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Marcuse et les jeunes de 68

Publié le 28/04/2013

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Johannes Gutenberg - Universität Mainz Romanisches Seminar WS 2012-13 Seminar: Culture populaire et contestation sociale: mai 68 et le printemps érable Leitung: T. Obergöker Herbert Marcuse et les jeunes de mai 68: quels liens possibles? Cinzia Catani [email protected] Französisch/Deutsch 3. Fachsemester Table de matières o 1. Introduction...............................................................................................................2 o 2. Un climat brûlant en France......................................................................................3 o 3. Aux origines de la pensée philosophico-politique de Marcuse: tentatives de synthèse entre les maîtres Hegel, Marx et Freud..........................................................8 o 4. Pars destruens: l'individu est asservi, les désirs sont refoulées: la société unidimensionelle...........................................................................................................9 o 5. Pars costruens: les 'solutions' à la condition pénible de l'homme...........................12 o 6. L'imagination au pouvoir........................................................................................13 o 7. Influences des développements historiques des années 1964-1969 sur la pensée de Marcuse.......................................................................................................................14 o 8. La réalisation d'un rêve ou rêves de réalisation?.....................................................17 o 9. Marcuse malentendu?..............................................................................................19 o Bibliographie...............................................................................................................21 Page 1 The so-called consumer economy and the politics of corporate capitalism have created a second nature of man which ties him libidinally and aggressively to the commodity form. The need for possessing, consuming, handling, and constantly renewing the gadgets, devices, instruments, engines, offered to and imposed upon the people, for using these wares even at the danger of one's own destruction, has become a 'biological' need [...]. The second nature of man thus militate against any change that would disrupt and perhaps even abolish these dependence of man on a market ever more densely filled with merchandise - abolish his existence as a consumer consuming himself in buying and selling. Marcuse, An essai on Liberation (1969) 1 o 1. Introduction Le but que ce travail se propose est celui d'instaurer des points en commun et des liens, si possible, entre les événements du mai 68 et la pensée du célèbre auteur de l'oeuvre 'L'homme unidimensionel' et représentant de l'École de Francfort, Herbert Marcuse. On pourrait dire que ce lien entre les deux s'est consolidé dans la mémoire commune, jusqu'à ce que on le considère presque comme allant de soi, acquis en avance comme une vérité donnée, ou mieux comme l'une de ces icônes populaires que sont devenues telles on ne saurait bien comment et pourquoi mais qui là doivent demeurer, intouchables et presque sacrées. De quelle manière Marcuse est-t-il devenu dans l'imaginaire collectif l'un des inspirateurs du grand bouleversement que le 68 a entraîné? Est-ce que tout a été entamé par l'écriture sur les murs de Paris, mais aussi Berlin et Rome, d'un apparemment innoffensif graffiti qui reproduisait les mots "L'imagination au pouvoir" (ou tout simplement, le nom de Marcuse)2, qui est devenu premièrement le slogan des jeunes du '68 et quelques années après aussi celui des grèveurs des usines LIP à Besançon, avant de deboucher dans le mythe? Mais en affirmant cela, on court le risque d'éluder le noyau de la question et de la banaliser. On verra donc au cours de ce travail quels sont les aspects fondamentals qui caractérisent cette période 1 Herbert Marcuse, An essai of liberation, Boston: Beacon Press, 1969, p. 11. 