L'imagination créatrice

« Baudelaire décerne à l'imagination le titre de >; le poète vision­ naire anglais William Blake la qualifie de >, c'est-à-dire incarnation du divin, présence de Dieu en l'homme.

L'imagination aperçoit le jamais-vu dans les arts plastiques, entend l'inouï dans la musique, invente le jamais-vécu en littérature, conçoit l'inconcevable dans les techniques et les sciences.

Elle devance le réel en créant le , soit dans l'ordre du meilleur, soit dans le domaine du pire.

Ce sens du possible constitue la fonction prophétique, plus largement distribuée qu'on ne le pense ordinairement.

Créer des utopies, des mythes, fables et romans, éclaire notre existence d'une lumière noire (comme chez le marquis de Sade), ou blanche (les inventions du Paradis, soit terrestre, soit célest e), et exprime le désespoir ou l'espoir, dimen­ sion principale en nous, comme l'a montré le philosophe allemand contempo­ rain Ernst Bloch.

C'est le rationalisme, surtout cartésien, qui nous a habitués à déconsidérer l'ima­ gination, à identifier mythe, fiction et mensonge, à mépriser les arts, et singuliè­ rement la littérature, comme incapables de nous conduire à la vérité.

C'est ainsi que Descartes a rejeté > au privilège exclusif des sciences, et encore au détriment de la religion.

Construire des utopies nous prépare à bâtir un monde meilleur, le sage véritable ne saurait y renoncer.

L'imagin ation créatrice procède de la mémoire et représentation des images sen­ sibles à partir desquelles nous composons ou créons des objets nouveaux.

Là encore, il serait passablement absurde et contraire à l'expérience la plus com­ mune de séparer le sensible de l'intelligible.

L'imagination créatrice, comme aussi nos autres facultés de connaissance, se cul­ tive; et il est fort regrettable que l'on abandonne les exercices de composition dits dans l'É ducation nationale à partir de la classe de seconde comme si l'invention littéraire était un genre puéril relativement à la discussion argumentée qu'est la dissertation.. »