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L'oubli est-il une déficience de la mémoire ?

Publié le 17/01/2022

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Notre passé nous paralyserait, s'il était à tout moment présent à notre esprit.Ne plus retrouver un mot, un souvenir, est vécu comme une déficience de la mémoire, alors que c'est le signe d'une activité structurante et sélective qui opère à notre insu. Le trouble de la remémoration peut être signe de perturbations inconscientes, donc névrotiques. Ce que vous savez❑ L'oubli est bien une déficience de la mémoire ! On peut donc être un peu interloqué face à un sujet qui pose une question dont la réponse apparaît évidente. Deux possibilités : ou bien cette évidence n'en est pas une, et il faut chercher pourquoi, ou bien le véritable enjeu du sujet se trouve ailleurs, et il ne faudra certes pas se contenter de répondre à la question. Ces deux possibilités ne s'excluent d'ailleurs pas.❑ L'oubli est nécessairement involontaire, sinon il ne s'agit pas d'un oubli. La bonne méthode pour trouver une problématique n'est certainement pas de jouer sur les mots.❑ Le terme de « déficience » suggère une anomalie. Dire de l'oubli qu'il est une déficience de la mémoire, c'est reconnaître la faiblesse humaine, et en même temps envisager, même tacitement, que l'on pourrait ne rien oublier.

Ne plus retrouver un mot, un souvenir, est vécu comme une déficience de la mémoire, alors que c'est le signe d'une activité structurante et sélective qui opère à notre insu. Le trouble de la remémoration peut être signe de perturbations inconscientes, donc névrotiques.

« autrefois peut à son tour faire illusion, dans la mesure où nous pouvons en tirer des enseignements contestables quipeuvent nous enfermer en restreignant abusivement nos possibilités.

Il n'est pas sûr que le meilleur guide de la viesoit l'expérience passée, et ce qui a échoué un jour peut réussir un autre jour. Nous pouvons tirer de là une piste intéressante : si nous oublions ce qui nous est arrivé, n'est-ce pas parce quece que nous avons vécu doit être relativisé ? Pour au moins la majeure partie des événements qui ont fait nos vies,ne peut-on dire qu'ils « méritent » cet oubli, et que c'est la volonté d'entretenir à tout prix le souvenir qui estnévrotique ? On en conclurait que seul ce qui touche à l'éternel doit être rappelé. Une référence utile Dans les Cinq Leçons sur la Psychanalyse, Freud rapproche l'hystérie de l'incapacité à oublier.

En effet, l'un dessymptômes névrotiques les plus répandus est l'attachement affectif à des événements douloureux.

De même que lesmonuments perpétuent le souvenir d'un passé parfois glorieux mais parfois aussi tragique, de même les symptômesdes hystériques ont la fonction de symboliser des événements traumatiques, avec cette différence essentielletoutefois que chez l'hystérique cela s'accompagne d'un désintérêt pour l'action présente.

On voit par là que c'estl'incapacité à oublier qui est pathologique.

Il faut cependant tempérer cette idée : ce souci commémoratif exacerbésert aussi de masque, car ce qu'il y a de traumatisant dans un événement est ce qui ne peut être accepté par laconscience, et la tâche du psychanalyste ne se réduit certes pas à convaincre le malade qu'il faut se tourner versl'avenir, mais au contraire il doit chercher à travers les indices qui lui sont livrés à retrouver ce qui a été occulté dusouvenir. Quelle stratégie adopter ? Nous avons distingué deux problématiques.

Il n'est pas nécessaire de les réunir en une, et on admettra très bien quedifférentes copies s'orientent dans des directions différentes.

Mais si l'on souhaite utiliser tout ce que nous avonsdit, le mieux est alors sans doute de commencer, dans une première partie, par analyser les rapports entre l'oubli etla mémoire, en insistant sur le fait qu'il ne saurait y avoir de mémoire sans oubli.

Ensuite, il faudrait traiter desvertus de l'oubli, nécessaire à la vie, et en profiter pour dénoncer toutes les illusions de conservation intégrale dupassé.

En dernière partie, on pourrait s'intéresser à la question de savoir ce qui mérite de ne pas être oublié, ens'aidant de ce que nous avons dit de la mémoire, qui, en perdant en exactitude, se rapproche parfois de l'essentiel.Mais qui peut le dire, si le reste est oublié ? SUPPLEMENT: NIETZSCHE : la nécessité de l'oubli Si l'animal jouit d'un bonheur que l'homme jalouse, c'est parce qu'il n'a pas demémoire supérieure.

Seul l'homme dit « je me souviens » et pour cela il lui estimpossible de vivre heureux et pleinement.

En effet :1) C'est par la mémoire, conscience du passé, que l'homme acquiert laconscience du temps et donc celle de la fugitivité et de l'inconsistance detoutes choses, y compris de son être propre.

Il sait que ce qui a été n'estplus, et que ce qui est est destiné à avoir été, à n'être plus.

Cette présencedu passé l'empêche de goûter l'instant pur, et par conséquent le vraibonheur.2) Le passé apparaît à l'homme comme l'irréversible et l'irrémédiable.

Il marquela limite de sa volonté de puissance.

L'instant présent, ouvert sur l'avenir, estle lieu du possible où peut s'exercer sa volonté de puissance.

Le passé, aucontraire, change et fige la contingence du présent en la nécessité du « celaa été ».

Dès lors la volonté ne peut que se briser sur cette pétrification dupassé qui se donne comme le contre-vouloir de cette volonté.

C'est pourquoi« l'homme s'arc-boute contre le poids de plus en plus lourd du passé quil'écrase ou le dévie, qui alourdit sa démarche comme un invisible fardeau deténèbres ».3) Sans l'oubli l'homme ne peut pleinement vouloir ni agir : il est un êtremalade, il est l'homme du ressentiment.

La « santé » psychique dépend de la faculté de l'oubli, faculté active et positive dont le rôle est d'empêcher l'envahissement de la conscience par lestraces mnésiques (les souvenirs).

Car alors l'homme réagit à ces traces et cette réaction entrave l'action.

Par ellesl'homme re-sent, et tant qu'elles sont présentes à la conscience, l'homme n'en finit pas de ressentir, « il n'en finitavec rien ».

Englué dans sa mémoire, l'homme s'en prend à l'objet de ces traces dont il subit l'effet avec un retardinfini et veut en tirer vengeance: « On n'arrive à se débarrasser de rien, on n'arrive à rien rejeter.

Tout blesse.

Leshommes et les choses s'approchent indiscrètement de trop près, tous les événements laissent des traces; lesouvenir est une plaie purulente.

» Le désir de vengeance et le ressentimentCette tension de la vie pour se surmonter elle-même sous la forme de la volonté de puissance peut-elle aller à l'infini. »

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