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Lucrèce affirme: quel témoignage a plus de valeur que celui du sens ?

Publié le 08/04/2015

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 Quelle confiance peut-on faire à la perception ? Cette question a été soulevée par les Grecs dès l’Antiquité et reprise par leurs héritiers Romains, comme c’est le cas dans ce texte de Lucrèce.        Le philosophe latin semble bien faire ici l’éloge de la perception comme moyen de connaissance : « Quel témoignage a plus de valeur que celui des sens ? » Aucun répond-il puisque la raison « est sortie d’eux tout entière », dès lors, s’ils nous trompent « la raison tout entière est mensonge ». Dira-t-on que les sens peuvent se corriger mutuellement ? Impossible affirme Lucrèce « car chaque sens a (…) ses fonctions à part » ; le toucher ne peut donc être le contrôle du goût, l’ouïe ne peut corriger ni la vue, ni le toucher. « Chaque sens a son pouvoir propre » et donne une sensation dont la spécificité lui correspond, aussi les sens ne peuvent-ils se contrôler entre eux. « Ils ne peuvent pas non plus se corriger eux-mêmes »  puisque chaque sensation  réclamera « toujours le même degré de confiance ». Ainsi c’est bien par les sens que nous sommes informés de la réalité et la raison elle-même en dépend. La conclusion du texte n’en est que plus étonnante : les sens ne pouvant se corriger entre eux, ni se corriger eux-mêmes, la raison ne pouvant non plus les contredire, Lucrèce en conclut que « leurs témoignages en tout temps sont vrais ». Veut-il vraiment dire que ce qui est vrai c’est ce qu’on ne peut pas contrôler ? Ce serait pour le moins paradoxal !   La critique des sens par Lucrèce est elle judicieuse ? Il faut bien reconnaître que les études de la sensation par la psychophysique lui donnent raison et en particulier la loi de l’énergie spécifique des nerfs établie par Weber : selon cette loi la qualité de la sensation dépend de l’organe excité et non de l’excitant ; ainsi un courant électrique produit une sensation visuelle à l’oeil, et sur la langue une sensation de salé. Lucrèce a donc vu juste : la qualité de la sensation dépend du sens qui perçoit ; un coup de poing, excitant mécanique, sur l’œil fait voir, comme on dit, « trente six chandelles » c’est-à-dire des sensations lumineuses vives et imprécises, sur la peau il crée un sentiment de douleur.        Doit-on affirmer pour autant que les sens ne peuvent se corriger entre eux ? C’est aller un peu loin : si je sens une odeur de rose et que je ne vois pas la fleur, je la cherche et généralement je parviens à la voir. Si j’entends miauler et que je vois un chien, je ne me contenterai pas de cette investigation et, même si je ne vois aucun chat je ne penserai pas que le chien a miaulé. Il n’est peut-être pas exact non plus de dire que chaque sens ne peut se contrôler lui-même ; au contraire c’est ce que nous faisons couramment lorsqu’une perception nous paraît incongrue : nous revenons alors sur le perçu pour nous efforcer de le comprendre et souvent ainsi nous corrigeons notre première perception. Bien plus, la psychologie de la Forme montre que nous pouvons avoir une perception spontanée d’un objet et en susciter une autre sans que rien ne change, si ce n’est  notre manière de voir ; elle considère même que c’est en cela que consiste le travail de l’intelligence : à remanier notre perception pour trouver une solution à se qui se présent à nous comme problème.                       Mais n’y a-t-il pas un glissement de langage dans le texte ? Tandis que la...

« selon cette loi la qualité de la sensation dépend de l'organe excité et non de l'excitant ; ainsi un courant électrique produit une sensation visuelle à l'oeil, et sur la langue une sensation de salé.

Lucrèce a donc vu juste : la qualité de la sensation dépend du sens qui perçoit ; un coup de poing, excitant mécanique, sur l'oeil fait voir, comme on dit, « trente six chandelles » c'est-à-dire des sensations lumineuses vives et imprécises, sur la peau il crée un sentiment de douleur.        Doit-on affirmer pour autant que les sens ne peuvent se corriger entre eux ? C'est aller un peu loin : si je sens une odeur de rose et que je ne vois pas la fleur, je la cherche et généralement je parviens à la voir.

Si j'entends miauler et que je vois un chien, je ne me contenterai pas de cette investigation et, même si je ne vois aucun chat je ne penserai pas que le chien a miaulé.

Il n'est peut-être pas exact non plus de dire que chaque sens ne peut se contrôler lui-même ; au contraire c'est ce que nous faisons couramment lorsqu'une perception nous paraît incongrue : nous revenons alors sur le perçu pour nous efforcer de le comprendre et souvent ainsi nous corrigeons notre première perception.

Bien plus, la psychologie de la Forme montre que nous pouvons avoir une perception spontanée d'un objet et en susciter une autre sans que rien ne change, si ce n'est  notre manière de voir ; elle considère même que c'est en cela que consiste le travail de l'intelligence : à remanier notre perception pour trouver une solution à se qui se présent à nous comme problème.                       Mais n'y a-t-il pas un glissement de langage dans le texte ? Tandis que la première phrase affirme qu'aucun témoignage n'«a plus de valeur que celui des sens », la dernière conclut « leurs témoignages en tout temps sont vrais » : il y a confusion entre la valeur utilitaire du témoignage et sa vérité.

Lucrèce veut-il vraiment dire que, parce qu'il est incontrôlable le témoignage des sens est vrai ? Evidemment non ! Il nous dit surtout qu'il n'y a pas d'autre témoignage que celui des sens car la raison « est sortie d'eux tout entière » ; elle ne peut donc les contredire : s'ils nous trompent « la raison tout entière est mensonge ».

Ce point de vue est empiriste et peut très bien être récusé ; dans le texte dit « du morceau de cire » (2ème Méditation), Descartes montre que la. »

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