Maurice Blondel
Publié le 22/02/2012
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«
MAURICE BLONDEL
1861-1949
RIEN ne serait plus facile que d'esquisser de Maurice Blondel un portrait conformiste.
Né à
Dijon
en 1861, mort à Aix-en-Provence (1) en 1949, Blondel n'a pas connu la gloire et les honneurs
comme Bergson; il
n'a pas occupé les premières chaires de l'Université; malgré une vie chrétienne
exemplaire, le catholicisme officiel ne l'a pas porté sur le pavois comme Claudel.
Néanmoins,
il a
eu une carrière universitaire plus qu'honorable; il fut un auteur fécond, influent, commercial;
du côté catholique, les oppositions initiales cédèrent peu à peu devant une estime croissante.
A
la veille de sa mort, c'était un Maître aimé, entouré, universellement respecté.
Le Pape l'avait
complimenté en 1945, les revues tenaient à sa signature, la Sorbonne elle-même, lors du Congrès
Descartes
en 1937, lui avait réservé une séance d'apparat.
On pourrait donc écrire, aujourd'hui,
tranquillement que, malgré quelques vicissitudes, la vie et l'œuvre de Blondel n'offrent rien d'incon
fortable, rien de très original non plus.
Chrétien et philosophe, il a rempli honnêtement la tâche
d'un philosophe chrétien.
En cela pareil à vingt autres, semblable à tous ceux qui, avec des talents
inégaux,
reprennent à chaque génération l'éternelle dissertation sur l'accord de la foi et de la
raison.
Mais ce portrait conformiste ne serait point conforme.
Sans doute des admirateurs l'écriront
quand même.
Il en va ainsi pour la plupart des penseurs; on leur résiste dans la période montante
de leur pensée, c'est-à-dire au moment où cette pensée est intéressante; puis, quand on a suffi
samment usé les angles de leur doctrine, on la reçoit, on l'accepte, on l'embaume dans les manuels.
Elle devient
d'un même coup classique et inoffensive.
Opération dans laquelle certains profes
sionnels
de l'enseignement sont passés maîtres.
La longévité de Blondel a même permis à cette
pieuse confiscation
de commencer de son vivant.
Aussi, par réaction, ne dirons-nous ici que ce
qu'on ne dit point d'habitude.
Toute notre attention se concentrera sur ce que Blondel apportait
de neuf, le 7 juin 1893, en proposant sa thèse sur l'Action.
Mais ne dissociant jamais l'œuvre, de
l'homme, ni le militant, du penseur, nous montrerons aussi comment cette vie s'est accomplie
sous le signe
de la réflexion et de l'action inséparablement unies.
Au physique, Maurice Blondel était de petite taille.
De santé délicate, non de frêle consti
tution.
Il était musclé et vigoureux, perpétuellement actif.
Ce jeune homme blond qui, à vingt
ans,
porte cheveux courts, collier de barbe et moustache soignés, était devenu, à quarante, un
professeur distingué, aux manières fines, aux gestes précis.
Fidèle à l'ancien habit universitaire,
au col cassé, au bouc en pointe, il avait un grand souci de dignité et de correction, sans recherche
ni affectation.
Plusieurs choses frappaient
en lui : le front, qu'il avait immense, en contraste
saisissant avec le bas
du visage plutôt effacé; les yeux, d'un regard tout intérieur soudain avivé
par un pétillement malicieux ou ironique; la voix enfin, douce, musicale, toujours prête à se
réchauffer d'éloquence.
Avec cela, les mains ponctuant le discours, le geste mimant la progression
de la pensée.
En somme, le parfait professeur, celui qui démontre et qui montre, qui explique
et qui décrit.
Au moral, il offrait les mêmes contrastes.
Il était foncièrement sérieux, et pourtant gai,
spirituel,
un peu moqueur.
Méditatif, ruminant sans cesse l'inachevable synthèse, il était ardent
(1) Presque toute sa carrière s'est déroulée à Aix, au lycée, puis à la Faculté des Lettres..
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