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L'ÉTERNEL RETOUR

Publié le 24/03/2015

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TEXTE

Que dirais-tu si un jour, si une nuit, un démon se glissait jusque dans ta solitude la plus reculée et te dise : « Cette vie, telle que tu la vis maintenant et que tu l'as vécue, tu devras la vivre encore une fois et d'innombrables fois ; et il n'y aura rien de nouveau en elle si ce n'est que chaque douleur et chaque plaisir, chaque pensée et chaque gémissement et tout ce qu'il y a d'indiciblement petit et grand dans ta vie devront revenir pour toi et le tout dans le même ordre et la même succession — cette araignée-là égale­ment, et ce clair de lune entre les arbres, et cet instant-ci et moi-même. L'éternel sablier de l'existence ne cesse d'être ren­versé à nouveau — et toi avec lui ô grain de poussière de la poussière! «

 

— Ne te jetterais-tu pas sur le sol, grinçant des dents et mau­dissant le démon qui te parlerait de la sorte? Ou bien te serait-il arrivé de vivre un instant formidable où tu aurais pu lui répondre : « Tu es un Dieu et jamais je n'entendis choses plus divines! « Si cette pensée exerçait sur toi son empire, elle te transformerait, faisant de toi, tel que tu es, un autre, te broyant peut-être : la question posée à propos de tout et de chaque chose : « Vou­drais-tu ceci encore une fois et d'innombrables fois ? « pèserait comme le poids le plus lourd sur ton agir! Ou bien ne te fau­drait-il pas témoigner de bienveillance envers toi-même, et la vie pour ne désirer plus rien que cette dernière, éternelle confir­mation, cette dernière éternelle sanction ?

 

(Nietzsche, Le gai savoir, Livre IV, § 341, traduit de l'allemand par Pierre Klossovski, Gallimard, Paris, 1967, in Nouvelle édition des oeuvres philosophiques complètes de Nietzsche, t. V, p. 220.)

L'éternel retour n'est qu'accessoirement chez Nietzsche un thème cosmologique. C'est pourquoi il est futile de chercher à le réfuter comme si c'était une affirmation scientifique (pris en ce sens il ne résiste évidemment pas à l'examen critique). L'éternel retour doit être considéré plutôt comme une hypo­thèse propre à changer mon attitude à l'égard de la vie. C'est donc un thème éthique. Nietzsche a « tué « le dieu vengeur, le dieu « moral « qui punit et récompense. Mais l'éternel retour est l'équivalent d'une sanction éternelle, une sanction imma­nente. Il confère au moindre de mes actes, en l'absence de tout juge transcendant le sérieux de l'éternité. C'est également un thème mystique. L'éternel retour est la confirmation éter­nelle de cette vie présente. Nietzsche a exécuté le Dieu moral, ennemi de la vie. Mais il se veut pieux devant le Dieu de la vie. L'éternel retour est une propédeutique à l'adoration incondi­tionnelle de la vie : «Avez-vous jamais approuvé une joie? O mes amis, alors vous avez aussi approuvé toutes les douleurs ! « Le nietzsché sme est un panthéisme mystique. Tandis que Schopenhauer condamne la vie, Nietzsche lui donne le sceau de l'éternité et entend l'adorer en dépit des épreuves et des souffrances. La philosophie de l'éternel retour est tout le con­traire d'un nihilisme (Nietzsche ne veut nier que cette négation

de la vie, la morale ascétique). A la morale qui accuse Nietzsche veut substituer la sagesse qui bénit. Le monde et la vie se retrou­vent sacrés dans un sens nouveau et finalement l'éternel retour apparaît comme un mystère joyeux : Adoration de la vie à tra­vers ses énigmes et ses souffrances, la philosophie tragique de Nietzsche est une philosophie de la joie.

« - Ne te jetterais-tu pas sur le sol, grinçant des dents et mau­ dissant le démon qui te parlerait de la sorte? Ou bien te serait-il arrivé de vivre un instant formidable où tu aurais pu lui répondre : « Tu es un Dieu et jamais je n'entendis choses plus divines! " Si cette pensée exerçait sur toi son empire, elle te transformerait, faisant de toi, tel que tu es, un autre, te broyant peut-être : la question posée à propos de tout et de chaque chose : « Vou­ drais-tu ceci encore une fois et d'innombrables fois? " pèserait comme le poids le plus lourd sur ton agir! Ou bien ne te fau­ drait-il pas témoigner de bienveillance envers toi-même, et la vie pour ne désirer plus rien que cette dernière, éternelle confir­ mation, cette dernière éternelle sanction? (Nietzsche, Le gai savoir, Livre IV, § 341, traduit de l'allemand par Pierre Klossovski, Gallimard, Paris, 1967, in Nouvelle édition des œuvres philosophiques complètes de Nietzsche, t.

V, p.

220.) COMMENTAIRE a) Présentation du texte 62 Pendant l'été 1881 Nietzsche séjourne en Haute-Engadine dans le petit village de Sils-Maria.

C'est là qu'au cours d'une prome­ nade sur les bords du lac de Silvaplana, au lieu-dit Surlei, près d'une saillie rocheuse (sur laquelle est aujourd'hui fixée une plaque qui rappelle l'événement) il a pour la première fois l'intui­ tion du Retour Eternel.

Les éléments du monde étant en nombre fini, les combinaisons possibles finies également, chacun de nos instants est donc appelé à revenir.

Nous repasserons indé­ finiment par les mêmes phases, nous revivrons plus tard et encore plus tard éternellement cette vie que nous vivons à présent.

Révélation brutale, inopinée qui dit-on parfois transforme alors radicalement la philosophie de Nietzsche, préludant à son ultime phase.

En réalité ceux qui ont lu attentivement toute l'œuvre de Nietzsche savent que ce thème de l'éternel retour -même s'il n'est formulé de façon précise qu'en 1881 -a tou­ jours hanté la pensée nietzschéenne.

A peine âgé de trente ans, dans un de ses tout premiers essais De l'utilité et de l'inconvé­ nient des études historiques pour la vie, contenu dans ses Consi­ dérations intempestives Nietzsche condamne l'érudition histo­ rique, science morne qui se promène à pas lents parmi les ...

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