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Lévi-Strauss: Culture et coutumes

Publié le 27/02/2008

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culture
L'attitude la plus ancienne, et qui repose sans doute sur des fondements psychologiques solides puisqu'elle tend à réapparaître chez chacun de nous quand nous sommes placés dans une situation inattendue, consiste à répudier purement et simplement les formes culturelles, morales, religieuses, sociales, esthétiques, qui sont les plus éloignées de celles auxquelles nous nous identifions. « Habitudes de sauvages », « cela n'est pas de chez nous », « on ne devrait pas permettre cela », etc. autant de réactions grossières qui traduisent ce même frisson, cette même répulsion, en présence de manières de vivre, de croire ou de penser qui nous sont étrangères. Ainsi, l'Antiquité confondait-elle tout ce qui ne participait pas de la culture grecque (puis gréco-romaine) sous le même nom de barbare ; la civilisation occidentale a ensuite utilisé le terme de sauvage dans le même sens. Or derrière ces épithètes se dissimule un même jugement : il est probable que le mot barbare se réfère étymologiquement à la confusion et à l'inarticulation du chant des oiseaux, opposés à la valeur signifiante du langage humain ; et sauvage, qui veut dire « de la forêt », évoque aussi un genre de vie animale, par opposition à la culture humaine. Dans les deux cas, on refuse d'admettre le fait même de la diversité culturelle ; on préfère rejeter hors de la culture, dans la nature, tout ce qui ne se conforme pas à la norme sous laquelle on vit. [...] Ainsi se réalisent de curieuses situations où deux interlocuteurs se donnent cruellement la réplique[1]. Dans les Grandes Antilles, quelques années après la découverte de l'Amérique, pendant que les Espagnols envoyaient des commissions d'enquête pour rechercher si les indigènes possédaient ou non une âme, ces derniers s'employaient à immerger des Blancs prisonniers afin de vérifier par une surveillance prolongée si leur cadavre était, ou non, sujet à la putréfaction. Cette anecdote à la fois baroque et tragique illustre bien le paradoxe du relativisme culturel (que nous retrouverons ailleurs sous d'autres formes) : c'est dans la mesure même où l'on prétend établir une discrimination entre les cultures et les coutumes que l'on s'identifie le plus complètement avec celles qu'on essaye de nier. [...] En refusant l'humanité à tous ceux qui apparaissent comme les plus « sauvages » ou « barbares » de ses représentants, on ne fait que leur emprunter une de leurs attitudes typiques. Le barbare, c'est d'abord l'homme qui croit à la barbarie. Lévi-Strauss
Eléments d’introduction :
 
-         Autrui est à la fois le même et l’autre. E c’est cette double structure qui le caractérise. Il y a par conséquent deux façons de méconnaître autrui : on peut nier qu’il soit différent, ou nier qu’il soit semblable, ce qui, au fond, revient au même. Mais autrui n’est ni autre que moi, ni identique à moi. Il est alter ego, c’est-à-dire à la fois autre moi et autre que moi. Proximité et distance, familiarité et étrangeté qualifient mon rapport à l’autre. Autrui apparaît comme une figure contradictoire et énigmatique, qui fascine autant qu’elle inquiète.
-         Il est du coup naturel de penser que notre premier devoir envers autrui est de s’efforcer de la connaître : les malentendus et les conflits qui surgissent entre les hommes ne résulteraient que de l’ignorance mutuelle de ce qui les rassemble et les unit. Mais la connaissance d’autrui est problématique.
Objet du texte :
 
-         Lévi-Strauss est un anthropologue. Il étudie les mœurs, les coutumes de certaines sociétés en vue de percer leur mystère, leur schéma de fonction et d’établir des comparaisons entre ses objets d’étude.
-         Ici, il s’agit pour lui de mettre à jour le processus par lequel on appelle quelqu’un « barbare « ou « sauvage «, c’est-à-dire la façon dont on refuse à l’autre sa part d’humanité sous le prétexte d’un trop grand éloignement culturel.
 
