Lucrèce
Publié le 04/06/2019
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Lucrèce (Titus Lucretius Carus, 98 -v. 55 av. J.-C.). Poète et philosophe romain, auteur du De natura rerum (De la Nature), la seule œuvre qu’on lui connaisse. De sa vie on ne sait pratiquement rien. Jerome*, dans sa traduction de la chronique d’Eusèbc, dit qu’il était né en 94 av. J.-C., qu’il fut empoisonné par un philtre d’amour, qu’il écrivit entre les intervalles de sa folie des livres que plus tard Cicéron «corrigea», et qu’il se suicida à l'âge de quarante-quatre ans. Il n'existe aucun autre témoignage sur sa folie, et l’histoire sent la polémique chrétienne. Cicéron, dans une lettre à son frère en 54 av. J.-C., mentionne Lucrèce d’une manière qui suggère que tous deux ont lu de sa poésie. Le poème, bien que dans son état final, n’est manifestement pas achevé et l’on peut en conclure qu’il a été publié dans l’état où il était après la mort de son auteur, probablement vers le milieu du Ier siècle av. J.-C. Ce poème est dédié à l’aristocrate C. Memmius, le patron de Catulle et de Cinna (que Catulle accompagna en Bithynie lorsque Memmius y fut propréteur en 57). La description de Memmius par Lucrèce dans le prologue du livre I — un homme plein de bienveillance et qui aide son pays au moment où il en a besoin —, précède certainement sa disgrâce et son exil en 53 pour fraude et corruption lors des élections de 54.
Le De natura rerum est un poème didactique en hexamètres, en six livres; c’est l’exposé le plus complet que nous ayions du système physique d’Épicure*, en qui Lucrèce croyait avec ardeur et conviction. Le but du
poème est de délivrer les hommes du sentiment de culpabilité et de la peur de la mort en démontrant que la crainte d’une intervention divine dans ce monde et du châtiment des âmes après la mort sont sans fondement : le monde et tout ce qu’il comprend est matériel, gouverné par les lois mécaniques de la nature ; l’âme est mortelle et périt avec le corps. Ainsi l’essentiel du poème est consacré à un exposé de la théorie atomiste qu’Épicure avait emprunté aux philosophes Démocritc* et Leucippe : un nombre infini d’atomes se déplaçant dans un espace infini entrent en collision et se combinent entre eux pour donner naissance au monde dans toute sa diversité, et il n’y a rien dans le monde qui ne soit matériel. Cependant Lucrèce admet que les hommes ont un libre arbitre qu’il explique en indiquant que les atomes dévient parfois de leur trajectoire indépendamment de leur propre volonté. Il aborde également la théorie morale d’Épicure selon laquelle le plaisir est le but de la vie.
Le livre I s’ouvre sur une splendide évocation de Vénus, déesse de la Vie créative, afin qu'elle accorde au poète l’inspiration et à Rome la paix. On démontre ensuite que l’Univers est fait de vide et de petites particules de matière, les atomes, qui sont solides, indivisibles et indestructibles. En passant Lucrèce réfute les systèmes physiques d’Héraclite*, d’Empédocle* et d’Anaxagore*, et démontre que l’Uni-vers est infiniment étendu.
Le livre II commence par un passage sur les bienfaits de la philosophie. Puis il traite du mouvement des atomes qui, par nature, tombant sans fin à travers l’espace, peuvent légèrement dévier de leur trajectoire (cette déviation correspondant au rejet par Épicure d’un univers déterministe) et, entrant en collision avec d’autres atomes, for
«
mer
des masses; l'Univers est
construit à partir de ces masses, par
une série d'assemblages aléatoires.
Les atomes possèdent uniquement la
taille, la forme et la masse, les autres
qualités étant secondaires.
Le livre se
conclut en démontrant que l'Univers
contient bien d'autres mondes sem
blables au nôtre.
Le livre III débute par un éloge
d'Épicure puis démontre que l'âme
aussi est faite d'atomes, d'une nature
extrêmement subtile, et, après une
longue série de preuves, qu'elle est
mortelle.
Le livre s'achève triompha
lement par un éloquent exposé sur la
folie qu'il y a à craindre la mort.
Le livre IV traite surtout de la théo
ri e épicurienne de la vision, de la sen
sation et de la pensée ainsi que de
divers processus biologiques, la diges
tion, le sommeil et la signification des
rêves; il s'achève sur une vigoureuse
dénonciation de l'amour comme pas
sion physique qui détruit l'état idéal de
l'épicurien, la paix de l'esprit.
Le livre V débute par un panégy
rique délirant d'Épicure, considéré
comme quasiment divin à cause de sa
sérénité d'esprit, semblable à celle des
dieux.
Lucrèce attaque la visio n théo
logique du monde.
Il montre que le
monde a un comm en cem ent et aura
une fin; il discute quelques problèmes
d'astronomie.
Puis il retra ce l'origine
sur terre de la vie vég éta le et animale
ainsi que les débuts de la vie hum aine;
avec un remarquable esprit vision
naire, il décrit le développement de
l'homme primitif et la naissance de la
civilisation.
Le livre VI, dont l'introduction est
de nouveau à la louange d'Épicure, est
le moins bien composé et montre des
signes d'inachèvement.
Il traite de phé
nomènes météorologiques et terrestres
inhabituels : tremblements de terre, vol
cans, magnétisme, etc., et s'achève sur la
peste et une description terrible de
l'épidémie à Athènes (voir PÉLOPON
NÈSE, GUERRE DU).
Il n'y a pas de traitement particulier
concernant la conduite morale, mais il
est clair, à travers divers passages,
que Lucrèce adoptait le point de vue
d' Épicu re.
Le plaisir et la douleur sont
le s seuls guides, mais par plaisir il en
tend le calme né de J'absence de dou
leur et de désir, ainsi que de souci ou
de peur.
Il est profondément touché en
songeant à quel point Épicure a contri
bué à soulager les souffrances humai
nes en barmissant toute crainte supers
t i ti e us e, en introduisant la paix de l'es
prit et en enseignant aux hommes à
faire face à tous les malheurs de la vie
avec sérénité; il parle du philosophe
avec une révérence religieuse.
Bien
qu'il décri ve l'épicurisme avec la fer
veur d'un converti, il sait également
saisir avec vigueur son argumentation
inte llectue lle , et, s'il écrit avec une
grande intelligence des problèmes, il
e st en même temps plein d'émotion.
Bien des thèmes ne se prêtent guère à
un traitement poétique, et certains pas
sages sont complexes à lire tandis que
d'autres sont d'une versification lour
de et maladroite; mais l'œuvre dans
son ensemble est remplie d'une in
tense attention au monde qui entoure
le poète, en particulier aux beautés de
la campagne, d'une chaleureuse sym
pathie envers tous les êtres vivants et
d'une compassion, parfois doulou
reuse, envers 1 'humanité.
Son profond
sens moral, éclairé par un vif sens du
ridicule, le pousse souvent vers la sa
tire, tandis qu'en observant attentive
ment le monde il trouve facilement de
quoi illustrer ses arguments par des
images et des comparaisons vivantes
mais sans élégance.
Ses hexamètres
ont du poids et de la dignité, bien qu'il
s'autorise des licences que les poètes
ultérieurs préféreront éviter.
Son style.
»
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