Les paroles sont-elles comme des actes ?

« Il n'est pas légitime d'opposer les actes aux paroles La plupart du temps, parler, c'est déjà agir.

Les actes sont aveugles si ce qui les prépare n'a pas été préalablement discuté.

Une parole profonde a beaucoup plus de poids qu'un acte irréfléchi.

Parler, c'est s'ext A ustin, dans son célèbre ouvrage Quand dire, c'est faire, montre, en s'appuyant sur de nombreux ex- emples, que la parole se confond très sou- vent avec l'acte.

Le «[Les] mots expriment enfin les rapports divers que les objets ont avec nous, c'est-à-dire notre action sur eux, comme ces mots, je brise, je creuse, je soulève.» Claude-Adrien Helvétius, De l'Esprit marié qui dit «oui» devant le maire ne se contente pas de pro- noncer un simple mot.

Son «oui» l'engage.

Il accepte par là même de respecter l'ensemble de ses devoirs conjugaux.

Les paroles anticipent les actes A insi que l'écrit Ju- lien Freund dans Qu'est-ce que la politique?, «l'action pure est le véri- table nihilisme, car elle signifie la dévalorisation des idées, la disqualifi- cation des intérêts ou de l'utilité et le mépris de l'homme».

Cela signifie que tout acte respon- sable doit découler d'un dialogue avec soi- même, avec autrui.

De sages paroles valent plus que des actes irrationnels O n connaît la for- mule, tristement célèbre, de Goering: «Quand on me parle d'in- telligence, je sors mon revolver.» Cette sinistre condamnation de l'es- prit a conduit aux plus grandes atrocités de toute l'histoire de l'humanité.

Agir raisonnablement, c'est commencer par écouter les paroles de ceux qui défendent la dignité de l'homme.

L'opposition entre actes et paroles n'est pas fondée.

Refuser de mentir, même sous la menace, est un acte en soi, un véritable engagement moral.

L'acte est aveugle s'il est privé de parole.. »