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LES MYTHES SELON BERGSON

Publié le 24/03/2015

Extrait du document

mythes

Bergson préfigure ici les analyses de toute une école de spécia-listes de la mythologie. L'école culturaliste américaine, notam-ment avec Kardiner, tout en s'inspirant de la psychanalyse, retrouve en fait avec son point de vue fonctionnaliste (et sans se référer expressément à l'auteur des Deux sources) la théorie bergsonienne de la fonction fabulatrice. Pour Kardiner les besoins et les angoisses de la « personnalité de base « s'expriment obscurément et en même temps se rassurent dans les produits foisonnants de l'imagination mythologique. Bergson a bien vu la liaison étroite entre l'imagination et la croyance. La clef de cette liaison naturelle c'est la fonction fabulatrice dont le rôle est comme on dit aujourd'hui de nous « sécuriser «. On doit cependant remarquer que Bergson a curieusement limité le champ de cette fonction fabulatrice. On la trouve à l'oeuvre dans la mythologie et d'une façon atténuée dans les productions de l'imagination artistique (qui jouent aussi un rôle de compensation). Bergson en exclut le rêve et c'est dom¬mage car s'il avait appliqué cette méthode en 1901 dans son étude du rêve il aurait, en même temps que Freud, fait une découverte essentielle qu'il a manquée. Il est frappant de constater que pour Bergson, le rêve, au contraire du mythe, n'a pas de sens, n'a pas de fonction. Les exigences de l'action, présentes au coeur de la perception vigile, se taisent dans le rêve. « Rêver c'est se désintéresser. « Les images du passé reviennent en désordre dans le rêve, leur succession n'a plus aucun sens, aucune fonction biologique. Bergson qui a si bien montré que les mythes avaient un rôle psychologique et biologique, étaient au service de besoins vitaux, a ignoré que les rêves eux aussi représentaient, comme l'a bien vu Freud, la « satisfaction d'un désir «. La théorie bergsonienne du rêve est dépassée tandis que sa théorie du mythe est encore d'un intérêt actuel. Le concept de «fonction fabulatrice « était plus fécond que Bergson ne le supposait car il peut et doit s'appliquer à toutes les formes de l'imagination.

TEXTE

« ... Laissons de côté l'imagination qui n'est qu'un mot et consi­dérons une faculté bien définie de l'esprit, celle de créer des personnages dont nous nous racontons à nous-mêmes l'histoire. Elle prend une singulière intensité de vie chez les romanciers et les dramaturges... Ils nous font toucher du doigt l'existence... d'une faculté spéciale d'hallucination volontaire... La même faculté entre en jeu chez ceux qui sans créer eux-mêmes des êtres fictifs s'intéressent à des fictions comme ils le feraient à des réalités. Quoi de plus étonnant que de voir des spectateurs pleurer au théâtre ?... Comment les psychologues n'ont-ils pas été frappés de ce qu'une telle faculté a de mystérieux ? On répondra que toutes nos facultés sont mystérieuses en ce sens que nous ne connaissons le mécanisme intérieur d'aucune d'elles. Sans doute, mais s'il ne peut être question ici d'une reconstruction mécanique, nous sommes en droit de demander une explication psychologique. Et l'explication est en psychologie ce qu'elle est en biologie ; on a rendu compte de l'existence d'une fonction quand on a montré comment et pourquoi elle est nécessaire à la vie... Nous passons sans peine du roman d'aujourd'hui à des contes plus ou moins anciens, aux légendes, à la mythologie.

 

Ici nous touchons à... une exigence fondamentale de la vie ; cette exigence a fait surgir la faculté de fabulation ; la fonction fabulatrice se déduit... des conditions d'existence de l'espèce humaine. Posez l'espèce humaine, c'est-à-dire le saut brusque par lequel la vie qui évoluait est parvenue à l'homme individuel et social ; du même coup vous vous donnez l'intelligence fabri­catrice et par suite un effort qui se poursuivra, en vertu de son élan, au-delà de la simple fabrication pour laquelle il était fait, créant ainsi un danger. Si l'espèce humaine existe, c'est que le même acte par lequel était posé l'homme avec l'intelligence fabricatrice, avec l'effort continué de l'intelligence, avec le danger créé par la continuation de l'effort, suscitait la fonction fabu­latrice. «

 

(Henri Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion, chap. II.)

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une exigence fondamentale de la vie ; cette exigence a fait surgir la faculté de fabulation ; la fonction fabulatrice se déduit ...

des conditions d'existence de l'espèce humaine.

Posez l'espèce humaine, c'est-à-dire le saut brusque par lequel la vie qui évoluait est parvenue à l'homme individuel et social ; du même coup vous vous donnez l'intelligence fabri­ catrice et par suite un effort qui se poursuivra, en vertu de son élan, au-delà de la simple fabrication pour laquelle il était fait, créant ainsi un danger.

Si l'espèce humaine existe, c'est que le même acte par lequel était posé l'homme avec l'intelligence fabricatrice, avec l'effort continué de l'intelligence, avec le danger créé par la continuation de l'effort, suscitait la fonction fabu­ latrice.

" (Henri Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion, chap.

I 1.) COMMENTAIRE a) Présentation du texte Bergson a abordé plusieurs fois dans son œuvre le problème de l'imagination créatrice.

Dans Le Rire il s'interrogeait sur l'essence de l'art.

Le 26 mars 1901 il faisait fi l'Institut général psychologique une conférence sur le Rêve (reproduite dans L'Energie spirituelle).

Dans le chapitre Il des Deux Sources dont notre texte est tiré, Bergson étudie la fonction de l'imagination dans les représentations religieuses primitives.

C'est là qu'il élabore le concept de « fonction fabulatrice » que notre com­ mentaire s'efforcera de préciser.

b) Commentaire détaillé du texte.

« ••• Laissons de côté l'imagination qui n'est qu'un mot et considérons une faculté bien définie de l'esprit, celle de créer des personnages.

» Bergson estime que le concept d'imagination est très vague, et plutôt négatif puisque « on appelle imaginatives les représentations concrètes qui ne sont ni des perceptions ni des souvenirs».

Bergson ne traite ici ni de l'imagination reproductrice (par laquelle je me représente simplement un objet connu en son absence) ni du rêve noc­ turne qui se rattachent plutôt à la mémoire.

Le psychologue, dit-il, ne saurait « rattacher à la même fonction » tous les phénomènes que le langage courant groupe sous le nom d'ima­ gination.

Il y a là un souci de précision concrète, constant chez un auteur attaché avant tout à pénétrer les « données 45. »

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