2 Igor Krtolica, Des luttes étudiantes dans les années soixante en Europe Occidentale (Allemagne, France et Italie), Cahiers du GRM, Europhilosophie-Editions, Cahier 3, 2012. Page 2 particulière et unique de l'histoire moderne, surtout dans le sense du poids qu'elle a eu dans l'imaginaire commun, la place qu'elle a occupé dans les éspoirs de ceux qui l'ont vécu. Et, par conséquent, on essayera de remonter "au rebours" aux pères inspirateurs des idées que nous avons vu 'descendre' dans la rue, dans un attempt d'assimiler et de rapprocher le deux sphères de la culture populaire et de ses révendications avec la sphère de la pensée philosophique, habituellement releguée aux espaces universitaires mais dans cette période d'élection de l'histoire française concretisée en actions. Il est importante de souligner que Marcuse ne s'est jamais déclaré porte-parole ou guru, comme fait justement remarquer Peter-Erwin Jansen dans la préface à une recueil de discours prononcés par le philosophe dont il s'est occupé3; mais le problème des interactions et des influences entre Marcuse et la realité des révoltes de '68 est très compliqué et sera analysé de manière plus exhaustive dans les derniers paragraphes de mon essai. On peut cependant déjà affirmer que ce que a contribué grandement à édifier ce binôme a été sans doutes les médias et le monde de l'information, toujours prês aux associations d'idées immédiates et simplifiées. Le monde de l'information, en particulier celui qui est lié aux milieux conservatifs, dénonça même sa théorie de l'emancipation (vue comme chanche de l'individu pour s'émanciper des contraintes de la société) comme instrument dépourvu de valeur effective, ou son idée du droit à la révolte (Widerstandrecht) comme subversive et ménaçante l'ordre de l'état républicain. Peu après il sera même accusé par les organes dirigeantes communistes, dont il n'avait jamais partagé la doctrine, d'être un agent secret de la CIA au service des Amércains, vu qu'il vivait aux États-Unis et qu'il avait critiqué énergiquement la structure sociale sovietique et semblait avoir remis les devoirs révolutionnaires à tout autre classe sociale que le proletariat. Pour la théorie marxiste par ailleurs, la localisation - ou plutôt, la concentration - de l'opposition dans certaines couches moyennes et pas seulement dans le proletariat apparaissait comme une intolérable déviation; en plus, l'accent est mis sur les besoins biologiques et esthétiques, et ici l'on croiait voir un retour à l'idéologie bourgeoise, ou même, pis encore, un éloge de la civilté occidental. Pourtant, et il est évident dans les pays avancés où règne le capitalisme des monopoles, ce déplacement de l'opposition, ce transfert du rôle des organisations ouvrières à des minorités militantes est l'effet du développement interne de la société, et la prétendue 'déviation' théorique ne fait que refléter ce changement de la société contemporaine. o 2. Un climat brûlant en France Les causes à l'origine du mouvement du '68 furent nombreuses, mais nous les pouvons résumer en 3 Jansen, Peter-Erwin (Hrsg. v.), Die Studentenbewegungen und ihre Folge. Nachgelassene Schriften, Springe: Zu Klampen, Préface à l'oeuvre, p. 9. Page 3 quelques idées fondamentales et quand même toujours liées aux idées de volonté de rupture avec le passé, de volonté de changer un future qui semblait pour les jeunes générations déjà écrit, volonté de se libérer d'un gouvernement qui était au pouvoir depuis dix ans et qui semblait dépassé (le gouvernement dit 'personnel' de Charles de Gaulle était à l'epoque considéré comme une dictature). Il s'agissait d'une crise du consentement avec le pouvoir établi et avec les rapports d'autorité, qui avait déjà travaillé sourdement dans la societé française en forme de mécontentement avant d'exploser en 1968 et qui peut être expliqué avec une metaphore géologique éloquente que j'ai retrouvée dans le livre Mai-Juin 68, huit semaines qui ébranlèrent la France: "Une telle crise pourrait être éclairée par une faille, apparue autour de la Seconde Guerre Mondiale, qui saperait l'édifice social et favoriserait le séisme de 1968".4 Mais la question pourrait ainsi se poser: d'où vient cette conscience renouvelée? Comme nous savons, il s'agit d'un mouvement typiquement populaire, d'une crise manifeste dans tous les terrains de socialisation (famille, école, église) et qui intéresse d'abord les "dominés": les domestiques, les femmes, les jeunes - qu'ils soient scolarisés ou au travail dans les usines ou les exploitations agricoles. Mais on y reviendra plus en détail dans les derniers paragraphes. Le caractère le plus évident dans la memoire commune, au delà des événements violents et des morts pendant les affrontements civilis-policiers, est lequel de la spontaneité, même des aspects ludiques de cette contestation. Mais quoi qu'il s'agisse de contestations ou des émeutes, le 1968 a eu aussi des bases idéologiques. La singularité française fut par example le lien entre la contestation intellectuelle et les couches populaires, surtout le monde ouvrier. Parmi les autres, en particulier Sarte appuya de maniére publique les revendications ouvrières et étudiantes en déclarant: "Dans les derniers 50 ans les intellectuels et les philosophes se sont éloignés du monde quotidien, il faut revenir dans la rue afin que nous puissions obtenir des résultats, des changements, au moins comme il s'est passé pendant le 19e siècle". 