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Les mathématiques, modèle d'intelligibilité ?

Publié le 14/03/2004

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En mathématiques, la certitude est requise Tous ceux, écrit Descartes (1596-1650), qui sont versés dans la géométrie savent «qu'il ne s'y avance rien qui n'ait une démonstration certaine» (Méditations métaphysiques, 1641) : aussi, les mathématiques, déclare-t-il, l'ont-elles, d'emblée, attiré, «à cause de la certitude et de l'évidence de leurs raisons» (Discours de la méthode, I - 1637). Il n'en va pas de même en philosophie, où chacun s'estime compétent : et, comme le notait déjà Cicéron, «il n'est rien de si étrange ni de si peu croyable qui n'ait été soutenu par quelque philosophe» (De la divination, II, 58).Chapelles philosophiques et consensus des mathématiciens La pluralité des doctrines philosophiques suffit amplement à prouver l'insuffisance de chacune d'entre elles : «en tout temps, écrit Kant, une métaphysique a contredit l'autre pour ce qui est, soit des affirmations, soit de leurs preuves et a ainsi détruit elle-même sa prétention à une durable approbation» (Prolégomènes à toute métaphysique future qui voudra se présenter comme science, 1783).  Au lieu qu'en géométrie, on peut présenter sans difficulté les Éléments d'Euclide (IIIe siècle av. J.-C.), et dire : voici de la géométrie. Objectivité du mathématicienAutre motif de l'intérêt que sa science peut susciter chez le philosophe : le mathématicien ne semble pas éprouver de passion relativement à l'objet qu'il étudie. Sa discipline paraît indifférente aux idéologies. Ainsi, lorsque Spinoza (1632-1677) déclare vouloir traiter des actions humaines «comme s'il était question de lignes, de surfaces et de solides» (Éthique, III - 1677), il veut signifier par là qu'il entend rendre compte objectivement de celles-ci, sans les railler, ni les déplorer, mais en tâchant, tout simplement, d'en acquérir une connaissance vraie.

« sur un objet (par exemple la géométrie étudie des figures dans l'espace) mais de telle sorte que le mathématicienconstruit a priori son objet et n'en « dégage que ce que lui-même y fait entrer par la pensée »; enfin la physique quisuppose l'expérience, mais une expérience ordonnée, rationalisée par des concepts de sorte que « la raison prendles devants avec les principes qui déterminent ses jugements selon des lois constantes et force la nature àrépondre à ses questions ».

En logique, en mathématiques, en physique tous les esprits compétents parviennent àun accord, aboutissent aux mêmes théorèmes, ou au mêmes lois; et cet accord est un signe ou tout au moins unesolide présomption de vérité.

Mais que dire de la métaphysique?(Explication et commentaire)...

La métaphysique qui consiste dans des connaissances rationnelles spéculatives...

Expliquons ces termes quicernent le champ de la métaphysique avec rigueur.

Bien que la métaphysique soit apparentée à la religion par sonobjet (il s'agit de l'âme, du monde comme totalité, de Dieu) elle en diffère par sa méthode.

La religion repose sur larévélation (c'est-à-dire sur le témoignage des textes sacrés) alors que la métaphysique prétend nous enseigner parles seules forces de la raison ce que sont l'âme, le monde et Dieu.

Les prétendues connaissances métaphysiquessont des connaissances rationnelles.

C'est la prétention de la raison à connaître l'absolu que Kant va soumettre à sacritique.

Précisons encore qu'il s'agit de connaissances spéculatives, théorétiques qui se proposent simplement dedéterminer leur objet, tandis qu'une discipline pratique (et non spéculative) comme la morale veut réaliser son objet,traduire dans une action concrète une idée de la raison. ...

La métaphysique qui s'élève au-dessus des instructions de l'expérience en ne s'appuyant que sur de simplesconcepts (et non pas comme les mathématiques en appliquant ces concepts à l'intuition).Rappelons que pour Kant il y a trois sortes de jugements : Des jugements analytiques qui sont a priori (quand je disque les corps sont étendus il me suffit pour trouver l'étendue d'analyser le concept de corps : l'étendue s'y trouveimpliquée) des jugements synthétiques a posteriori (quand je dis cette boîte est rouge le prédicat rouge ne sauraitêtre tiré du concept général de boite; ce jugement est synthétique et ne peut être posé qu'après l'expérience etselon l'instruction de l'expérience) et enfin des jugements synthétiques a priori.

Par exemplequand je dis que la somme des angles du triangle vaut deux droits ou que l'âme est immortelle, j'attribue au triangleet à l'âme des propriétés qui enrichissent leur concept (synthétiques) et qui cependant ne sont pas données dansl'expérience (a priori).