Problématique :
 
-         Y a-t-il un barbare en soi ? Ou le terme ne relève-t-il toujours pas d’un jugement de valeur qui fait que l’on est toujours le barbare d’un autre ? Sur quels mécanismes et quelles habitudes de penser procèdent ce mouvement par lequel on refuse son humanité à celui qui nous semble trop différent ? En quoi ce processus est-il commun à toute culture ?
-         Dans quelle mesure Lévi-Strauss trouve-t-il une nouvelle définition, par un retour réflexif du sujet dit barbare sur le sujet ? Qu’est-ce qu’à proprement parler « un barbare « ?
 

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culture

« - Tout jugement culturel est par essence relatif, c'est-à-dire toujours ethnocentré et donc potentiellement porteur d'un jugement de barbarie sur l'autre.

La possibilité du jugement de barbarie surl'autre émerge en même temps que le jugement de la valeur culturelle. - Preuve de la relativité du jugement de barbarie = certains us et coutumes sont interprétés comme barbares à une certaine époque de l'histoire alors qu'ils sont conçus comme hautement cultivés à un autremoment. - Si la culture est pour ainsi dire l'idéal normatif universel que poursuit l'humain, et ce par quoi l'homme se définit dans son humanité, la barbarie serait tout aussi universelle que la culture.

La barbarie comme faitguette toujours, de l'intérieur, toute culture dès lors que toute culture se pose en s'opposant à son autre =elle définit ipso facto l'autre comme barbare quand elle se pose comme culture. - Je qualifie de barbare ce qui échappe à mon logos, c'est-à-dire à ma logique = est barbare ce qui est lointain, extérieur, étranger à moi.

Le barbare est à la fois ce qui est autre que moi et en même temps ce quim'est indifférent, c'est-à-dire ce que je peux dénigrer impunément.

Le barbare, c'est l'autre dans son altéritéindifférente qui n'a aucun rapport avec moi ; c'est celui qui n'a pas le même monde, avec lequel je ne peuxrien partager.

Le barbare n'est pas celui qui n'a pas de loi, mais celui qui n'obéit pas à ma loi, celui quitransgresse l'ordre axiologique de ma culture, de mon logos (mais non pas celui qui transgresse tout ordre). - Tout jugement ethnocentré, porté par l'identique sur le différent, consiste à rejeter potentiellement la barbarie sur l'autre. - Mais pour Lévi-Strauss, le vrai barbare n'est pas tant celui qui est jugé tel en vertu de ses pratiques, que celui qui juge l'autre barbare en se prenant lui-même comme unique norme morale. - Dès lors, le concept de barbarie est inopérant, il se détruit lui-même dès lors qu'il prend conscience de son absolue relativité ® le jugement de l'anthropologue, par processus de distanciation d'avec sa propre culture, peut parvenir à voir cette absolue relativité. - De là, est barbare non pas celui qui se comporte de façon étrange par rapport à ma propre culture, mais celui qui juge l'autre barbare et qui se faisant révèle à l'anthropologue que le concept de barbarie estinopérant. - On comprend alors que, dans un troisième degré, est barbare celui qui croie à la barbarie.

Comme simple potentialité, c'est-à-dire tout homme croyant naïvement que la barbarie est un concept valide est barbare. - « Nous nommons barbares tout ce qui n'est pas nous » = tout jugement de barbarie sur autrui témoigne du relativisme essentiel auquel seul l'anthropologue pourrait s'arracher.

Lorsqu'on a pas conscience de cerelativisme, alors il y a deux conséquences :1) on est soi-même barbare 2) on juge autrui comme barbare en se jugeant soi-même comme aulne de la civilisation. Conclusion : - Vieille tendance de chaque culture à se prétendre la plus « civilisée » et qualifier ce qui est hors d'elle de « barbare ». - En réalité, jugement de valeur culturelle est toujours relatif, il porte toujours en germe celui de jugement de barbarie, comme risque. - La notion de barbare est inopérante, sans fondement, car tout entière relative.

Celui qui croit à la barbarie est donc le véritable barbare. - On peut se demander comment remédier à cette croyance : peut-être peut-on invoquer le devoir moral de se cultiver soi-même. [1] Lévi-Strauss fait ici allusion à la Controverse de Valladolid : elle porta en 1550 sur le statut des Indiensd'Amérique et opposa le dominicain Bartolomé de Las Casas et le philosophe Sepulveda devant un légat du papedans une église de Valladolid.. »

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