5 Nous pouvons en première instance reconduire les concepts les plus importants qui sont à la base de ces mouvements à l'idée de l'antiautoritarisme, le besoin de se liberer d'un pouvoir écrasant et aussi de renouver les moyens de participation civile à la politique et de cette manière changer les rapports de subordination entre la societé civile et le gouvernement. Francois Mitterrand lors du 20e anniversaire de Mai 68 dèclarait: "On a assisté à une dèsaffection des Français pour la sphère publique et politique et pour le militantisme en général". Des slogans comme "Ni dieux, ni maîtres" ou "L'imagination prend le pouvoir" sont à ce propos 4 Xavier Vigna, Jean Vigreux (Hrsg. v.), Mai-Juin 68, huit semaines qui ébranlèrent la France, Dijon: PU Dijon, 2010. 5 Manifeste apparu dans "Le Monde" de 10 mai '68 et signé par une dizaine d'autres représentantes du monde philosophique et littéraire français. Page 4 demeurés bien connues. Ces revendications iront aussi dans la direction non plus seulement de la liberation d'un pouvoir trop conservateur et qui perpetue des injustices anciennes, pour peut-être diminuer le rôle normatif et rigide de l'État dans la vie économique et sociale; mais aussi dans la libération des moeurs: des nouvelles valeurs apparaissent, et elles sont notamment centrées autour de l'autonomie et de la primauté de l'individu et impliquent le refus des règles traditionelles de la société, à travers l'expression de la creativité. On considère puis souvent la libération sexuelle comme l'un des grands thèmes de cette période, mais à vrai dire ce n'est pas que dans les années suivantes que le débats sur les moeurs prendront place comme nous les connaissons. Il est cependant important de remarquer que les bases de ces débats futurs ont été jetées dans ces années: l'une des premières révendications des étudiants est laquelle de pouvoir inviter des filles dans les dortoirs des étudiants universitaires: à l'époque il était formellement interdit de recevoir des visites feminines dans son propre appartement. Et puis, la France avait autorisé l'usage de la pilule contraceptive dès 1967, mais à l'epoque elle était encore peu répandue. Marcuse même avait parlé et parlera beaucoup de libération des énergies vitales et des potentialités de l'homme dans le cadre de son idée de société utopique, en faisant le noyau de sa pensée, et cela constituera un thème d'actualité des années suivantes, même si cette libération sera entendue par les jeunes premièrement comme libération sexuelle. Un autre concept qui est à la base des révendications est le rejet de la société bourgeoise: même si les étudiants qui se révoltent font pour la plupart partie de la bourgeoisie (la societé est encore extrêmement rigide, 92% des étudiants vient encore de la bourgeoisie), ils rejettent leur propre m...

« Page 1Table de matières • 1.

Introduction...............................................................................................................2 • 2.

Un climat br û lant en France......................................................................................3 • 3.

Aux origines de la pensée philosophico-politique de Marcuse: tentatives de synthèse entre les maîtres Hegel, Marx et Freud..........................................................8 • 4.

Pars destruens: l'individu est asservi, les désirs sont refoulées: la société unidimensionelle...........................................................................................................9 • 5.

Pars costruens: les 'solutions' à la condition pénible de l'homme...........................12 • 6.

L'imagination au pouvoir........................................................................................13 • 7.

Influences des développements historiques des années 1964-1969 sur la pensée de Marcuse.......................................................................................................................14 • 8.

La réalisation d'un rêve ou rêves de réalisation?.....................................................17 • 9.

Marcuse malentendu?..............................................................................................19 • Bibliographie...............................................................................................................21. »

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