Pour affirmer que la somme des angles du triangle vaut deux droits, en effet, je n'ai pas eubesoin de consulter l'expérience, de mesurer chacun des trois angles avec un rapporteur et d'en faire la somme.

Carj'ai démontré le théorème au lieu de constater un résultat empirique.

En ce sens une proposition mathématique (lasomme des angles du triangle) et une proposition métaphysique (l'âme est immortelle) s'élèvent l'une et l'autre « au-dessus des instructions de l'expérience ».

Elles sont l'une et l'autre des jugements synthétiques a priori.

Cependantelles diffèrent sur un point qui suffit à fonder la légitimité des mathématiques et à montrer le vide de la prétendueconnaissance métaphysique.

C'est que les mathématiques supposent non seulement des concepts a priori, mais uneintuition de l'espace qui est une « forme a priori de notre sensibilité » c'est-à-dire un cadre universel, et nécessairede notre faculté humaine de perception.

Le géomètre, par exemple, qui construit à partir de concepts, de définitionsdes figures dans l'espace, « applique les concepts à une intuition ».

Or la métaphysique ne repose que sur desconcepts.

Nous n'avons en effet d'intuitions que sensibles.

Nous ne connaissons le monde que réfracté à travers lescadres subjectifs de l'espace et du temps.

Nous ne connaissons que des « phénomènes ».

L'absolu, le «noumène»échappe aux prises de notre connaissance spéculative.

Certes, l'entendement (Verstand) grâce à ses catégoriespeut « épeler les phénomènes », peut mettre de l'ordre dans les apparences et construire une science.

Mais au-delàde ce « rêve bien lié » la connaissance est impuissante.

Si la raison (Vernumft) veut poursuivre son effort de liaisonet d'unification au-delà de l'expérience sensible elle ne rencontre que le vide.

Le métaphysicien est pareil à unecolombe naïve qui sentant dans son vol la résistance de l'air « pourrait s'imaginer qu'elle volerait bien mieux encoredans le vide ».

Ainsi Platon veut-il évacuer l'obstacle du sensible et voyager « sur les ailes des idées dans lesespaces vides de la raison pure ».

C'est là une ambition chimérique....

La métaphysique est plus vieille que toutes les autres sciences et elle subsisterait toujours alors même quecelles-ci disparaîtraient toutes ensemble dans le gouffre de la barbarie...II suffit de lire la première partie de la Critique de la raison pure, l'Esthétique transcendantale, pour comprendre quela métaphysique est vouée à l'échec ; cet échec vient du fait que toutes nos intuitions sont des intuitionssensibles, que nous n'avons pas d'intuitions intellectuelles, que nous ne connaîtrons jamaisque des phénomènes.

Mais dans la troisième partie de la Critique, c'est-à-dire dans la Dialectique transcendantale,ainsi d'ailleurs que dans les Prolégomènes, Kant pose un autre problème.

Comment se fait-il que les hommescontinuent toujours à faire de la métaphysique? La critique kantienne elle-même n'arrêtera pas l'essor de lamétaphysique.

Elle n'empêchera pas le développement des métaphysiques post-kantiennes.

Les systèmes de Fichte,de Schelling, de Hegel, en sont la preuve.

Ces systèmes n'auraient pas surpris Kant : « La métaphysique subsisteratoujours.

» Dans le paragraphe 4 des Prolégomènes; Kant compare la métaphysique à l'écume qui se forme au-dessus de la vague, une écume qui se reforme toujours même si on veut l'épuiser, une écume « que les unsrecueilleraient toujours aussi avidement tandis que d'autres au lieu de chercher la cause dans les profondeurs sefigureraient être sages parce qu'ils railleraient l'inutile effort des premiers».

Pour Kant, il ne s'agit donc passeulement de réfuter les illusions métaphysiques, il faut rendre compte de leur persistance, en chercher « la causedans les profondeurs ».

II ne suffit pas de montrer que la métaphysique est une illusion il faut découvrir la racine del'illusion métaphysique.

La métaphysique apparaît comme une disposition naturelle et invincible de la raison humaine.Elle n'est pas comme beaucoup de philosophes du XVlll e siècle le pensaient d'origine affective, liée au besoin decroire, à l'inquiétude humaine.

La métaphysique est un besoin de la raison qui poursuit sans cesse au-delà de touteexpérience possible son entreprise d'unification des concepts : Elle cherche — et ne peut s'empêcher de chercher -l'unité de toutes mes pensées dans l'idée de l'âme substance, elle cherche à unifier toute la série des conditions desphénomènes donnés dans l'idée de monde.

Elle veut déterminer tous les concepts par rapport à un concept suprêmequi les contienne tous et qui est Dieu.

Ces trois idées de l'âme du monde et de Dieu, qui résultent de liaisons. »

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