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L'État a-t-il tous les droits ?

Publié le 22/02/2012

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Introduction Le rôle de l'État est de faire et d'appliquer la loi. Il doit garantir le droit. Mais a-t-il pour autant tous les droits ? La question porte ici sur la source du droit et la souveraineté de l'État : il s'agit de savoir s'il existe une limite à son autorité, au-delà de laquelle il ne peut légitimement ni intervenir ni légiférer. On peut en effet penser que l'État a tous les droits parce qu'il en est l'origine et la caution, même s'il décide ensuite d'en transférer une partie à ceux qu'il gouverne, ou de répartir son pouvoir entre différentes instances pour en prévenir l'abus. Mais on peut aussi penser que les individus sont la véritable source du droit. L'État n'a donc pas tous les droits, car il existe une autre source de légitimité que la sienne. Qu'en est-il donc de l'État et du droit : a-t-il tous les droits, parce qu'il en est le principe et décide souverainement de leur contenu, ayant d'autres limites que celles qu'il veut bien s'imposer dans son propre intérêt ? Ou ne fait-il qu'administrer et garantir les droits dont les hommes, qui exercent à travers lui leur souveraineté, sont les véritables détenteurs ? L'enjeu de ce problème est de comprendre au nom de quoi l'on peut limiter le droit et la toute-puissance de l'État, en lui rappelant ses devoirs. Il s'agit de définir le fondement du droit et les limites de l'autorité de l'État. Qui dit le droit ? L'homme n'en a-t-il pas indépendamment de l'État ? Que sont ces droits dans ce cas, et à quel devoir le droit de l'État est-il subordonné ?

« juge neutre, également reconnu par les deux parties, le soin de trancher leur différend.

Chacun d'eux doit doncrenoncer au droit qu'il a de punir, c'est-à-dire au pouvoir exécutif de la loi naturelle, en le transférant à un tiers pourqu'il agisse en son nom.

L'État naît selon Locke de ce transfert de droits de tous les individus vers un petit nombred'entre eux.

Il a pour effet de faire sortir les hommes de l'état où la nature les a placés, en formant une sociétéprotégeant les personnes et les biens par tous les pouvoirs qui lui sont confiés.

La première fonction de l'Étatconsiste alors à faire régner la justice en appliquant le droit, garantissant lui-même la propriété privée, conçuecomme un droit naturel et inaliénable de l'humanité.

Si l'État hérite en effet du droit de punir les crimes, car cela estconforme à la loi de nature, les individus conservent celui de propriété, consistant à pouvoir disposer librement duproduit de leur travail, car son transfert serait contraire à la loi.

On ne peut en effet demander aux hommes de seconserver sans leur donner aussi les moyens d'y parvenir.

La propriété est donc un droit non seulement naturel, maisaussi inaliénable, à la différence du droit de punir que l'on peut transférer sans contradiction.Aussi faut-il distinguer le fait d'avoir « tous les droits » du fait d'avoir les « droits de tous ».

Selon les théoriciens ducontrat social, l'État naît d'un transfert de droits : il a hérité du droit naturel des hommes et a donc les droits detous.

Cette représentativité est le fondement de la légitimité.

Mais cela ne lui donne pas pour autant tous les droits,car certains d'entre eux sont réputés inaliénables.

C'est le cas de la propriété selon Locke, de la sécurité pourHobbes, ou de la liberté chez Rousseau.

L'État a le devoir de nous les garantir.

C'est la raison de son institution etsa fonction première.

Ce qui est pour nous un droit inaliénable est pour lui un devoir.

Le droit naturel des hommeslimite la toute-puissance de l'État et ce dernier n'est légitime que s'il le garantit.

La question est alors de savoircomment juger l'État qui bafouerait ce droit fondamental.

Ne faut-il pas pour cela élargir le cadre du droit au-delà del'individu et de l'État ? Se limite-t-il nécessairement au cadre fermé d'une nation ? Ou peut-on forger l'idée d'un droitinternational ? Qui peut en effet avoir le droit de juger un chef d'État s'il se rend coupable de crimes contrel'humanité ?III.

Kant : tous les États devraient être soumis au même droit« Le droit de l'homme doit être tenu pour sacré, dût-il en coûter de gros sacrifices à la puissance souveraine.

