faut d'abord avoir été soi, c'est-à-dire avoir agi suivant ses aspirations profondes et mené une vie conforme à son idéal.

Or ! 'employée comme l'élève médiocre se livrent à un travail qui leur est imposé et qui contredit leurs tendances natu­ relles.

A plus forte raison ne suis-je pour rien dans le malheur qui m'atterre : en cherchant à m'en distraire, ce n'est pas moi que je tâche d'oublier; au contraire, j'espère me retrouver; pour cela, je m'efforce d'écarter l'obstacle à la vie que j'ambitionne et, faute de mieux, je me crée une existence de rêve qui compense les déceptions éprouvées dans l'existence réelle.

On ne lit donc pas pour s'oublier, mais pour oublier les choses on les événements qui nous empêchent d'être nous et de vivre notre vie.

Nous pouvons déclarer, appliquant à l'oubli la célèbre réflexion de RoYER­ CoLLARD sur le souvenir : on ne s'oublie pas soi-même; on n'oublie que les choses.

Même quand on semble lire pour s'oublier, on se cherche.

L'employée et l'écolier, lorsqu'ils reprennent le roman interrompu par des occupations que leur imposent la nécessité de gagner leur vie ou '1a volonté des parents, n'ont pas l'impression de se perdre mais, au contraire, de se retrouver.

* * * On lit donc pour se chercher.

~fois il est diverses façons de se cher­ cher : on se cherche pour apprendre à se connaître et savoir qui on est; on se cherche aussi pour réaliser ce qu'on aspire à être.. »

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