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Les passions: liberté ou servitude ?

Publié le 14/11/2005

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Si elles seules gouvernent l'homme, alors celui-ci n'est qu'un être sensible et demeure un animal. [Montesquieu, De l'Esprit des Lois, Livre I, chapitre I]. B)    Les passions empêchent l'homme de réfléchir ; sa raison se soumet à ses passions qui sont trop fortes et le plongent donc dans une incapacité à utiliser sa raison. Le passionné fait en général le contraire de ce que lui imposerait sa raison ; il agit sans aucune réflexion. Pour Platon, les passions obligent la raison à se pervertir pour leur obéir. [Platon, La République] C)    Il apparaît donc que l'homme ne peut se définir par ses passions, puisque celles-ci ne font de lui qu'un animal parmi les autres. L'homme est donc soumis à ses passions alors que c'est par la raison qu'il est libre. Selon Kant, en effet, suivre ses passions ramène l'homme à l'hétéronomie, c'est-à-dire qu'il ne se donne plus à lui-même ses propres lois, par le biais de la raison. L'homme soumis à ses passions n'est pas autonome et ne peut donc agir librement. Les passions, en s'opposant à la raison, s'opposent aussi à la possibilité de la morale.

Le terme « passions « est plurivoque ; il peut signifier dans un sens plutôt commun ce qu’un individu affectionne tout particulièrement  et dans un sens plus philosophique, les passions sont ce qui s’opposent à la raison ; c’est-à-dire un simple ressenti, des désirs, des penchants pour telle ou telle chose…

Reste à se demander si l’une ou l’autre passion est une atteinte à la liberté de l’individu ou si au contraire elles sont les conséquences de sa liberté ou le rendent libre.

« "Les passions, puisqu'elles peuvent se conjuguer avec la réflexion laplus calme, qu'elles ne peuvent donc pas être irréfléchies comme lesémotions et que, par conséquent, elles ne sont pas impétueuses' etpassagères, mais qu'elles s'enracinent et peuvent subsister en mêmetemps que le raisonnement, portent, on le comprend aisément, le plusgrand préjudice à la liberté ; si l'émotion est une ivresse, la passion estune maladie, qui exècre toute médication 2, et qui par là est bien pireque tous les mouvements passagers de l'âme; ceux-ci font naître dumoins le propos de s'améliorer, alors que la passion est unensorcellement qui exclut toute amélioration." KANT 1.

Introduction • Ce texte, extrait de l'Anthropologie du point de vue pragmatique, serapporte au thème de la passion et soulève le problème de la nature de cettedernière.

La passion, dysfonctionnement majeur, pathologie dangereuse oumouvement psychique fécond pouvant porter l'âme vers de grandes choses ?• Quelle est l'idée directrice de ces lignes? La passion est une véritablemaladie de l'âme, portant atteinte à notre liberté.• On saisit ce que le texte nous fait gagner, son enjeu: une attitude pratiqueconcernant le jeu passionnel.

Si la passion est une désorganisation pathologique, nous devons tenter — si possible — de la dominer.

Or, la passion porte atteinte à la liberté.

Donc lamaîtrise de la passion est difficile. 2.

Étude ordonnée A.

Première grande partie: « Les passions [...] préjudice à la liberté»Dans cette première partie, Kant souligne que la passion porte atteinte à notre liberté.

Toute cette partie analyse lemécanisme passionnel et conclut, à partir de l'analyse de ce mécanisme, que passion et liberté sont difficilementcompatibles.

Analysons plus en détail le raisonnement de Kant.Les passions, définies comme des déséquilibres psychiques intenses et durables, se caractérisent par une certainerelation à la réflexion, conçue comme retour de la pensée sur elle-même.

L'émotion, au contraire, désigne undéséquilibre passager et violent, une surprise de l'âme aussi soudaine que momentanée, surprise parfaitementirréfléchie, c'est-à-dire soustraite à tout retour de l'esprit sur ses opérations.

Par opposition à l'émotion, la passionpeut se conjuguer, c'est-à-dire se combiner et s'unir, avec la réflexion: elle a le pouvoir de se joindre à elle.

Laréflexion de Kant signifie ceci : alors que l'émotion s'élève rapidement à un degré tel de sentiment que la réflexiondevient impossible, la passion est compatible avec l'analyse introspective, le retour de l'esprit sur lui-même et sesmécanismes.

L'amoureux d'une femme, le passionné du pouvoir, etc.

sont parfaitement en mesure de revenir sur lessources et origines de leurs passions.

Ainsi, nous avons affaire d'un côté à des mécanismes passagers (émotions)et, de l'autre (passions), à des phénomènes durables et enracinés dans la pensée.

La passion fait partie de nous etde notre psychisme.

Elle est en quelque sorte intégrée dans notre démarche réflexive et c'est cette structure qui larend infiniment plus dangereuse que l'émotion, qui est impétueuse, violente, rapide, déchaînée, ardente, fougueuse,véhémente, mais qui ne prend pas racine en nous.D'où l'immense danger de la passion : elle peut se maintenir en même temps que le raisonnement, cette fonction dela pensée permettant de dériver un jugement d'un autre, cette opération discursive de l'esprit par laquelle on passede jugements donnés à un autre ou plusieurs autres par déduction logique ou en apparence logique.La passion est donc durable, installée en nous, compatible avec la réflexion et le raisonnement.

Dès lors, elle faitpartie de nous-mêmes et s'avère porteuse du plus grand danger: elle porte dommage et tort (préjudice) à notreliberté, à savoir notre autonomie, notre obéissance à la rationalité.

Si la passion se déploie dans le temps et lacontinuité temporelle, alors elle va exclure toute maîtrise de la raison et porter les plus grandes atteintes à laliberté, conçue comme autonomie.

Le jugement de Kant s'inscrit, en fait, dans une perspective philosophique trèsancienne : les Stoïciens ne virent-ils pas déjà dans la passion un esclavage, une forme de servitude? B.

Deuxième grande partie: « Si l'émotion [...] toute amélioration »Ayant démontré que la passion porte atteinte à notre liberté, Kant peut maintenant en venir à sa démonstrationfinale, à savoir que la passion est une authentique maladie de l'âme.

On voit donc que l'ordre de la démonstrationest, en réalité, très strict.

Comme on va le voir, on en viendra progressivement à l'idée que la passion est un maldont il faut se défaire (ou du moins tenter de se défaire, puisque notre liberté est entravée).Si donc l'émotion est une ivresse, à savoir l'état d'une personne transportée, quasi enivrée et connaissant desperturbations dans l'adaptation nerveuse, la passion est bien plus qu'une ivresse (passagère) : c'est une maladie, àsavoir une altération durable, apportant un trouble permanent et chronique.

Au caractère bénin de l'ivresse s'opposele caractère durableet évolutif de la maladie.

La maladie, c'est ce qui gêne les hommes dans l'exercice normal de leur vie, ce qui les faitsouffrir et les ronge.

Une maladie, c'est un ensemble de troubles pathologiques, dirons-nous dans un langagemoderne.

Mais de quel type de maladie s'agit-il? D'une maladie de l'âme, du principe spirituel humain, une maladieparadoxale, qui plus est : en général, une maladie est susceptible de connaître un médicament, un remède.

Or leparadoxe de la passion, c'est qu'elle exècre toute médication : elle abhorre la médication et la repousse.

Kant dirad'ailleurs un peu plus loin dans le même texte que la passion est une gangrène incurable, car le malade ne veut pas. »

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