Lavraie politique ne peut faire aucun pas sans rendre d'abord hommage à la morale », nous dit Kant (Projet de paixperpétuelle, Appendice I).

L'idée de droit de l'homme est selon lui le fondement du droit international, seul capabled'assurer une paix durable entre les États.

Ce droit n'est celui d'aucun État en particulier, mais doit s'imposer à tousdans leur intérêt commun.

La morale veut que l'État n'ait pas tous les droits, mais qu'il y ait un même droit communà tous les États.Kant remarque en effet que les nations ne peuvent pas régler les conflits qui les opposent au cours de l'histoire enl'absence de droit international, comme les hommes ne peuvent trancher leurs différends à l'état de nature enl'absence de juge commun.

C'est la raison pour laquelle les États se font une guerre sans fin.

Or la notion de « droitsde l'homme » pourrait régler ce problème, poursuit-il, car elle pose le principe d'une législation internationaleindépendante du droit particulier de chaque nation.

La nature humaine étant en effet supposée identique en touthomme, des droits qui lui sont inhérents doivent être universels.

Ils doivent être les mêmes pour tous les hommesquelle que soit leur nationalité et diffèrent ainsi de ceux qu'ils ont en tant que citoyen.Les exigences des droits de l'homme correspondent de ce point de vue à celles de la morale, dont l'impératifcatégorique nous ordonne de traiter l'humanité comme une fin en soi et non comme un moyen.

La liberté est un droitnaturel de l'humanité aussi bien qu'une valeur morale.

C'est elle qui fait notre dignité et qui doit permettre deréconcilier la politique et la morale en posant le principe d'un droit international susceptible d'être admis pardifférents États, parce qu'il se déduit de la nature humaine.

Aucune paix durable n'est donc possible tant que lesÉtats ne constituent pas une Société des Nations fondée sur un droit commun, leur permettant de trancher leursdifférends dans le respect de la liberté de chacun.

C'est la raison pour laquelle la politique ne peut progresser sansla morale, conclut Kant : elle se condamne à répéter sans cesse la même histoire, les mêmes conflits, tant qu'elle nese met pas au service de la liberté, c'est-à-dire du droit naturel de l'humanité et du principe essentiel de la moralité.L'idéal serait donc que les États renoncent au droit de faire la guerre, pour former ensemble une Société régie pasun droit commun.L'idée de « droits de l'homme » est le seul fondement possible de cette Société, parce qu'elle ne dépend pas de laconstitution de chaque État et pose le principe d'un droit naturel commun à tous.

Le droit rejoint ainsi la morale,dont la loi se veut universelle et nécessaire, inhérente à notre nature même.

L'État n'a donc pas tous les droits, caril n'a aucun droit sur l'homme, dont le sort doit dépendre de la communauté internationale, et non d'une seulenation. Conclusion Dans l'histoire, des Anciens aux Modernes, la question de savoir si l'État a tous les droits change donc de sens.

PourAristote, l'homme ne peut avoir de droits que comme citoyen, de sorte que l'idée de « droits de l'homme » n'a pas desens.

La politique et le droit concernent par définition la collectivité, non l'individu dont la vie est philosophique etmorale.

L'État a alors tous les droits, car c'est lui qui définit le droit.Mais, de l'Antiquité à nos jours, la source du droit se déplace.

Elle réside maintenant moins dans la nation que dansl'individu.

Lui seul existe vraiment, l'État n'ayant d'existence que secondaire et dérivée.

Il naît d'un contrat que leshommes passent entre eux et n'a donc d'autres droits que ceux qu'ils veulent bien lui transférer dans leur propreintérêt.

L'État n'a plus alors tous les droits.

Il n'est légitime que s'il garantit les droits que les individus ont parnature et qui sont réputés inaliénables.

Pour Locke, Hobbes et Rousseau, la propriété, la sécurité et la libertérelèvent chacune du droit fondamental de l'humanité ; en donnant à l'État des devoirs, celui-ci en limite la toute-puissance.Mais la souveraineté de ce dernier n'est pas seulement limitée par l'individu qui se situe au-dessous de lui : elle. »

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