L'imagination n'est-elle qu'une maîtresse d'erreur ?
Publié le 20/06/2009
Extrait du document


«
reproduction artificielle au Palais de la Découverte.
Nul donc n'a jamais pu vérifier directement la validité de telle outelle hypothèse.
Nul n'a jamais vu la Terre tourner autour du Soleil.
Et tout le monde peut « voir » au contrairechaque jour le Soleil tourner autour de la Terre.
Notre système est donc, au sens que nous avons indiqué, unproduit de l'imagination, une construction de l'esprit.
Ou, si l'on préfère, une hypothèse.
Mais, cette hypothèsepermettant d'expliquer une multitude de faits observés, et d'en prévoir d'autres, indéfiniment et rigoureusement,nous considérons la structure de l'univers qu'elle nous présente comme vraie, à l'encontre de celle que les donnéessensibles paraissent nous imposer.Qu'est-ce donc que l'imagination scientifique? A peu près exactement, nous semble-t-il, le contraire de ce quePascal et Malebranche vilipendent sous le nom d'imagination.
Pour s'accomplir et s'imposer, l'invention scientifiquedoit triompher de la routine, des associations d'idées invétérées, du prestige des « autorités », du préjugé renforcépar des traditions séculaires.
Elle doit enfin se substituer à la perspective sensible que, spontanément, nousconsidérons comme seule réelle, parce qu'elle est seule immédiate, parce qu'elle est seule donnée.
Elle doittriompher à peu près de tous les éléments qui constituent l'imagination pascalienne.N'a-t-on pas dit d'ailleurs maintes fois que le propre de l'esprit scientifique, est de savoir s'étonner à propos ? C'est-à-dire que là où l'imagination (= représentation sensible et associative) ne s'étonne pas parce que les impressionssensibles se succèdent dans un ordre que des connexions réitérées ont rendu familier, et que tout par conséquentlui semble « aller de soi », la pensée, elle, s'étonne.
Car elle imagine un ordre des faits non plus seulement constant,mais nécessaire et intelligible, qui n'apparaît pas immédiatement dans les faits.
Quelques lignes de Descartes dansune lettre à Mersenne nous permettent d'illustrer ce point : « ...je suis devenu si hardi, lui dit-il, que j'osemaintenant chercher la cause de la situation de chaque étoile fixe.
Car, encore qu'elles paraissent fortirrégulièrement éparses çà et là dans le ciel, je ne doute point toutefois qu'il n'y ait un ordre naturel entre elles,lequel est régulier et déterminé ».
Aucun autre texte peut-être ne nous montre mieux comment l'imaginationscientifique s'affirme par le démenti qu'elle impose à l'imagination au sens pascalien, c'est-à-dire à une perspectivequi est celle des sens et de l'habitude.
* * *
« Cette superbe puissance, ennemie de la raison...
», dit Pascal à propos de l'imagination.
Mais l'imaginationscientifique, l'imagination au sens où les modernes entendent ce mot (et que l'on pourrait pour plus de clarté appeler: invention), c'est la raison elle-même en tant qu'elle est capable, non plus seulement de s'assimiler les découverteset les pensées d'autrui, anciennes ou récentes, mais d'en mettre au jour elle-même de nouvelles.
Elle est un autrenom de l'activité de l'esprit, tandis que l'imagination pascalienne représente sa passivité.Ce que nous disons ici de l'imagination-invention dans la science peut s'étendre à d'autres domaines.
La valeur d'uneimage poétique ne tient-elle pas à ce qu'à l'instant même où elle nous étonne parce qu'elle est nouvelle, parcequ'elle est insolite, nous la reconnaissons cependant comme vraie, et elle fait pâlir tous les « clichés ».Si les techniciens militaires en 1940 ont manqué d'imagination, n'est-ce pas qu'ils ont été incapables de concevoir lapossibilité d'un autre ordre de combat que celui qu'ils s'étaient habitués à voir se développer sur les champs debataille de 1918, dans îles conférences de l'École de Guerre et sur les terrains de manœuvres ?Il est donc certain que l'imagination n'est pas seulement une maîtresse d'erreur.
Il est certain aussi qu'elle n'est pasà la fois maîtresse d'erreur et caractéristique essentielle du génie humain.
Il y a deux imaginations..
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