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L'imagination est-elle un obstacle à la connaissance scientifique ?

Publié le 17/01/2022

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Bien saisir :  — d'une part que la réponse à la question va dépendre avant tout de l'appréhension que l'on peut se faire de ce qu'est imaginer ;  — d'autre part de ce que peut être « une fonction de connaissance «. (Différencier, par exemple, la fonction comme ce qui règle de la fonction comme ce qui motive ou ce qui permet certaine attitude vis-à-vis de la réalité, y compris notre « réalité mentale «.)

 

Le sens commun oppose l'imagination, privilège des artistes, à l'activité scientifique, où régnerait la méthode et où l'imagination serait interdite.  C'est ce lieu commun que vous devez discuter. Distinguez les différents sens des notions en jeu. L'imagination s'apparente à une espèce d'activité onirique, plus ou moins en rupture avec le monde réel: en ce sens, elle est ce que  Bachelard appelle un "obstacle épistémologique. L'imagination peut, en effet, créer en nous des attentes très fortes et fascinantes, et la fantaisie à l'invention.

 Autrement dit, vous pouvez vous demander si l'invention scientifique demande le génie ou bien si elle ne suppose que la méthode. Si la méthode ne peut rendre compte de l'invention scientifique et si l'imagination a sa place, comment peut-elle produire des connaissances ?

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« Non seulement nous avons à nous défendre des préjugés communs, mais aussi des connaissances scientifiques antérieures.

Bachelard a su se rendre très attentif aux périodes de crise et de révolution scientifique, celles où l'on passe d'une théorie à une autre, d'un système à un autre, d'une méthode à une autre.

Si « La Formation de l'esprit scientifique » est consacrée aux obstacles premiers et naturels de la connaissance scientifique, « Le Nouvel Esprit Scientifique » s'interroge sur les révolutions scientifiques contemporaines.

La relativité Einstein ienne, la naissance de la mécanique ondulatoire, l'émergence des mathématiques axiomatiques sont le résultats d'efforts pour penser « contre une connaissance antérieure », mais cette dernière prend alors moins l'aspect de nos préjugés naturels que de notre héritage scientifique, qu'il faut reconsidérer et réformer. Or, en prenant un exemple peu Bachelard ien, on aimerait illustrer le propos de l'auteur : « Il y a rupture et non pas continuité entre l'observation et l'expérimentation. » En effet, si la science moderne prend naissance avec l'apparition de l'expérimentation, la croyance en l'observation, en l'expérience première et en ses prétendus faits estl'obstacle premier et majeur à la connaissance rationnelle. L'exemple le plus célèbre et le plus célébré reste le dispositif expérimental par lequel Galiléé , à l'aube du XVII ième, parvint à établir correctement la loi de la chute des corps.

Pour étudier cette chute des corps, Galilée ne se fie pas à l'observation commune, mais construit un dispositif, sélectionne les paramètres décisifs pour la loi qu'il veutétablir, et invente le moyen de mesurer leurs variations réciproques.

Il s'agit simplement de faire rouler des boulesdans un canal rectiligne creusé dans un plan incliné.

Il suffit ensuite de mesurer le temps de chute de la boule enfonction de la distance parcourue. Un certain nombre de traits remarquables se dégagent de cette expérience.

Tout d'abord Galilée a su comprendre que le mouvement de la boule est une chute, ralentie certes, et identique à la chute des corps. Deux mouvements différents pour le sens commun (la chute d'une pomme, par exemple, et le glissement d'une boule sur un plan incliné) sont compris comme identiques.

Mais, alors que le premier est difficilement mesurableavec les instruments de l'époque, le second peut l'être. Ensuite, Galilée , pour vérifier ses hypothèses, a construit, après avoir conçu, un dispositif technique.

C'est en ce sens que l'on peut parler du début de l'expérimentation et de la rupture avec l'observation courante. Le trait de génie de Galilée consiste en l'association de la science et de la technique et en l'élaboration d'un mécanisme permettant de mesurer les rapports entre les paramètres sélectionnés.

Le dispositif permet aussi decalculer les variations réciproques de l'espace et du temps et d'établir que la distance parcourue par le mobile estproportionnelle au carré du temps de la chute. Enfin, Galilée a su négliger ce qui devait l'être.

ainsi, il n'a pas tenu compte des forces de frottement de la boule sur le plan ou de la résistance de l'air, qui, ralentissent la chute. Kant a su montrer en quoi l'expérimentation rompait avec l'observation : en quoi ici la théorie prenait le pas sur la simple réception de l'expérience première, et en quoi l'effort scientifique visait à poser une question précise à la nature, en inventant les moyens de la contraindre ànous répondre. « Lorsque Galilée fit rouler ses boules sur un plan incliné avec un degré d'inclination qu'il avait lui-même choisi [...] une lumière se leva pour tous les physiciens.

Ils comprirent que la raison ne perçoit que ce qu'elle produitelle-même d'après ses propres plans, qu'elle doit prendre les devants [...] et forcer la nature à répondre à sesquestions [...] car sinon les observations, faites au hasard, sans plan tracé d'avance, ne se rattacheraient pas àune loi nécessaire, ce que la raison pourtant recherche et exige. » Reste à montrer grâce à un exemple pourquoi Bachelard déclare que l'esprit scientifique « juge son passé en le condamnant ».

Bachelard affirme : « Il n'y a pas de transition entre le système de Newton et le système d'Einstein .

On ne va du premier au second en amassant des connaissances [...] Il faut au contraire un effort de nouveauté totale.

» Pour Bachelard en effet, les idées et connaissances héritées finissent par former une sorte « d'inconscient » scientifique, qui produit l'impression que tel ou tel axiome, tel ou tel concept sont évidents et vont de soi. Or, « Toute vérité nouvelle naît malgré l'évidence, toute expérience nouvelle malgré l'évidence immédiate. » Bachelard se sert de l'exemple de l'idée de simultanéité pour le montrer.

L'idée de simultanéité est une idée simple, évidente, immédiate. Autrement dit une question que l'on n'éprouve pas le besoin de se poser.

Dans la physique de Newton, si l'on doit, pour étudier le mêmemouvement dans deux repères différents, changer les coordonnées spatiales, il va de soi que la coordonnée temporelle reste identique.

Le mêmephénomène est pensé comme simultanéité dans les deux repères différents.

Or, c'est un fait que la mécanique d' Einstein a su montrer que cette idée prétendument simple de simultanéité était en réalité complexe, et que le temps s'écoulait différemment pour deux observateurs animés devitesses différentes.

On connaît le paradoxe des jumeaux de Langevin .

Si l'on envoie l'un des deux jumeaux dans l'espace à une vitesse proche de celle de la lumière, il ne vieillira pas au même rythme que le jumeau resté sur la terre. Cela signifie que l'on passe d'une théorie à l'autre par une redéfinition des concepts initiaux, des notions fondamentales de la physique (ici le temps, mais la physique ondulatoire a amené à une redéfinition de la notion decause).

Il ne s'agit donc pas d'une transition d'un système à un autre, mais d'une révolution, et d'une mutation dans. »

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