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Liberté et indépendance ?

Publié le 10/02/2004

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Et si le choix exprime notre liberté, il la restreint en même temps. Notre liberté transcende ainsi tous nos choix, auxquels nous refusons d'être réduits. Nous sentons en nous-mêmes une puissance de vouloir infinie. Nous avons voulu telle chose, mais il ne tenait qu'à nous d'en vouloir une autre. Notre volonté, du moins, nedépend que d'elle-même. Elle est la marque de notre indépendance. La preuve en est qu'en l'absence de tout motif ou de tout mobile, notre volonté peut encore se déterminer. L'illustration la plus fameuse de cette liberté d'indifférence est celle de l'âne de Buridan', qui ayant également faim et soif se laisse mourir parce qu'il ne peut choisir entre une botte de foin et un seau d'eau. Placé dans une situation d'absolue indifférence, l'homme, lui, possède le pouvoir de se déterminer librement. La version moderne de cette anecdote se trouve dans la théorie de l'acte gratuit, tel que Gide en a tenté la description dans Les caves du Vatican.

« comme elle reproduit le désir.

» Dans ce cercle infini et infernal du désir, c'est-à-dire de « ce retour alterné et monotone du désir et de sa satisfaction par laquelle le sujet retombe sans cesse en lui-même et sans supprimer la contradiction », la conscience découvre qu'elle ne peut se ressaisir que dans une autre conscience de soi.

La dialectique même du désir le conduità son propre dépassement : de la pure consommation de l'objet à l'intersubjectivité.

Le désir n'est plus seulementrapport égoïste de soi à soi, mais position de l'autre comme être indépendant et libre.

Je ne peux me reconnaîtreque si je reconnais l'autre et réciproquement : « L'opération est donc à double sens, non pas seulement en tant qu'elle est aussi bien une opération sur soi que sur l'autre, mais aussi en tant qu'elle est, dans son indivisibilité, aussibien l'opération de l'une des consciences de soi que de l'autre. » Ce mouvement de la conscience de soi trouve une illustration dans la fameuse dialectique du Maître & de l'Esclave – dialectique qui peut se lire comme une reconstitution, sans caractère historique, du déroulement del'histoire réelle des hommes. Le point de départ de cette dialectique, c'est que toute conscience est désir de reconnaissance, désir qui passe d'abord par la négation de l'autre.

toute conscience poursuit la mort de l'autre, afin de se faire reconnaître etde se reconnaître elle-même au risque de sa propre vie, comme libre et indépendante de toute attache sensible :« C'est seulement par le risque de sa vie qu'on conserve la liberté, qu'on prouve que l'essence de la conscience desoi […] n'est pas le mode immédiat dans lequel la conscience de soi surgit d'abord, n'est pas son enfoncement dansl'expansion de la vie. » Autrement dit, il s'agit pour chaque conscience de se prouver qu'elle n'est pas de l'ordre de l'en-soi (mode de l'existence des choses), pure immédiateté, mais qu'elle est seulement un pur être-pour-soi, une personne qui a unevaleur, une dignité : « L'individu qui n'a pas mis sa vie en jeu peut bien être reconnu comme personne, mais il n'a pas atteint la vérité de cette reconnaissance comme reconnaissance d'une conscience de soi indépendante. » A l'issue de cette lutte décisive pour la reconnaissance de soi, la conscience qui n'a pas eu peur de la mort,qui est allée jusqu'au bout dans le risque de la mort, prend la figure du Maître.

L'autre, qui a préféré la vie à laliberté, entre dans le rapport de servitude.

L'Esclave n'est plus qu'un instrument aux mains du Maître qui l'a épargné.Il a perdu toute dignité.

Mais, en travaillant, l'Esclave transforme le monde.

Il peut ainsi se reconnaître dans cemonde qui, par son travail transformateur, porte la marque de son intériorité.

Jouissant, de cette manière, de lui-même comme d'une réalité extérieure, il accède alors à une certaine reconnaissance de soi et par là même à ladignité.

En outre, en transformant le monde, il crée quelque chose de stable et de durable en dehors de lui et selibère de l'angoisse de la mort qui le liait au monde sensible et qui avait fait de lui un esclave.

En revanche, leMaître, se contentant de consommer et de détruire les produits du travail de l'Esclave, affirme toujours davantagesa dépendance à l'égard de ce dernier.

De plus, sa jouissance n'a aucune valeur de vérité, elle n'intéresse personneet ne lui permet donc pas d'accéder à la reconnaissance de soi. Certes, le Maître est reconnu par l'Esclave.

mais que vaut une telle reconnaissance, puisque l'Esclave n'estqu'une chose ? Quant à l'esclave, il lui suffit de se faire reconnaître par le Maître pour que s'établisse lareconnaissance mutuelle : « Ils se reconnaissent comme se reconnaissant mutuellement.

» La fin de cette dialectique marque la fin de l'histoire, c'est-à-dire la fin des guerres, des luttes, des violences.

Hegel pensait que l'histoire prenait fin avec sa philosophie qui en avait découvert le sens… Mais c'est une autre histoire ! On retiendra que toute conscience ne peut se poser qu'en s'opposant à ce qui n'est pas elle, mais que leconflit n'est qu'un moment qui, comme tel, est destiné à être dépassé.

Qu'il s'agisse du rapport entre deuxconsciences, entre les hommes, entre les peuples, les Etats, on pourrait certes s'opposer à l'optimisme de Hegel et affirmer que le conflit est le fondement constitutif de toute relation, et que, comme tel, il perdurera.

Mais il n'endemeure pas moins qu'il n'y a de véritable reconnaissance de soi que lorsque les consciences se reconnaissentmutuellement et réciproquement comme consciences.

Ce qui vaut pour les relations intersubjectives (rapport du« moi » à autrui) vaut aussi pour les relations entre les hommes au sein d'une cité, entre les peuples, entre les Etats.

Telle est la leçon essentielle qui se dégage de la dialectique hégélienne. La liberté à l'oeuvre Une indépendance absolue, un refus de toutes les contraintes naturelles ou sociales est en réalité impossible.

Ilnous faut bien être quelque chose, accepter notre dépendance essentielle, c'est-à-dire notre finitude.

Il est vraique toute détermination est négation, en ce sens qu'être quelque chose, c'est aussi n'être pas autre chose, et parconséquent n'être pas tout.

Mais être tout - sauf à être Dieu - reviendrait en fait à n'être rien.

L'acceptation denotre finitude n'est pas pour autant renoncement à l'action.

Être libre, ce sera alors non plus refuser les limites quis'imposent à nous, mais tenter de les repousser, non plus refuser le monde, mais le transformer. Être libre, c'est agir. Cependant, la liberté excède l'action.

Au moment d'agir, il nous faut choisir.

Et si le choix exprime notre liberté, il larestreint en même temps.

Notre liberté transcende ainsi tous nos choix, auxquels nous refusons d'être réduits.

Noussentons en nous-mêmes une puissance de vouloir infinie.

Nous avons voulu telle chose, mais il ne tenait qu'à nousd'en vouloir une autre.

Notre volonté, du moins, ne. »

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